Une nouvelle compétition internationale de rugby à l'étude
Publié le
mardi 2 octobre 2018 à 00:00
| Mis à jour le
02/10/2018 à 10:54 par Dominique Issartel pour l'Equipe
Les dirigeants du rugby international planchent sur un projet de compétition mondiale qui remplacerait les tournées. Le but : relancer l'intérêt pour le rugby et remplir les caisses.
Depuis le printemps 2016 et son élection à la vice-présidence de World Rugby, l'organisme qui régit le rugby international, l'Argentin Agustin Pichot n'a pas cessé, en coulisses, de se battre pour faire évoluer son sport et le sortir du système sclérosé dans lequel les nations les plus riches ont fini par s'enfermer, à force de conservatisme. Il y a quinze jours, l'ex-demi de mêlée international (71 sel. lançait : « Nous avons douze mois pour réformer le calendrier ; je ne veux pas être complice de la ruine du rugby mondial. »
Des mots forts face à un constat implacable : le modèle économique ne fonctionne plus. Plusieurs fédérations ont de grosses difficultés financières (la plus riche d'entre elles, la RFU en Angleterre, vient de licencier une soixantaine de personnes) ; les stades de l'hémisphère Sud n'arrivent plus à se remplir ; le modèle, souvent à sens unique, des tournées de juin et de novembre perd de son intérêt et les nations de second rang n'ont pas assez de moyens et/ou ne progressent pas.
En janvier 2017, déjà, des principes forts avaient été validés lors d'une réunion de World Rugby à San Francisco pour la période 2020-2032, en particulier une augmentation de 39 % des matches entre pays « Tier 1 » (1er niveau, nations majeures) et Tier 2 (et des tournées des meilleures nations dans le Pacifique, au Japon, en Géorgie et en Amérique du Nord) et une meilleure prise en compte de la santé des joueurs. De plus, les périodes pour les matches internationaux de juin passaient en juillet et ceux de novembre étaient avancés d'une semaine.
Une compétition à deux divisions
Mais la résistance de certaines fédérations (comme l'Irlande et l'Angleterre) et des propriétaires des clubs anglais - qui eux aussi perdent de l'argent -, a poussé Pichot à prendre la parole et à pousser les dirigeants du rugby à se pencher sur un plan ambitieux de réforme en profondeur du calendrier. « Il y en a marre des matches amicaux, on a besoin d'un enjeu pour relancer l'intérêt », dit-il. La semaine dernière, à Sydney, les dirigeants du rugby mondial, dont Bernard Laporte, le président de la FFR, ont posé les premiers jalons d'une nouvelle compétition mondiale.
Les contours sont encore très flous mais il y aurait deux divisions : d'un côté, les dix meilleures nations - celles du Tournoi et du Four Nations - plus deux pays dit « émergents » (on parle du Japon, des Fidji ou des États-Unis) ; de l'autre, des équipes comme les Tonga, Samoa, la Géorgie, la Russie, la Roumanie, l'Espagne, sans oublier l'Allemagne et la Chine, dont le développement économique est une aubaine pour World Rugby.
Il y aurait un système de montée-descente (une condition indispensable pour Pichot, qui s'est toujours présenté en défenseur de l'équité sportive, lui qui était partisan d'offrir à la Géorgie une chance de participer aux Six Nations) ; des matches de qualifications et des matches à élimination directe, disputés en juillet et en novembre, à tour de rôle dans l'hémisphère Nord et Sud. Cette nouvelle épreuve aurait lieu tous les ans, sauf années de Mondial.
Possible perte d'intérêt pour les Six Nations
Surtout, pour essayer d'augmenter les rentrées d'argent (on parle d'une hausse de 40 % des recettes), la Fédération internationale, comme révélé par Midi-Olympique lundi, prévoit de récupérer les droits TV de ces trois compétitions (Six Nations, Rugby Championship et nouvelle épreuve), de les vendre au plus offrant (le chiffre d'un milliard d'euros a été avancé) et de mutualiser les bénéfices (la répartition n'est pas encore évoquée mais les pays « émergents » seront vigilants sur cette question). D'ici les prochaines discussions - au mois de novembre -, les spécialistes du marketing de World Rugby ont été chargés de sonder d'éventuels sponsors.
Si la réforme est votée et s'avère aussi ambitieuse que les nombreuses fuites le laissent entrevoir - les dirigeants de World Rugby ont choisi de ne pas entrer dans les détails pour l'instant -, le bouleversement pourraient être énorme pour le rugby et, à terme, les compétitions traditionnelles pourraient perdre de l'intérêt au profit de cette nouvelle épreuve mondiale, sorte de Ligue des nations, qui offrirait chaque année plusieurs chocs de valeur (dans le système actuel, on n'a plus vu par exemple les Anglais affronter les All Blacks depuis 2014) et qui donnerait aux plus petits pays une chance d'entrer dans un cercle jusque-là hermétiquement fermé. Le Tournoi et le Four Nations y survivront-ils ? La Coupe du monde y perdra-t-elle de l'intérêt ? La Fédération française, organisatrice de l'épreuve en 2023, est en tout cas derrière ce projet.