BROCK JAMES Après quatorze saisons de rugby pro à Clermont, La Rochelle et Bordeaux, l’ouvreur francoaustralien
du Stade Rochelais et sa famille prendront la direction de la Nouvelle-Zélande dans quelques mois
« Je n’oublierai jamais »
Brock James ne pourra jamais rattraper Romain Teulet. Deuxième meilleur réalisateur de l’histoire du Top 14, avec 2494points, contre 2 612 pour l’ancien buteur bergeracois de Castres, le demi d’ouverture rochelais sait que la prolongation du confinement a mis fin à ses espoirs de terminer la saison, la dernière de sa carrière pro.
Samedi, un message de son épouse sur Instagram a révélé que le Franco-Australien et sa famille prendraient la direction de la Nouvelle-Zélande dans quelques mois, faute d’avoir décroché un contrat d’entraîneur dans l’Hexagone. Le nombre de réactions que cela a provoqué confirme un peu plus le statut de monument du championnat de celui qui, avec 307 matchs, est le 7e joueur le plus capé du Top 14.
« Sud Ouest » Comment se passe ce confinement pour vous ?
Brock James Ça va. Avec les enfants,ce n’est pas mal, on a un peu une routine, ça nous occupe.
La décision de quitter la France a-t-elle été difficile à prendre ?
Je voulais rester ici. Je suis revenu à La Rochelle avec l’ambition d’intégrer le staff, mais il n’y avait pas forcément de place (1), malheureusement.J’ai regardé ailleurs, mais vu ce qu’il se passe en ce moment dans le monde, il n’y a pas trop de mouvements sur le marché du rugby. Pour nous, c’était difficile d’être aussi loin de la famille pendant très longtemps, l’opportunité se présente donc pour se rapprocher de chez nous (son épouse est néo-Zélandaise,NDLR).
Avec la possibilité de revenir un jour en France…
Bien sûr. Après l’année à Bordeaux (en 2018 – 2019, NDLR), où j’ai très vite été mis dans une position d’entraîneur,c’est ce qui m’intéresse vraiment. Je veux trouver une place d’entraîneur. Pour l’instant, c’est compliqué pour tout le monde, on regarde plus ce qu’on va faire dans quelques semaines que ce qu’on va faire dans deux ans.
Vos enfants sont nés en France, comment envisagent-ils ce départ en Nouvelle-Zélande ?
Ils sont tous les deux nés à Beaumont,à Clermont, ils sont vraiment Français (sourire). Chaque année,on part chez nous à peu près un mois, on essaie de beaucoup parler anglais avec eux à la maison, ils sont bilingues… ça va être un peu différent,mais c’est excitant pour eux d’être plus près de la famille.
Vous concernant, c’est une sacrée expérience de vie de 14 saisons qui va se refermer, puisque vous étiez arrivé en France à l’âge de 24 ans.
Après six mois à Clermont, Tony Marsh avait dit qu’on allait rester dix ans… Il était un peu voyant (rires).Oui, ça fait un moment qu’on est ici, j’y ai joué la plus grande partie de ma carrière professionnelle, c’est une page qui se tourne, mais la carrière d’un rugbyman, en moyenne, c’est à peu près dix ans. On ne va donc pas se plaindre, et puis un nouveau chapitre va commencer.
Le message de votre femme a provoqué beaucoup de réactions, ce qui confirme que vous avez marqué le championnat de France…
Ma femme a passé des journées à répondre, on a eu des photos de joueurs avec qui j’ai partagé le terrain. Vraiment, ça m’a beaucoup touché. Comme le soutien que j’ai eu pendant quatorze ans en France et qui m’a beaucoup marqué, on n’oubliera jamais.
Comme d’autres, vous terminez votre carrière avec une saison qui n’ira sans doute pas à son terme pour les effectifs actuels des clubs, alors que votre dernier match de la saison régulière était un La Rochelle – Clermont qui comptait beaucoup. Comment le vivez-vous ?
