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ces petites histoires que personne ne croit et dont tout le monde se f


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8 réponses à ce sujet

#1 paul nord

paul nord

    Joueur de 3ème série

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Posté 30 juin 2017 - 19:16

Ma vie (professionnelle) me permet de voyager, j'ai conscience de mon privilège et cela fait plus de 20 ans que je parcours différents continents et que je m'installe (provisoirement) dans divers pays.

L'humanité est follement remarquable, mais néanmoins elle s'avère moins diversifiée qu'il n'y paraît. Les caractéristiques principales (devrais-je dire les travers ?) sont omniprésentes où qu'on se trouve : la cupidité, la colère, l'égoïsme, le mensonge, sont parmi tant d'autres l'apanage de tous les hommes, où qu'ils vivent et quels qu'ils soient...

C'est ainsi qu'à la lisière de la grande histoire universelle, se trouvent d'autres histoires plus pittoresques, histoires dont l'écho dépasse rarement un cercle étroit de témoins...

Ce sont quelques unes de ces histoires dont j'aimerai vous parler....

 

Je venais de poser mon sac dans ce village africain et je me demandais l'accueil que les autochtones me feraient. Certes cette partie de l’Afrique était d'une telle pauvreté qu'elle n'avait jamais attiré la convoitise de mes congénères, néanmoins la couleur de ma peau véhiculait à elle seule un passif et un passé que je ne pouvais pas ignorer et par ailleurs, le pays tout entier était en proie à l'une de ses pires périodes de famine. Autant dire que j'arrivais là sur la pointe des pieds...

Trouver un interprète s'avérait indispensable à ma mission, on ne salue jamais assez l'oeuvre de celles et ceux qui accomplissent cette fonction, car en plus de leurs ressources linguistiques, ils doivent posséder une personnalité telle, qu'elle inspire à chacun des interlocuteurs la confiance nécessaire à tout échange constructif et pacifié.

Où pouvait donc se cacher cet oiseau rare ?.

 

En parcourant la rue à pieds, j’aperçus un vieil homme blanc à l'intérieur d'une case, peut-être pouvait-il me renseigner ?

Parvenu sur le seuil de son entrée, je me mis à le héler, mais rien n'y fît. L'homme que j'avais entrevu ne daigna pas sortir de son habitation. Alors je poursuivis ma route en renonçant temporairement à lui parler.

Mais le lendemain, je revins l'importuner et cette fois l'homme ne se déroba pas.

Il sortit et me tendit une main ferme et vigoureuse. " Je m'appelle Tom, vous êtes français vous aussi ". Je ne pus m'empêcher de sourire, la destinée parfois facétieuse me comblait, un concitoyen, je ne pouvais pas mieux tomber !

Après m'être présenté à mon tour, je lui indiquais rapidement l'objet de ma recherche, il me scruta de ses yeux clairs puis m’interrogea sur le montant de ses émoluments. La somme indiquée lui sembla suffisante et nous convînmes de nous revoir dès le lendemain.

Si j'avais pu prévoir ce qu'il en serait j'aurai certainement moins bien dormi que je ne le fis cette nuit là....

 

Le lendemain, comme convenu, je me rendis à son adresse, et là comme la première fois, il ne répondit pas à mon appel. Qu'à cela ne tienne, je me fis un devoir d'entrer. 

En pénétrant dans la case je compris pourquoi il n'avait pas répondu, il dormait encore, caché tout entier sous une étoffe artisanale et bigarrée. En m'approchant de lui, je vis dans la pénombre du lieu, que la couverture était entachée à divers endroits. Des traces brunes qui ressemblaient à du sang séché. Inquiet et intrigué, je découvris brusquement le vieil homme, la découverte brutale de son état livide et rigidifié me fit lâcher la couverture et me glaça le sang.

Paniqué et hébété, je me mis à me demander ce qu'il fallait faire, étant entendu qu'appeler du secours n'avait plus de sens et qu'ignorant la langue de mon pays d'accueil je ne pouvais pas justifier de mon innocence puisque de toute évidence il s'agissait d'un crime. Mais je fus interrompu dans ma réflexion, par l'arrivée impromptue d'une femme qui découvrant la scène se mit à hurler avec ferveur.

