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CASTRES (TARN) - Ludovic Radosavljevic a passé neuf ans à Clermont (2008-2017). Un club qui lui a permis de côtoyer quelques pointures du rugby mondial et de participer à un grand nombre de phases finales. Mais, à vingt-huit ans, ce demi de mêlée râblé et jovial avait besoin d'un nouveau défi pour prouver aux autres autant qu'à lui-même qu'il valait mieux que ce statut d'éternel remplaçant qui lui collait au train à l'ASM. Au CO, il commence enfin plus souvent les matches qu'il ne les termine. Et il progresse au fil des semaines. « Quand il est arrivé, il était un peu formaté, témoigne le manager castrais, Christophe Urios. C'était éjection, éjection, éjection... Or, moi, je ne veux pas d'un 9 qui soit uniquement éjecteur. Je veux qu'il soit aussi une menace pour l'adversaire, qu'il prenne des initiatives, qu'il joue avec ses avants, qu'il trouve des espaces autour des rucks. Ce n'est pas encore naturel chez lui, mais il y vient. »
« Qu'êtes-vous venu chercher à Castres ?Un peu plus de temps de jeu. À Clermont, j'ai passé de superbes années, mais je n'ai jamais eu vraiment l'opportunité d'enchaîner des gros matches. Du coup, c'était compliqué de mettre mon jeu en place. J'étais plus dans le truc de me dire : joue en essayant de ne pas faire de conneries plutôt que pour te régaler. J'étais dans un fauteuil de numéro 2, bien installé.Était-ce plus confortable d'être remplaçant à Clermont que titulaire dans un club moyen de Top 14 ?Pff... Pour vous dire la vérité, je n'ai jamais réfléchi à l'éventualité de quitter ce club. J'y ai construit ma vie de papa, je m'y suis fait des amis en dehors du rugby, j'y étais bien. Le seul truc, c'est que j'y manquais trop de confiance pour m'y affirmer complètement.
« Il me fallait un coup de pied au cul pour rebondir »
Qu'avait de plus que vous Morgan Parra ?Un parcours différent. Il a débuté très jeune à Bourgoin-Jallieu, où on lui a très rapidement donné les clés du jeu. Ç'a sûrement accéléré sa maturité. Moi, j'ai toujours été dans une routine de remplaçant. J'étais plus un suiveur qu'un meneur. Il me fallait un coup de pied au cul pour rebondir.N'avez-vous pas craint de passer de numéro 2 derrière Parra à numéro 2 derrière Rory Kockott ?Tout le monde m'a dit ça. Mais je suis un compétiteur. Je me suis juste dit : allez, sors de ton cocon ! J'ai bien bossé et voilà.
N'est-ce pas une revanche sur ceux qui raillaient votre éternel statut de remplaçant ?Pff... J'ai surtout vécu des moments compliqués après la demi-finale perdue contre le Racing à Rennes (33-34), en juin 2016. On perd le match à la fin sur un contre, après une interception sur une de mes passes. Derrière, j'ai vécu une saison difficile, à me faire siffler au stade par une partie de nos propres supporters. (Il souffle.) Mais je ne sais même pas pourquoi je parle d'eux, ça leur donne de l'importance et ça ne sert à rien. Les ordinateurs, les réseaux sociaux, ça donne beaucoup de courage aux gens... Mais personne n'est venu me dire quelque chose en face.Lisiez-vous ce qui s'écrivait sur vous sur Twitter ou ailleurs ?Au début, tu te dis que tu ne vas pas regarder, mais comme tout le monde t'en parle, tu finis par y aller. Mais tu ne réponds même pas, parce que si tu réponds, t'es mort.Cette demi-finale est-elle le pire souvenir de votre carrière ?Oui. J'avais eu l'impression de trahir le groupe, alors que ce n'était qu'un fait de jeu. J'en ai bavé pendant un moment. Une année de merde... Quatre ou cinq mois avant, j'avais perdu mon papa. Je n'avais pas vraiment la tête au rugby. Et puis il n'y avait personne pour me pousser. On n'était que deux demis de mêlée, Morgan et moi. Les autres étaient jeunes.
