Peut-être déjà posté par el Landeno. Mes excuses le cas échéant
Le programme envoyé chaque semaine par l’officier de presse des Bleus aux journalistes qui suivent l’équipe de France précise que, ce vendredi, la conférence de presse du capitaine Guilhem Guirado se déroulera à 14 h 15 au Stadio Olimpico de Rome. Rien de rare. Sauf qu’il y a quasiment un mois, le vendredi 15 février, le statut de Guirado a été sérieusement remis en cause, au profit de Jefferson Poirot (aujourd’hui blessé au genou et indisponible trois mois) qui ne demandait rien à personne.
Ce 15 février, donc, comme ses partenaires, le capitaine des Bleus retrouve le centre national de rugby à Marcoussis après du repos en famille. Cinq jours plus tôt, à Twickenham, la France a explosé (défaite 44-8). Durant le week-end à venir, qui précède la venue de l’Écosse, il y aura des réunions, des explications, des remises en question, un discours musclé de Bernard Laporte, le président de la FFR qui n'admet pas ce revers. Jusque là rien de plus normal.
Mais au cœur de ce week-end des longs couteaux, un nom surgit pour reprendre le capitanat de l’équipe de France : celui de Jefferson Poirot. Le nom du pilier gauche et capitaine de l’Union Bordeaux Bègles est poussé si fort en coulisses par Serge Simon (51 ans), vice-président de la FFR et manager des équipes de France, que le bruit sort de Marcoussis et nous revient aux oreilles.
Depuis, après avoir recoupé plusieurs sources, on sait que Serge Simon a voulu faire passer en force la promotion de Poirot. Supérieur de Brunel, Simon a-t-il mandaté le sélectionneur dans ce sens ? Jacques Brunel (65 ans) et Guilhem Guirado (32 ans) se connaissent depuis 2007. Ce ne sont pas de grands expansifs, mais ils s’apprécient et se respectent. Pourtant ce jour-là, le sélectionneur convoque le capitaine et lui suggère qu’il serait temps de passer à autre chose et de « démissionner » plutôt que prendre la responsabilité de le dégrader officiellement.
Guirado, qui avait eu un coup de mou après une énième défaite sur le fil face à l’Afrique du Sud (29-26), confiait dans L’Équipe du 19 novembre : « Avec tout l’investissement qu’on y met, toutes les concessions que font certains, que je fais, je me suis demandé si ça valait vraiment la peine, la peine de continuer à se battre […] Mais, dès le lundi, c’était oublié ». Trois mois plus tard, la rouste à Twickenham a encore fait mal, mais le Catalan n’est plus du tout dans cet état d’esprit. « Il n’a pas envie de lâcher », témoigne alors un proche. Encore moins à quelques jours de la réception de l’Écosse (battue 27-10), un match sous haute tension populaire et médiatique pour une équipe qui a perdu ses trois derniers matches.
L’après-midi de cette entrevue entre le sélectionneur et le capitaine, les joueurs sont réunis pour un grand débrief. Soudainement, Serge Simon – « celui qui tire les ficelles », « le vrai patron », disent régulièrement les Bleus, en off, depuis 2017 - met le sujet du capitanat sur la table alors que Guirado est présent : faut-il garder le Toulonnais ? Démarche étonnante, qui place le capitaine à la merci de ses troupes, le met automatiquement dans une situation de faiblesse et peut être vue comme un désaveu public. Les Bleus, pas au courant de ce qui s’est passé un peu plus tôt, sont très surpris, nous rapportent plusieurs sources. Ils confirment leur confiance à leur capitaine, assurent qu’ils continueront à le suivre. Pas via un vote, contrairement aux fuites distillées vers la presse, mais par de simples paroles. Le soir, au CNR, Jefferson Poirot, très embêté par la tournure prise par cette journée, dira sa gêne, qu’il a bien été approché malgré lui pour porter le brassard. Et, surtout, qu’il l’a refusé. Une information révélée hier soir par RMC et que nous pouvons confirmer.
Dès le mardi 19 février, L’Équipe révélera qu’il n’y a jamais eu de vote pour le capitanat. Dans nos colonnes, ce même jour, Thierry Dusautoir, recordman des capitanats en Bleu (54), sort du silence : « J’espère que Guirado ne lâchera pas ». Il défend son successeur, qu’il a régulièrement au téléphone, conjure les Bleus de se resserrer autour de lui. Lorsqu’il prend la parole, Dusautoir n’est pas au courant de la pièce de boulevard jouée à Marcoussis dans le week-end : il nous avait accordé cette interview la semaine précédente, alors que plusieurs anciens joueurs – en particulier Richard Dourthe dans une chronique assassine à Midi Olympique – demandaient la tête de Guirado, « le visage de la France qui perd ».
Ce soutien de Dusautoir pèse.
D’autant plus que dans la semaine de préparation à l’Écosse, chaque joueur interrogé en conférence de presse répète : « Il n’y a pas eu de vote. On a toute confiance en Guilhem ». Demeurent plusieurs interrogations : comment Jacques Brunel a-t-il pu mettre son capitaine dans une telle difficulté à ce moment du Tournoi ? Comment ce tandem, accompagné de Serge Simon, ira à la Coupe du monde au Japon ensemble après cette défiance incroyable ?