 

Ses cris firent arriver plusieurs personnes et tous se mirent à parler avec entrain et agitation. Si je ne comprenais rien à leurs propos, je comprenais à leurs regards qu'ils avaient fait de moi le principal suspect de cet homicide et cette perspective m'effrayait.

L’effraiement me faisant transpirer, cela conforta peut-être un peu plus encore leurs convictions et bientôt plusieurs homme se jetèrent sur moi et m'immobilisèrent au sol. Quelques minutes plus tard, des militaires locaux vinrent me chercher. 

Par chance l'ambassade française me fit parvenir un avocat et un traducteur, et deux jours plus tard on procéda à mon interrogatoire.

 

" Pourquoi l'avez-vous tué ? " 

" je ne l'ai pas tué, j'avais rendez-vous avec cet homme "

" pour quelle raison ? "

" il devait me servir de traducteur "

" dans ce cas, vous savez comment il s'appelle ? "

" je connais son prénom, il s'appelle Tom "

" Tom ? "

" Oui, Tom "

" N'importe quoi, il ne s'appelle pas Tom, voila ses papiers, il s'appelle Lucien, Lucien Guillar "

" Moi il m'a dit qu'il s'appelait Tom "

" Mettons, mais ça ne vous empêche pas de l'avoir tué, ça prouve aussi que vous ne le connaissiez même pas et que vous me racontez probablement n'importe quoi "

" je vous promets que je n'ai pas tué cet homme "

(il rit)

" vous me promettez ?, mais tout le monde dans votre position promet qu'il n'a rien fait. Sur la couverture on a trouvé vos empreintes "

( l'avocat me fît signe qu'il allait parler)

" et l'arme du crime où est-elle ? "

" demandez le à votre client, ici des empreintes sont suffisantes "

 

On me raccompagna jusqu'à ma cellule et je ne pus dormir une seule minute de toute la nuit suivante.

Pourtant le lendemain, l'avocat revint et m’annonçât qu'on allait me libérer, le vrai criminel s'étant lui même livré à la justice et il s'agissait là encore d'un compatriote.

C'est là que cette histoire devient paradoxale. Pourquoi ce crime a-t-il eu lieu ?, pour des faits vieux de 54 ans (nous étions alors en 1943).

En effet le dénommé Guillar était alors un jeune milicien de 22 ans, un fanatique tordu et convaincu d'accomplir une juste mission. Sa spécialité ?, la torture !. Et le 13 avril 1943, il s'est acharné sur une résistante pour lui soutirer des aveux, il a si bien oeuvré que la jeune femme est morte sans avoir livré quoi que ce soit. A la libération, Guillar a fui la France comme bon nombre de ses semblables et son errance l'a mené jusqu'en Afrique, jusque ce village où il s'est réfugié.

Quant à son assassin, il s'agit du petit fils de la soeur jumelle de la victime de Guillar. Un homme de trente huit ans qui baroudait en Afrique. Comment a-t-il su me demanderez vous que Tom était en fait Lucien Guillar ? Grâce à un détail, un détail qui était rare à cette époque, un tatouage (une tête de mort accompagné de la lettre J) sur l'avant bras, car ce que je ne vous ai pas encore dit, c'est que la Résistante et le Milicien, étaient originaires d'une même village, aussi la soeur jumelle de la défunte avait-elle souvent évoqué en famille et avec force détails le crime impuni de celui qui s'était enfui et ne serait hélas sans doute jamais puni par la loi des hommes.

 

C'était compter sans la mémoire et sans le hasard, sans le fait que grandes histoires comme petites histoires appartiennent aux hommes et restent à ce titre imprévisibles. Pour conclure, je rends grâce à  l'assassin baroudeur car s'il s'est rendu aux autorités c'est pour avoir appris qu'un autre avait été arrêté et était soupçonné d'avoir commis ce crime ... 

 

 

 

 



#2 Spadone

Spadone

    Equipe de France

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Posté 30 juin 2017 - 19:43

Un "fait divers" dans certains pays; qui aurait pu très très mal terminer pour toi si les villageois avaient voulu se soustraire à la justice.

 

Je vais seulement revenir sur la partie "la couleur de ma peau véhiculait un passif. Dans beaucoup pays d'Afrique noire; les seuls blancs vu par les locaux viennent pour le biz et sont assez fortunés; donc si on voyage la bas; on passe directement pour une personne très très très très riche et on encourt les risques qui vont avec.