Le jeu du CO peut-il vous aider à prendre plus de responsabilités ?Sans doute. Christophe (Urios) m'a dit qu'il aimait les 9 qui portent le ballon. Or, moi je suis très tourné vers le collectif et la continuité du jeu. C'est bizarre, parce que quand j'étais jeune je prenais énormément d'initiatives individuelles. J'ai tout zappé en arrivant à l'ASM. Parce que j'avais envie de bien faire, de rester dans les clous. Là-bas, il y avait beaucoup de stars. J'étais forcément un peu en retrait. Et comme je prenais du plaisir à faire jouer autour de moi, c'est resté. Aujourd'hui, il faut que me fasse un peu violence pour changer ça. J'arrive à un âge où je commence à bien connaître le poste. J'ai joué avec des Rougerie, Joubert, Ledesma, Sivivatu, Mignoni, Broke James, des mecs qui ont marqué le rugby. J'ai beaucoup appris à leurs côtés. Je n'en avais pas forcément conscience quand j'étais à l'ASM. Aujourd'hui, je le sais.Vous avez quand même gagné des titres avec Clermont !Ouais... Mais c'est compliqué de t'approprier le truc quand t'es dans un rôle de remplaçant.
« J'aime bien tisser des liens avec les gros »
Que vous manque-t-il pour vous sentir plus légitime ? D'avoir débuté une finale, par exemple ?Peut-être, oui. J'ai eu la chance d'en disputer trois comme remplaçant en Coupe d'Europe. J'aurais peut-être pu attaquer la deuxième contre Toulon. J'avais quasiment commencé tous les matches précédents, notamment le quart et la demie. En finale, pourtant, j'étais sur le banc. Peut-être que j'aurais mérité de démarrer ce match-là. Morgan revenait de blessure. Les coaches ont préféré son expérience.Votre entraîneur loue votre rapport privilégié avec les avants...Oui, j'aime bien tisser des liens avec les "gros". C'est peut-être parce que j'ai grandi parmi eux. À la maison, mon papa, ma maman et mon frère jouaient tous au rugby, et ils évoluaient tous devant ! En fait, je suis l'exception. Sans compter que je suis originaire du Sud-Est, une région où le combat des avants est une vraie culture.Vous supportiez le RC Toulon, étant gamin ?Non, pas Toulon. Jamais !
Pourquoi ?Quand je jouais contre lui, dans les catégories jeunes, avec Avignon ou Aix-en-Provence, ça se passait toujours mal. C'était violent, limite voyou.Quel jeune rugbyman étiez-vous avant d'arriver à Clermont ?Un gamin qui avait des facilités et qui pensait que tout arriverait automatiquement. Or, il y avait un monde d'écart entre Aix ou Marcoussis, où j'ai passé un an, et Clermont. Heureusement, je suis tombé à l'ASM sur des entraîneurs comme Vern Cotter et Joe Schmidt qui m'ont inculqué la culture du travail et de l'exigence au quotidien.
Il paraît que vous chantez beaucoup dans le vestiaire...Ouais, j'aime bien ça. C'est parce que je me sens super bien ici. Je n'ai aucune retenue. Si j'ai envie de chanter, de crier, de raconter des blagues, je le fais naturellement.Et que chantez-vous ?Des chansons paillardes, d'autres qui passent à la radio, de tout. Il y en a une que je fredonne souvent en ce moment, c'est Nadau (il se met à chanter) "Mon Dieu que j'en suis à mon aise"...Avez-vous d'autres passions en dehors du rugby ?J'adore la pétanque et dessiner. Récemment, j'ai fait une toile à mon fils, qui est fou de Marvel. J'ai croqué tous les Marvel qu'il aime bien. Je crois qu'il est content (sourire). »