VALERY LEFORT Hier dans LM, en propos avant match.
Dans un contexte rugby morose - quand il n’est pas anxiogène – une victoire de Clermont, synonyme de qualification, serait le plus précieux des antidotes.
Un môme de 18 ans qui prend « un autobus » en pleine face et s’écroule tel un pantin désarticulé.
Une violence qui s’invite et s’incruste weekend après weekend.
Un club qui s’offre (ou plutôt se fait offrir) un bijou en plus sans charme à près de
300 millions d’euros, mais qui se trouve suffisamment mesquin pour filer un placard à balais en guise de vestiaire à l’équipe adverse (cf Clermont au Racing).
Il y a aussi un président de fédé qui, d’affaires en petits arrangements, semble s’affranchir de règles élémentaires de probité que lui impose son élection.
Et cet autre « prèz » blingbling qui, entre muflerie et perte totale de repères, assène que le rugby « c’est pas du ballet ni de la danse », semblant en creux craindre que les draps blancs autour d’Ezeala pouvaient aussi nuire au développement de son beau sarcophage de béton...
On le voit, la semaine a encore été « riche » dans le joyeux monde autoproclamé « des valeurs du rugby » ! Et encore, ces derniers jours, pas un joueur ne s’est fait choper avec de la coke. Ni en train de se battre comme un chiffonnier avec deux grammes dans chaque poche en sortant de boîte. Une semaine presque normale, quoi.
C’est pourtant un doux euphémisme que de dire que ce n’est pas la joie dans le rugby français en ce moment, alors que les stigmates du renvoi comme un malpropre du sélectionneur n’ont pas fini de ternir un peu plus le décorum... On sait pouvoir compter sur la gnaque de Novès pour laver ce qu’il considère comme son honneur sali.
Le coq français, emblème du XV, n’a vraiment pas le cœur à chanter. Il n’a même jamais semblé avoir eu autant les pieds dans le fumier... Alors, en ces temps de plafonds bas et de ciels bouchés, on a vraiment envie de fraîcheur, de jeu, de joie, d’envie !
Léo FAURE, vendredi dans le midol, très très bon dans le rôle
Cloaque
Le rugby français s’embourbe, dans ce qu’il sait faire de pire. Sur les terrains, où on comptabilise désormais, chaque week-end, plus de commotions cérébrales que de « trois contre un » négociés dans les règles de l’art. Loin des terrains, surtout. C’est là que battent, désormais, ce sport et son actualité. On copine, on négocie, on politise, rognant quand il le faut sur la ligne rouge. On prend des positions de principe, parfois à l’encontre de toute logique. Un exemple, né du glaçant K.-O. De Samuel Ezeala, dimanche soir : il ne faudrait plus faire jouer un gamin de 18 ans, pourtant plombé de 95 kg sur la balance, sous peine de se voir fustiger par Provale, organe théorique de défense des joueurs lui-même politisé, où se jouent des carrières de dirigeants bien plus que des causes. Clermont aurait donc dû recruter un joker sudiste de plus, ou infiltrer un joueur choisi à la courte paille parmi sa légion d’éclopés, plutôt que de lancer un môme aspirant au XV de France ? On croit rêver…
Dans le joyeux monde du rugby français, on a également vu, cette semaine, presque quatorze entraîneurs du club (onze, en fait) prendre la route de Marcoussis. C’était lundi, pour entériner la fin de la liste élite pour laquelle Bernard Laporte avait œuvré à l’élargissement. Pour mettre à mort, aussi, la préparation physique portée par Serge Simon cet été. Pour collaborer, enfin et pour la forme, aux destinées d’un XV de France que certains venaient juste de refuser. Pris par la multiplicité des fronts qu’elle a elle-même ouverts, la Fédération a reculé sur celui qui l’oppose ainsi à la LNR. Même contrainte et forcée, une bonne nouvelle reste une bonne nouvelle. La perspective d’apaisement est bienvenue. Mais la sensation d’improvisation générale demeure, tenace.
Mais tous ces regrets de forme, embarrassants dans n’importe quel autre sport, anecdotiques dans le quotidien du rugby français à la mode 2018, ne sont rien devant l’épisode juridique qui se profile. Le désormais ancien sélectionneur a donc décidé, hier après-midi, de porter devant un conseil de prud’hommes le contentieux qui l’oppose à la FFR dans le cadre de son licenciement. On passera sur les détails de la procédure et le fond du dossier qui les oppose, quand il faudra attendre que les avocats plaident, que les juges tranchent et que le verdict soit rendu public pour savoir, sur le fond réglementaire, qui avait raison. Sur la forme, l’image d’une fédération qui se sépare sans classe du plus grand palmarès de son sport, sans parvenir à une conciliation discrète, fait peine à voir. Au cœur de ses tourments, le rugby voit deux de ses plus grandes figures se déchirer devant témoins. C’est la loi du talion, œil pour œil dent pour dent et Novès, qui confie ci-contre son amertume immense face à son destin récent, ne lâchera rien.
À l’heure où on débat des pelouses, tantôt indignes, parfois hybrides jusqu’aux synthétiques purs, une remarque : notre cloaque, ce n’est pas le marécage de Brive, la fange d’Agen ou le bourbier de Paris. Notre honte, c’est l’accumulation des affaires dans lequel le rugby se vautre. Toujours un peu plus.