Les "guides" ou "traducteurs" sont primordiaux et leur rôle est indispensable (quite à ce que ce soit juste des personnes qui aident sur le moment) mais il ne faut jamais être naïf ou le touriste candide et rester vigilent (oublier la grosse cuite à finir sous la table)

Enfin, mon post c'est surtout pour les touristes qui regardent la télé et se disent qu'un road trip improvisé ca se fait assez facilement n'importe ou

 

 

A ta place; soit je fous un cierge à Lourdes, soit je joue au Loto.



#3 le nougatier

le nougatier

    Champion du Monde

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Posté 30 juin 2017 - 20:59

Bon perso c'est aussi pour ça que j'aime bien les forum on y rencontre toute sorte de personne et de poste.

 

Je ne sais pas si ton histoire est vrai ou pas; mais à la rigueur comme tu l'écris on s'en fou.

Ton histoire est superbement écrite et m'a captivé tout le temps de la lecture, bravo.

Et si c'est vrai ben personnelement je pense que j'en aurais pas mené bien large à l'interrogatoire...



#4 l'idiot

l'idiot

    Joueur de Fédérale 2

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Posté 30 juin 2017 - 23:43

La mère d'un copain, revenue dans sa Corse natale, s'était amourachée d'un solide allemand bien plus jeune qu'elle. Un gaillard aussi costaud et blond que démuni, dont j'ai, malheureusement, oublié le prénom. Il avait décidé de la rejoindre, dans son village de montagne, comme on le souhaite parfois au début d'une histoire d'amour. Ils habitaient dans une haute maison de famille, dominant des terrasses de culture, descendants vers la vallée et la vie coulait. 

 

On sait tous ce qu'il advient, avec le temps qui passe, des élans romantiques des premiers moments. 

Les journées commençaient à devenir longues pour le jeune homme, délaissé par son amie, de plus en plus attirée, quant à elle, par de nouvelles occupations sur le continent.

Il est facile d'imaginer que le chaleureux soutient de la joyeuse communauté villageoise ne suffisait pas à effacer son ennui et son trouble.

Pour retrouver un peu de la chaleur des fêtes d'octobre, tout en recherchant la fraicheur, en cet été méditerranéen, l'allemand s'aménageât un petit refuge en contrebas de la maison, dans une sorte de cave dans les terrasses.

Là, il installât un fauteuil face à la vallée et bricolât, rapidement, un peu d'électricité afin de disposer d'un réfrigérateur pour ses bières.

 

Quelques temps après, un, plus curieux que les autres, l'a découvert sans vie, probablement mort électrocuté.



#5 Gai Novice

Gai Novice

    Joueur du Grand Chelem

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Posté 30 juin 2017 - 23:55

Je vais faire plus court.

Un jour de 1984, je croise Jean-Pierre Chevènenement, alors Ministre de l'Éducation Nationale, rue de Bièvre: il sort probablement de chez François Mitterrand.

À ma grande surprise il s'approche de moi et m'interpelle. Mettez-vous à ma place, c'est intimidant. Je me demande bien en quoi je puis lui être utile.


-Bonjour jeune homme, avez-vous l'heure?
-Oui.




Croyez-moi ou pas, le lendemain Brigitte Fossey me disait bonjour. Ce n'est que 10 ans plus tard que l'ASM s'inclinait dans les conditions que l'on sait et sur un score devenu depuis plus sympathique contre le ST en finale.

#6 Bad Zé

Bad Zé

    Si yen a qu'ça les dérange... Et ben on va vous en debarrass

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Posté 01 juillet 2017 - 10:39

Je vais faire plus court.
Un jour de 1984, je croise Jean-Pierre Chevènenement, alors Ministre de l'Éducation Nationale, rue de Bièvre: il sort probablement de chez François Mitterrand.
À ma grande surprise il s'approche de moi et m'interpelle. Mettez-vous à ma place, c'est intimidant. Je me demande bien en quoi je puis lui être utile.
-Bonjour jeune homme, avez-vous l'heure?
-Oui.
Croyez-moi ou pas, le lendemain Brigitte Fossey me disait bonjour. Ce n'est que 10 ans plus tard que l'ASM s'inclinait dans les conditions que l'on sait et sur un score devenu depuis plus sympathique contre le ST en finale.