L’été dernier, le Toulonnais avait été volontairement laissé au repos, à 32 ans – il en aura 33 en juin – pour se reposer et bien se préparer. Jacques Brunel avait alors nommé Mathieu Bastareaud, ami de Guirado, capitaine de la tournée en Nouvelle-Zélande. À Wellington, le sélectionneur, interrogé sur la possibilité que « Basta » prolonge l’intérim en novembre, s’était montré très clair : « Je suis content de Mathieu, mais il ne faut pas oublier tout ce que Guilhem a montré dans ce rôle. Il est le capitaine ». Ça coulait sûrement moins de source, le 15 février. Il y a un mois, une éternité…
Le point de vue de Berbizier
« Vous avez été joueur, capitaine et entraîneur du quinze de France. Qu’est-ce qui vous a fait le plus mal lors de la récente défaite française en Irlande ?
Si je regarde la première période de dimanche dernier à Dublin, le quinze de France n’existe pas, n’existe plus. C’est la première fois que je vois une équipe de France dans une telle souffrance. Il n’y avait pas de match. C’est terrible d’arriver à ce degré d’absence.
Quelle serait la priorité, côté français, pour sortir de ce marasme ?
Le danger, c’est que tout le monde se pointe du doigt. Pourquoi ? Parce qu’on a trop longtemps fait un déni de réalité. “Cette équipe peut rivaliser avec n’importe qui ! On est heureux d’avoir marqué deux essais ! “Mais c’est surréaliste d’entendre ça ! Quel déni ! C’est pour cela qu’il est difficile de changer quelque chose. C’est pour cela qu’on coule, lentement mais sûrement.
“Aujourd’hui, plus personne ne croit en quelque chose, ni en quelqu’un. Il est là le problème…
,,
Au-delà du constat que vous venez d’énoncer, que faut-il faire avant d’aller à Rome ?
Aujourd’hui, plus personne ne croit en quelque chose ni en quelqu’un. Il est là le problème… Nos bases de jeu et nos hommes de base ont disparu. Et quand tu entres sur un terrain en te posant des questions, tu as toutes les chances d’être battu. Tu dois entrer sur le terrain avec des réponses, quelles qu’elles soient, d’ailleurs. Ce quinze de France, lui, se prépare à jouer au rugby avec de plus en plus d’interrogations. Les seules réponses sont des réponses individuelles. Je n’ai pas tous les éléments à ma disposition, mais je n’ai pas vu de stratégie de jeu à Dublin. D’ailleurs, on ne peut pas appeler ça une équipe. On peut actionner la fierté, la psychologie mais il faut d’abord des principes de jeu, et aussi de la continuité, de la stabilité, y compris dans le management des hommes. On voit bien que les fondamentaux ont été abandonnés depuis quelque temps. Et quand on ne respecte pas le haut niveau, on le paie cash. Où est notre conquête ? Où est notre défense ? Il n’y a aucune constance pendant les quatre-vingts minutes de jeu…
À partir de quand, selon vous, le quinze de France a commencé à se liquéfier ainsi ?
C’est difficile à dire, mais la Coupe du monde 2011 est pour moi un marqueur. Tout le monde pensait qu’on devait gagner la finale (perdue 7-8 face à la Nouvelle-Zélande)mais le vrai bilan n’a pas été fait. Si ce n’est dire : “On a été volé par l’arbitre en finale… “On a oublié qu’on s’est qualifié en perdant deux matches en poules(Nouvelle-Zélande et Tonga) alors que, par exemple, le Japon, en 2015 avec trois victoires en poules, ne s’est pas qualifié en quarts de finale… Avant cela, il y a eu la Coupe du monde 2007 organisée en France. On bat les All Blacks à Cardiff en quarts de finale (20-18)et la route était ouverte vers la finale mais on échoue en demies(face à l’Angleterre, 9-14). Là aussi, il n’y a pas eu le vrai bilan qui aurait pu nous alerter. 2007 est le premier gros échec de l’équipe de France. C’est à partir de ce moment-là, à mon sens, que les dérives se sont installées.
Le quinze de France peut-il avoir peur de cette équipe d’Italie, à Rome, samedi ?
Dans tous les cas, on n’a pas de marge. Vu l’état actuel des choses, c’est un adversaire à prendre au sérieux. Il faudrait beaucoup de réussite aux Italiens pour nous mettre en difficulté, mais compte tenu de notre manque de confiance, l’Italie peut nous faire entrer dans un scénario difficile. Non pas que l’Italie soit potentiellement l’équipe la plus armée pour nous battre, mais c’est son dernier match : elle peut s’éviter la cuillère de bois et se remettre en selle en stoppant une série de vingt-et-une défaites d’affilée dans le Tournoi.
Comment l’entraîneur de l’équipe d’Italie que vous avez été aborderait ce match ?
En essayant de jouer sur les points faibles de l’adversaire. Comme il y a un gros problème de confiance dans cette équipe de France, il faudrait la faire douter rapidement, ce qu’ont fait les Anglais et les Irlandais en mettant beaucoup de pression sur les phases de conquêtes et les phases défensives. Car l’équipe de France a du mal à organiser son jeu. Cela dit, les Italiens ont du mal, aussi, à organiser le leur en continuité… Mais ils peuvent faire douter cette équipe de France, qui rate souvent ses débuts de match. Ce scénario mettrait le quinze de France en difficulté.
Quel regard portez-vous sur l’Italie, aujourd’hui ?
Elle a beaucoup de mal à élever son niveau de jeu. On le voit dans son classement (dernière, avec 0 point).Cette équipe d’Italie n’a pas forcément les joueurs pour pratiquer le jeu qu’on veut lui faire jouer. Elle dépense beaucoup d’énergie, produit beaucoup d’efforts, mais ne casse pas les lignes de défense. Elle n’a pas les joueurs pour ça, des joueurs décisifs qui lui permettraient de concrétiser. Elle arrive à tenir le ballon, à produire des séquences intéressantes, mais pas en continuité. Alors le boomerang lui revient en pleine figure. » É