Équipe de France : Mohamed Haouas, pilier de Montpellier, réinsertion express Des erreurs de jeunesse lui ont valu des ennuis avec la justice. Cinq ans plus tard, soutenu par le MHR et décidé à s'en sortir, le pilier droit devrait connaître sa première sélection.
On pourrait s'en tenir au terrain pour comprendre Mohamed Haouas. Quand on parle de lui, on évoque d'abord un guerrier, impatient et impulsif, capable, à quelques minutes du coup d'envoi d'un match face au Racing, d'asséner pour une broutille un coup de poing au visage de son partenaire d'échauffement, l'épais Bismarck Du Plessis. Un joueur dur au mal et aux épreuves, capable de tout endurer, tout surmonter. Mais comment ne pas chercher au plus profond du personnage les événements qui l'ont rendu exemplaire dans la performance et unique dans cette force de caractère ?
En bref25 ans.
Pilier droit.
Club : Montpellier Hérault Rugby.
2016 : signe son premier contrat pro avec le MHR.
2020 : intègre le groupe des 42 Bleus sélectionnés pour le Tournoi des Six Nations.Il faut donc raconter la banale histoire du gamin paumé que le rugby va protéger et sauver. Quand les éducateurs d'Hérault Sport, l'outil d'animation du département, lui suggèrent, quand il a 15 ans, de rejoindre le club de Montpellier, il ne connaît ni les codes ni la culture de ce sport dont il ignore à peu près tout. Son truc à lui, c'est le taekwondo, un art martial qui colle sans doute à la dureté de la vie dans le quartier. Le sien, le Petit Bard, se situe à l'ouest de la ville. Quartier populaire. Quotidien difficile. Fréquentations douteuses. Sa mère l'élève seule, lui et son petit frère. Le père a fichu le camp. « La famille arrivait du Havre, raconte Isabelle Gély, ancienne responsable administrative et pédagogique du centre de formation du MHR. Elle s'est installée sur Palavas, où elle a subi beaucoup de racisme. Au Petit Bard, Momo a trouvé d'autres repères. »
Le gamin est impétueux, livré à lui-même, et les occasions de s'égarer ne manquent pas. Au printemps 2014, il est appréhendé pour une série de délits. « Trois ou quatre cambriolages qu'il aurait commis avec l'aide d'un complice dans des bureaux de tabac de la région, expose son avocat, Marc Galix. L'affaire n'a pas encore été audiencée, elle a été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour septembre-octobre 2020. »
« On a décidé de lui tendre la main [...] On l'a fait sortir de prison et on l'a pris en charge. La police a été très conciliante et a salué nos efforts de coopération. Et Momo a fini par rentrer dans le rang »
Mohed Altrad, président du Montpellier Hérault Rugby
Haouas a 20 ans, passe par la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, est placé sous contrôle judiciaire. Ses horaires de sortie sont encadrés, il est interdit de séjour au Petit Bard, bloqué par une obligation d'émargement hebdomadaire. Son passeport est confisqué, avec tout ce que cela comporte de tracas logistiques pour le club. « On a décidé de lui tendre la main, souligne le président Altrad. Avec son avocat, et grâce à Jean-Michel Arazo, le président de l'association, et Jean Milési, administrateur au club et ancien commissaire au SRPJ, on l'a fait sortir de prison et on l'a pris en charge. La police a été très conciliante et a salué nos efforts de coopération. Et Momo a fini par rentrer dans le rang. »
Avec le rugby, il a trouvé un nouveau cadre, une autre raison de vivre. « Je galérais pour venir à l'entraînement, j'étais seul quand les autres enfants étaient tous accompagnés de leurs parents, mais j'avais envie d'y arriver », assurait-il récemment dans Impact, le magazine du club. « On l'a aidé, indique Jean-Philippe Lacoste, le responsable du centre de formation, on a cadré certaines choses, mais on a tout de suite deviné cette volonté de bosser, d'y arriver. Il a été très besogneux, fidèle, respectueux. Pas un des éducateurs qui l'ont accompagné ne vous dira le contraire. Momo, c'est un dur au mal. Beaucoup, à sa place, auraient lâché. »
Isabelle Gély, qui se définit comme facilitatrice de vie pour sportifs, raconte : « Il a abandonné son CAP carrosserie en cours d'année après avoir réussi la partie professionnelle, et il a accepté de rentrer à la marine nationale pour apprendre le métier. Au Cirfa (centre d'information et de recrutement des forces armées), il était à l'accueil, il a réappris à accepter des ordres, les contraintes et la discipline. On l'a ensuite inscrit en 2e année de CAP. Je le revois partir au lycée Mendès-France en scooter entre deux entraînements... »
Il valide avec brio sa deuxième année, soulève la même unanimité sur le terrain que sur les bancs de classe. « Il est fédérateur parce qu'il ne triche jamais et parce qu'il a des qualités de combattant au-dessus de la moyenne, souligne Stéphane Welch, son entraîneur chez les Espoirs. Et puis il est toujours de bonne humeur, toujours positif. Je crois que je ne l'ai jamais vu faire la gueule. »
« Tu le fais jouer à droite, à gauche, blessé, pas blessé, seconde-ligne, il le fait sans rechigner, appuie Jean-Philippe Lacoste. Je me souviens d'un stage avec la sélection du Languedoc en Afrique du Sud. Les gars se méfiaient tous un peu de lui au début. Au bout d'une semaine, c'était le roi de l'équipe, ils étaient tous amoureux de lui, il file des frissons à tous ceux qui le croisent. »
Parce que son ascension est vertigineuse, sa trajectoire improbable. Petit Bard. Prison. Top 14. Équipe de France. Une seule titularisation la saison passée avec le MHR. Déjà treize cette année. « Il est explosif, fort en cardio, justifie Lacoste, ses tests approchent ceux des troisième-ligne, et il consent tellement plus de boulot que les autres... » « Il se déplace, insiste Welch, il plaque, il a un gros mental et c'est un joueur de défi. Et plus celui-ci est relevé plus il a envie de l'atteindre. »
lire aussiUn joueur, bien sûr, qui doit encore progresser dans les phases statiques, apprendre les ficelles au poste. Un homme qui pige vite et ne commet jamais deux fois les mêmes erreurs. « Il a compris qu'il pouvait passer du bon côté de la barrière », éclaire Isabelle Gély. « Momo, résume maître Gallix, c'est une très jolie histoire. Le rugby l'a sauvé, oui. Mais il s'est sauvé tout seul aussi. Son épouse a été d'une influence très positive, et la naissance de leur enfant l'a transformé. Ils ont acheté une petite maison à côté du stade ; le quartier c'est terminé. » « Je suis fier de lui », dit Mohed Altrad, qui a prolongé son contrat jusqu'en 2024.
Vendredi dernier, après cinq années de contrainte, son avocat est enfin parvenu à faire lever son contrôle judiciaire. Dimanche, Mohamed Haouas, probablement remplaçant, devrait entonner sa première Marseillaise.
Ben , avec un tel parcours , normal que le mec soit forgé sinon il n 'en serait pas là !
Très belle histoire et on aimerait qu'il y en ait bcp comme celle là !...il y en a eu quelques autres comme celle d'Eric Champ du RCT...