Ça tombe mon frère est gendarme.

#7 paul nord

paul nord

    Joueur de 3ème série

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Posté 04 juillet 2017 - 18:42

 San juan de playas 

 

t'as beau chercher, tu ne comprends pas ce que les plages foutent dans le nom de ce minuscule village sud américain. C'est un point ce patelin, un point éloigné de toute âme qui vive un tant soit peu. On n'y vient parfois par hasard, mais on n'y reste qu'avec une solide raison. Parce que, pas de bibliothèque, pas de cinéma, une masure en ruine qui tient lieu de café et pour seuls autres commerces, une épicerie au 3/4 envahie par des bocaux périmés de salsa puta et un salon de coiffure tenu par une trentenaire boulote et piquante. Autant dire que je regrettais d'avoir compris trop tard pourquoi personne d'autre ne voulait de cette mission.

Mais bon, faut être philosophe ou le devenir et je m'étais fait à la raison de demeurer une semaine encore dans ce village fantôme, logé dans cette pensao où la seule originalité était ce perroquet gabonais gris qui saluait d'un « ola amigo » chacun des passages qui y était accompli.

 

En attendant Julio Enrique Alfonso Luis Amitrano fondateur et PDG de la société qui porte son patronyme, je me suis dit qu'une coupe de cheveux ne serait pas superflu et que ce serait même une excellente distraction. Alors joignant le geste à la pensée, je suis entré dans le salon de coiffure d'Anna Paula Delgado. Deux hommes attendaient déjà assis sur un antique canapé noir et poussiéreux. A défaut d'autres chaises je me suis assis sur le sol et j'ai attendu mon tour. Lorsque la coiffeuse m'a fait signe, j'ai eu toutes les peines du monde à me relever. Tout cela à cause de cette patte rendue folle par un accident lorsque j'étais enfant.

 

J'avais cinq ans et un beau vélo rouge que le père noël venait de déposer chez moi. J 'en rêvais de ce vélo, il faut dire que mes parents ne roulaient pas sur l'or . Nous étions douze enfants, mon père travaillait dans les mines, ma mère ne manquait pas d'occupation, elle était inventive, faisant d'un rien, une usine à trésor. Nous avions une vieille TSF dans le salon, cadeau d'un voisin qui à peine plus fortuné que nous, avait pu finir par s'offrir une télévision d'occasion : « la voix de son maître », tout un programme.

Donc le vélo était arrivé chez moi par le conduit de la cheminée et je n'avais qu'une hâte, aller l'essayer. L'une de mes sœurs s'était portée candidate pour m'accompagner, du moins c'est ce que ma mère présumait, dans la réalité, elle avait prévu de retrouver Pierrot son chevalier servant et moi ça m'arrangeait bigrement de n'être pas chaperonné.

Donc nous nous étions séparés, et je devais faire le tour du pâté d'immeubles avant de retrouver près des bancs verts les amants timorés.

Tout en roulant, j'admirais les gros pneus de mon vélo, c'est pour ça que je n'ai rien vu quand la voiture trop pressée à décidé de ne pas marquer le stop.

BOOM ! Mon vélo est devenu un avion et moi un cascadeur. Quelques mètres plus loin, je me suis écroulé sur l'asphalte et ça a fait un bruit que je n'ai jamais oublié. Sitôt passée la surprise, j'ai voulu me relever, mais la jambe droite marchait bizarrement, j'ai appris plus tard chez le docteur que ça s'appelait boiter.

Le médecin était sympa, il a rassuré mes parents, « ça passera, il n'a rien de cassé, il a eu de la chance », quand à ma sœur elle a révisé le mot fessée, mais son postérieur a blanchi plus vite que ma jambe n'a guéri. Un mois, puis deux, puis trois et j'étais toujours boiteux. Alors de guerre lasse, on m'a confié à l'hôpital, des examens, des radios, des avis, puis un diagnostic : «  on ne comprend pas pourquoi il boite, il n'y a rien de traumatique, ce doit être psychologique, ça passera »

Alors on a tenté la manière forte, je revois mon pauvre père « poses ton pied comme il faut »

mais la méthode dirigiste n'a rien donné non plus, on s'est alors plongé dans ma méthode Coué, « tu peux marcher comme tout le monde, tu vas y arriver »

Mais la seule chose à laquelle je suis arrivé, c'est à me battre à l'école pour ne plus être traité de boiteux. Puis les choses se sont tassées (à l'école du moins) et j'ai continué de grandir et de boiter.

