A écouter demain sur France Inter à 13heures 20 Rugby : Omerta sur le dopage
Voici le lien pourla page de l'émssion secrets d'info qui présente l'émission
https://www.francein...10-fevrier-2018
ça commence comme ça :
Enquête sur un tabou dans le monde du rugby : le dopage. De nombreux signaux montrent que l’usage détourné des stéroïdes, corticoïdes et même de la cocaïne y serait beaucoup plus courant que ses acteurs ne veulent l’admettre.
Le rugby est-il gangrené par le dopage ?
Le rugby est-il gangrené par le dopage ? ► Une enquête de Sylvain Tronchet
« L’augmentation des performances dans le rugby aujourd’hui correspond à celle du cyclisme dans les années 90 ». Le rugby menacé par le dopage, c’est ce que dénonce en substance l’ancien joueur de l’équipe de France de rugby Laurent Bénézech*, en 2013, devant une commission d’enquête du Sénat. Dans quelle mesure le monde du ballon ovale est-il gangrené par le dopage ?
Un sport de destruction
Le rugby n’est plus ce qu’il était, selon de nombreux professionnels de la discipline. Une logique de performances toujours plus élevées s’est progressivement mise en place. « Ce sport est devenu un sport de collisions, de destructions, regrette Jean Chazal, médecin et président de la commission médicale du club de Clermont Ferrand. Pourtant, au départ, c’était un sport d’évitement, de stratégie. »
Le rugby d’aujourd’hui nécessiterait de la part des joueurs beaucoup plus de puissance qu’avant. Des études scientifiques montrent de façon incontestable l’augmentation du nombre de contacts entre les joueurs, ce qui les expose à des risques plus importants.
Pour résister aux chocs, les joueurs se sont donc adaptés en prenant du poids et surtout du muscle. Entre chaque Coupe du monde depuis 1987, les joueurs pèsent en moyenne 1,5 kg de plus. Une augmentation deux fois plus importante que pour le reste de la population. Il n’est pas rare aujourd’hui de croiser un joueur de 130 kg voire 140 kg sur un terrain. La prise de masse est devenue quasi-obsessionnelle chez les joueurs. « J’ai pris 10 kg en une saison, témoigne Benoît Guyot, un jeune retraité du rugby pro de 29 ans, qui vient de raccrocher après huit saisons. Je faisais deux séances de musculation par jour, je mangeais presque à vomir, je me gavais. Mais cela m’a permis d’atteindre le Top 14. »
Sauf que Benoit Guyot a été accusé de dopage. « Je savais très bien que je ne m’étais pas dopé, poursuit le joueur. On est dans une ère du soupçon, et on peut avoir des doutes. Mais le dopage, je n’en sais rien, car personne ne se fait prendre. »
« Ère des stéroïdes »
A-t-on pour autant des éléments concrets qui permettent d’affirmer qu’il y a du dopage dans le rugby ? De très nombreux joueurs n’ont probablement jamais pris de produits dopants. Il ne s’agit pas de dire que tous les joueurs de rugby y ont recours. Mais il y a de nombreux signes qui montrent que l’usage de produits interdits existe.
« Les All Blacks sont passés, pour les joueurs arrières, de 85 kg à 95 kg en moyenne entre 1995 et 1999, affirme Adrien Sedeaud, chercheur à l’IRMES, un institut spécialisé dans le sport. Pour les avants, on est passé de 100 kg à 110 kg sur la même période. » L’augmentation pondérale moyenne de la population générale, tout comme la préparation physique intensive, peuvent être des explications de la prise de poids, mais ne peuvent être les principales raisons. « Ce sont des prises massives sur des courtes périodes, semblables à ce qui s’est passé dans le sport américain. »
Le rapport Mitchell sur le baseball aux Etats-Unis parle même d’« ère des stéroïdes ». En effet, les stéroïdes anabolisants permettent de prendre du muscle. Très efficaces et bien connus, ils se sont répandus dans certains pays de l’hémisphère sud. « Dans les années 80-90, les anabolisants faisaient fureur en Argentine, raconte le sénateur Jean-Jacques Lozach, rapporteur de la commission d’enquête sur le dopage en 2013. « J’ai du mal à penser qu’on soit passé d’une pratique très répandue à aucune utilisation aujourd’hui. » Selon lui, l’usage de produits dopants serait toujours d’actualité à l’étranger.
Qu’en est-il de la France ? « Il n’y a pas de dopage organisé, je n’y crois pas du tout, tranche Christian Bagate, ancien rugbyman et responsable jusqu’à l’année dernière de la lutte contre le dopage à la Fédération française de rugby. Une équipe a été soupçonnée, mais le fautif était dans le staff du club. » Il pourrait s’agir du club de Brive, champion d’Europe en 1997, qui avait effectivement comme soignant un médecin aux pratiques douteuses, condamné à un an d’interdiction de soins par le Conseil de l’Ordre des médecins pour des prescriptions jugées abusives.
En France, les préparateurs physiques dans le viseur
Vraie spécialité du monde de l’ovalie, les préparateurs physiques sont pour partie liés aux clubs, tandis que d’autres sont indépendants. Parmi eux quelques-uns, difficiles à repérer, ont des pratiques douteuses. « Certains ont été identifiés et condamnés par la justice, pour avoir fourni des produits dopants à des rugbymen professionnels, explique Damien Ressiot, directeur des contrôles à l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). C’est une pratique marginale, mais qui perdure. »
Des individus gravitent autour des clubs et approchent les joueurs pour leur proposer leurs services, tenant des discours prometteurs. Le rugbyman écossais Paul Dearlove qui a évolué durant plusieurs saisons en France, en témoigne : « Il y a quelques années un préparateur physique m’a expliqué qu’une cure de stéroïdes de 8 semaines pourrait changer ma carrière, écrivait-il il y a quelques années sur son blog (lien vers le blog en question). D’après lui, je pouvais espérer conserver à terme 60 % de mes gains en performance. » Le joueur précise qu’il n’a pas donné suite à cette proposition.