Les gens m’avaient demandé si je connaissais la personne qui faisait le calendrier, quand il était sorti (rires).Cela aurait dû être un bel événement de finir comme ça, contre Clermont, mais bon, il y a des choses plus graves dans la vie sur lesquelles on n’a pas de contrôle. C’est un peu dommage, mais quand on voit ce qui se passe dans le monde, c’est une petite chose.
Avec ce confinement, avez-vous pris le temps de rembobiner un peu le film de votre carrière ?
Pas trop, on est bien occupé avec les enfants, on commence à regarder toute la logistique pour le déménagement.On a des journées pleines,je termine mes études (de « business management », avec la Toulouse business school, par l’intermédiairede Provale, NDLR) dans le même temps… Et comme je l’ai toujours dit, je ne vais pas trop regarder en arrière.
Malgré tout, si vous ne deviez retenir que trois images de votre carrière,quelles seraient-elles ?
La première, bien sûr, c’est le Bouclier (de Brennus, le 1er de l’histoire de Clermont, en 2010, NDLR). Le 2e(il rit)… c’est mon premier match, àBiarritz, (le 18 août 2006, défaite 29– 24). Ils étaient champions de France en titre et, chez nous, le seul joueur qui parlait un peu anglais, dans la ligne de trois-quarts, c’était Tony Marsh. Mais lui, il faisait son échauffement dans le vestiaire, moi je n’étais pas au courant, du coup, quand s’est regroupé, il n’était pas là et moi j’ai paniqué (rires). Le troisième, c’était ma sortie (à Marcel-Michelin, le 5 juin 2016) après dixans à Clermont, lors d’un dernier match contre La Rochelle, avec qui j’allais jouer l’année suivante. Franchement,avec ce public qui m’a toujours soutenu, dans les moments durs comme dans les bons moments, c’était vraiment spécial.
Ce fameux Brennus restera-t-il quelque chose d’incroyable ?
Oui, mais ce n’est pas que ce moment-là, c’est aussi le voyage, le chemin par lequel on a été obligés de passer pour le décrocher. Quand je suis arrivé en France, ma première année, on a marché sur l’eau jusqu’à Paris, au Stade de France. On aurait dû gagner cette finale mais on prend un essai à la dernière minute (par Radike Samo, NDLR) qui donne la victoire (23 – 18) au Stade Français… Les deux années qui ont suivi, on est revenus à Paris sans toucher le Bouclier, c’était compliqué.
Réussir après quatre ans, avec un groupe qui travaillait dans un seul but, dans la même direction, c’était quelque chose de très fort.
Pour finir, quelle image garderez-vous de votre aventure rochelaise (2016 –2018 et 2018 – 2019) ?
Finir premier, dès la première année,avec 85 points, c’était quelque chose de très spécial. Je me souviens d’un deuxième match de championnat, où l’on va jouer à Grenoble, on gagne à l’extérieur ce qui n’était pas arrivé depuis deux ans. Une semaine après, j’étais blessé mais ils avaient enchaîné à Castres.On était sur la vague, et on l’a surfée toute l’année. Personne, même maintenant, ne peut expliquer pourquoi cela a aussi bien marché. C’était le bon moment,pour un bon groupe. Peut-être que la coupure, à la fin de l’année, avec trois semaines sans match, était compliquée à gérer (en demi-finale,perdue 15 – 18 contre Toulon, NDLR).Cela a donné beaucoup d’expérience pour la suite pour les joueurs et pour le club. Il n’y a pas vraiment un match qui m’a plus marqué que les autres. Toute l’année était…Quand je suis parti de Clermont, je ne m’attendais pas à ça. C’était une très belle aventure.
(1) Brock James souhaitait un an de contrat en tant que joueur et un autre en tant qu’entraîneur, mais le club, qui venait d’engager Ronan O’Gara, est resté ferme sur sa volonté de ne lui proposer qu’une saison en tant que joueur.
je sais pas faire mieux ! désolé