Après mes études, jeune diplômé, quand je me suis présenté à la boite pour laquelle je travaille encore, on m'a dit « votre cursus est excellent, mais vous boitez... Nous allons vous offrir votre chance, mais vous n'ignorez pas que nous cherchons avant toute chose de l'efficacité, alors si vous échouez... »

 

Je ferme là la parenthèse et je reviens dans le salon, quand elle a vu que j'avais du mal à me relever, la coiffeuse est venue me prêter main forte et j'ai pu prendre place face au miroir sans teint de son salon. Tandis qu'elle coupait mes cheveux, nous avons entamé une discussion. Elle a parlé de mon handicap et m'a demandé si je savais qu'à la sortie du village il y avait une bruja (sorcière), guérisseuse si célèbre qu'on venait la voir de très loin parfois. Face à mon air dubitatif, elle a ajouté, « vous n'êtes pas le premier qui doutez, mais vous avez tort et puis que risquez-vous ? »

Ce que je risque ?, une déception de plus, une énième désillusion, j'en ai déjà tellement fréquenté des magiciens, vaudous, spécialistes, neurologues et autres guérisseurs de tout poil qui pour la plupart promettaient de régler rapidement mon problème. Et tout cela pour rien, sinon pour retrouver cette démarche singulière qui usait inégalement mes talons de chaussures.

En retrouvant ma chambre provisoire, j'ai repensé à la bruja, après tout la coiffeuse n'avait pas tort, ce que je risquais était au fond inférieur à ce que je pouvais espérer. Alors le lendemain, aux premières lueurs de l'aube, je me suis rendu à l'adresse indiquée. Ho ça n'avait rien de difficile, une maison (un taudis), aux volets jaunes. Parvenu sur le pallier de la demeure, j'ai frappé sur la porte en bois. Un coup, puis deux, puis trois mais rien ne s'est produit. Alors j'ai tambouriné, mais toujours rien. Alors j'ai essayé d'abaisser la poignet et je me suis rendu compte que la porte était ouverte, je suis entré….

 

Je me suis retrouvé dans une pièce sale et vétuste, une pièce encombrée par un tas de meubles tous plus mités les uns que les autres. Je me suis immobilisé et j'ai attendu. Au bout de dix bonnes minutes environ, j'ai entendu des pas dans un couloir et j'ai vu paraître une femme sans âge aux mains sèches et ridées.

Elle n'a d'abord rien dit, elle s'est contentée de m'observer, posant son regard clair sur toutes les parties de mon corps (particulièrement les mains). Après cette introspection sommaire, elle m'a dit d'une voix grave, « suis moi ». Ensembles nous nous sommes dirigés vers une pièce annexe qui ressemblait à une cuisine et d'où émanait des parfums âcres et épicés. En désignant une chaise, elle m'a demandé de m'y asseoir. Je me suis exécuté et comme si je n'existais plus, elle m'a tourné le dos et s'est mise à mêler dans un bol des herbes et des liquides, mélange étrange qu'elle a ensuite fait chauffer sur une vieux poêle à bois.

Elle en a filtré le bouillon puis l'a versé dans une sorte de flasque grise qu'elle m'a tendu en m'enjoignant les recommandations suivantes

«  Tu vas retourner dans la pièce où tu m'attendais, tu vas boire ma préparation d'un coup et je viendrais te chercher quand le filtre aura agi »

J'ai hésité, j'avoue, je le confesse, l'odeur qui provenait du goulot était à ce point abject que j'ai pensé tout laisser là et m'en aller. Mais je me suis ravisé et j'ai bu d'un trait la potion qui était à la fois tiède et visqueuse.

Puis je ne sais pas ce qu 'il s'est passé, ma tête a chaviré et je me suis écroulé sur le sol, j'ignore combien de temps. Quand j'ai repris connaissance, j'ai entendu des pas qui semblaient se diriger vers moi et dans une sorte de brume j'ai vu la bruja qui me parlait

« lèves-toi, lèves toi »

Alors j'ai voulu me lever, mais ma jambe me faisait un mal horrible qui m'arrachait des plaintes, un mal que je suppose identique à celui ressenti le jour de mon accident

«  lèves toi homme, lèves toi »

Je me suis mis à lui expliquer que je ne pouvais pas et que je souffrais

«  justement, lèves toi et tu ne souffriras plus »

«  aidez-moi alors, aidez moi, je ne peux pas me lever seul »

«  tu dois le faire, lèves toi »

Près de moi, il y avait une vieille commode, je m'y suis agrippé, ma jambe était raidi par la douleur et refusait de me porter, je me suis écroulé une paire de fois, puis j'ai recommencé et sans savoir comment, je suis parvenu à me redresser. Debout je n'avais plus mal, je sais c'est idiot mais je n'avais plus mal. Alors j'ai commencé à marcher, j'ai appuyé mon pied plus vigoureusement sur le sol que je ne l'avais fait depuis des années, d'abord d'un air mal assuré, puis progressivement d'une façon plus automatique. Cela m'a pris trois mois pour ré-apprendre à marcher, pour retrouver un pas sur et commun. Deux ans plus tard, je suis retourné à San juan de playas pour remercier la bruja.

Anna Paula m'a appris qu'elle était morte un an plus tôt et que plus personne désormais n'habitait dans sa maison

Je me suis rendu au cimetière où était inhumée la guérisseuse, à l'endroit de sa sépulture, les habitants du village avaient fait graver ces mots sur une pierre :

«  on peut tout guérir, quand on croit »

Moi j'y rajouterai bien cette phrase de saint augustin qui avait dit :

" les miracles ne sont pas contraires à la nature, mais à ce que nous savons de ces lois"



#8 George Abitbol

George Abitbol

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Posté 05 juillet 2017 - 13:46

Ma vie (professionnelle) me permet de voyager, j'ai conscience de mon privilège et cela fait plus de 20 ans que je parcours différents continents et que je m'installe (provisoirement) dans divers pays.
[...]

San juan de playas
[...]

Hé on t'a reconnu père castor !
 
 
 
 

Parvenu sur le pallier de la demeure, j'ai frappé sur la porte en bois. Un coup, puis deux, puis trois mais rien ne s'est produit. Alors j'ai tambouriné, mais toujours rien. Alors j'ai essayé d'abaisser la poignet et je me suis rendu compte que la porte était ouverte, je suis entré….


La dernière fois ça s'est terminé avec un cadavre !  :tfou:

#9 Rugby ?

Rugby ?

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Posté 09 juillet 2017 - 21:38

 San juan de playas 

 

t'as beau chercher, tu ne comprends pas ce que les plages foutent dans le nom de ce minuscule village sud américain. C'est un point ce patelin, un point éloigné de toute âme qui vive un tant soit peu. On n'y vient parfois par hasard, mais on n'y reste qu'avec une solide raison. Parce que, pas de bibliothèque, pas de cinéma, une masure en ruine qui tient lieu de café et pour seuls autres commerces, une épicerie au 3/4 envahie par des bocaux périmés de salsa puta et un salon de coiffure tenu par une trentenaire boulote et piquante. Autant dire que je regrettais d'avoir compris trop tard pourquoi personne d'autre ne voulait de cette mission.

Mais bon, faut être philosophe ou le devenir et je m'étais fait à la raison de demeurer une semaine encore dans ce village fantôme, logé dans cette pensao où la seule originalité était ce perroquet gabonais gris qui saluait d'un « ola amigo » chacun des passages qui y était accompli.

 

En attendant Julio Enrique Alfonso Luis Amitrano fondateur et PDG de la société qui porte son patronyme, je me suis dit qu'une coupe de cheveux ne serait pas superflu et que ce serait même une excellente distraction. Alors joignant le geste à la pensée, je suis entré dans le salon de coiffure d'Anna Paula Delgado. Deux hommes attendaient déjà assis sur un antique canapé noir et poussiéreux. A défaut d'autres chaises je me suis assis sur le sol et j'ai attendu mon tour. Lorsque la coiffeuse m'a fait signe, j'ai eu toutes les peines du monde à me relever. Tout cela à cause de cette patte rendue folle par un accident lorsque j'étais enfant.

 

J'avais cinq ans et un beau vélo rouge que le père noël venait de déposer chez moi. J 'en rêvais de ce vélo, il faut dire que mes parents ne roulaient pas sur l'or . Nous étions douze enfants, mon père travaillait dans les mines, ma mère ne manquait pas d'occupation, elle était inventive, faisant d'un rien, une usine à trésor. Nous avions une vieille TSF dans le salon, cadeau d'un voisin qui à peine plus fortuné que nous, avait pu finir par s'offrir une télévision d'occasion : « la voix de son maître », tout un programme.

Donc le vélo était arrivé chez moi par le conduit de la cheminée et je n'avais qu'une hâte, aller l'essayer. L'une de mes sœurs s'était portée candidate pour m'accompagner, du moins c'est ce que ma mère présumait, dans la réalité, elle avait prévu de retrouver Pierrot son chevalier servant et moi ça m'arrangeait bigrement de n'être pas chaperonné.

Donc nous nous étions séparés, et je devais faire le tour du pâté d'immeubles avant de retrouver près des bancs verts les amants timorés.

Tout en roulant, j'admirais les gros pneus de mon vélo, c'est pour ça que je n'ai rien vu quand la voiture trop pressée à décidé de ne pas marquer le stop.

BOOM ! Mon vélo est devenu un avion et moi un cascadeur. Quelques mètres plus loin, je me suis écroulé sur l'asphalte et ça a fait un bruit que je n'ai jamais oublié. Sitôt passée la surprise, j'ai voulu me relever, mais la jambe droite marchait bizarrement, j'ai appris plus tard chez le docteur que ça s'appelait boiter.

Le médecin était sympa, il a rassuré mes parents, « ça passera, il n'a rien de cassé, il a eu de la chance », quand à ma sœur elle a révisé le mot fessée, mais son postérieur a blanchi plus vite que ma jambe n'a guéri. Un mois, puis deux, puis trois et j'étais toujours boiteux. Alors de guerre lasse, on m'a confié à l'hôpital, des examens, des radios, des avis, puis un diagnostic : «  on ne comprend pas pourquoi il boite, il n'y a rien de traumatique, ce doit être psychologique, ça passera »

Alors on a tenté la manière forte, je revois mon pauvre père « poses ton pied comme il faut »

mais la méthode dirigiste n'a rien donné non plus, on s'est alors plongé dans ma méthode Coué, « tu peux marcher comme tout le monde, tu vas y arriver »

Mais la seule chose à laquelle je suis arrivé, c'est à me battre à l'école pour ne plus être traité de boiteux. Puis les choses se sont tassées (à l'école du moins) et j'ai continué de grandir et de boiter.

Après mes études, jeune diplômé, quand je me suis présenté à la boite pour laquelle je travaille encore, on m'a dit « votre cursus est excellent, mais vous boitez... Nous allons vous offrir votre chance, mais vous n'ignorez pas que nous cherchons avant toute chose de l'efficacité, alors si vous échouez... »

 

Je ferme là la parenthèse et je reviens dans le salon, quand elle a vu que j'avais du mal à me relever, la coiffeuse est venue me prêter main forte et j'ai pu prendre place face au miroir sans teint de son salon. Tandis qu'elle coupait mes cheveux, nous avons entamé une discussion. Elle a parlé de mon handicap et m'a demandé si je savais qu'à la sortie du village il y avait une bruja (sorcière), guérisseuse si célèbre qu'on venait la voir de très loin parfois. Face à mon air dubitatif, elle a ajouté, « vous n'êtes pas le premier qui doutez, mais vous avez tort et puis que risquez-vous ? »

Ce que je risque ?, une déception de plus, une énième désillusion, j'en ai déjà tellement fréquenté des magiciens, vaudous, spécialistes, neurologues et autres guérisseurs de tout poil qui pour la plupart promettaient de régler rapidement mon problème. Et tout cela pour rien, sinon pour retrouver cette démarche singulière qui usait inégalement mes talons de chaussures.

En retrouvant ma chambre provisoire, j'ai repensé à la bruja, après tout la coiffeuse n'avait pas tort, ce que je risquais était au fond inférieur à ce que je pouvais espérer. Alors le lendemain, aux premières lueurs de l'aube, je me suis rendu à l'adresse indiquée. Ho ça n'avait rien de difficile, une maison (un taudis), aux volets jaunes. Parvenu sur le pallier de la demeure, j'ai frappé sur la porte en bois. Un coup, puis deux, puis trois mais rien ne s'est produit. Alors j'ai tambouriné, mais toujours rien. Alors j'ai essayé d'abaisser la poignet et je me suis rendu compte que la porte était ouverte, je suis entré….

 

Je me suis retrouvé dans une pièce sale et vétuste, une pièce encombrée par un tas de meubles tous plus mités les uns que les autres. Je me suis immobilisé et j'ai attendu. Au bout de dix bonnes minutes environ, j'ai entendu des pas dans un couloir et j'ai vu paraître une femme sans âge aux mains sèches et ridées.

Elle n'a d'abord rien dit, elle s'est contentée de m'observer, posant son regard clair sur toutes les parties de mon corps (particulièrement les mains). Après cette introspection sommaire, elle m'a dit d'une voix grave, « suis moi ». Ensembles nous nous sommes dirigés vers une pièce annexe qui ressemblait à une cuisine et d'où émanait des parfums âcres et épicés. En désignant une chaise, elle m'a demandé de m'y asseoir. Je me suis exécuté et comme si je n'existais plus, elle m'a tourné le dos et s'est mise à mêler dans un bol des herbes et des liquides, mélange étrange qu'elle a ensuite fait chauffer sur une vieux poêle à bois.

Elle en a filtré le bouillon puis l'a versé dans une sorte de flasque grise qu'elle m'a tendu en m'enjoignant les recommandations suivantes

«  Tu vas retourner dans la pièce où tu m'attendais, tu vas boire ma préparation d'un coup et je viendrais te chercher quand le filtre aura agi »

J'ai hésité, j'avoue, je le confesse, l'odeur qui provenait du goulot était à ce point abject que j'ai pensé tout laisser là et m'en aller. Mais je me suis ravisé et j'ai bu d'un trait la potion qui était à la fois tiède et visqueuse.

Puis je ne sais pas ce qu 'il s'est passé, ma tête a chaviré et je me suis écroulé sur le sol, j'ignore combien de temps. Quand j'ai repris connaissance, j'ai entendu des pas qui semblaient se diriger vers moi et dans une sorte de brume j'ai vu la bruja qui me parlait

« lèves-toi, lèves toi »

Alors j'ai voulu me lever, mais ma jambe me faisait un mal horrible qui m'arrachait des plaintes, un mal que je suppose identique à celui ressenti le jour de mon accident

«  lèves toi homme, lèves toi »

Je me suis mis à lui expliquer que je ne pouvais pas et que je souffrais

«  justement, lèves toi et tu ne souffriras plus »

«  aidez-moi alors, aidez moi, je ne peux pas me lever seul »

«  tu dois le faire, lèves toi »

Près de moi, il y avait une vieille commode, je m'y suis agrippé, ma jambe était raidi par la douleur et refusait de me porter, je me suis écroulé une paire de fois, puis j'ai recommencé et sans savoir comment, je suis parvenu à me redresser. Debout je n'avais plus mal, je sais c'est idiot mais je n'avais plus mal. Alors j'ai commencé à marcher, j'ai appuyé mon pied plus vigoureusement sur le sol que je ne l'avais fait depuis des années, d'abord d'un air mal assuré, puis progressivement d'une façon plus automatique. Cela m'a pris trois mois pour ré-apprendre à marcher, pour retrouver un pas sur et commun. Deux ans plus tard, je suis retourné à San juan de playas pour remercier la bruja.

Anna Paula m'a appris qu'elle était morte un an plus tôt et que plus personne désormais n'habitait dans sa maison

Je me suis rendu au cimetière où était inhumée la guérisseuse, à l'endroit de sa sépulture, les habitants du village avaient fait graver ces mots sur une pierre :

«  on peut tout guérir, quand on croit »

Moi j'y rajouterai bien cette phrase de saint augustin qui avait dit :

" les miracles ne sont pas contraires à la nature, mais à ce que nous savons de ces lois"

Enfin t'avais fini par rencontrer qui savait soigner les dépressions!