Publié le vendredi 21 décembre 2018 à 20:19 | Mis à jour le 21/12/2018 à 21:26
Les instances dirigeantes ont proposé, jeudi et vendredi, des mesures pour renforcer la sécurité des joueurs de rugby. À quoi faut-il s'attendre concrètement ?
Dominique Issartel
LA REFORME DES PLAQUAGES Vers des tests la saison prochaine
Le plaquage est le secteur qui génère le plus de blessures et d'accidents (75 %) ces dernières années. Le but est donc de protéger les joueurs mais aussi, à plus long terme, de revenir à l'essence du rugby en passant par une modification de la règle. « On est dans la même situation que ce qui s'est passé pour les mêlées,explique Didier Retière, le DTN. À un moment, les équipes se sont mises à impacter collectivement le pack adverse, rendant la mêlée fermée dangereuse(il y a dix ans, les blessures du rachis cervical étaient très fréquentes) et poussant à changer le règlement. C'est pareil aujourd'hui avec le plaquage à deux et le plaquage haut : les équipes professionnelles, à force de chercher de nouvelles stratégies, ont fait apparaître ces nouvelles techniques pour bloquer le ballon et empêcher la passe. Il y a vingt ans, on ne plaquait pas à deux. Maintenant, sur les phases de pick and go, près de l'en-but, on ne voit que cela, des mecs qui défendent à deux. Avec l'augmentation des gabarits (selon une étude de rugby-en-mêlée.com, en quarante ans, les ailiers ont pris 7 cm et 21 kg en moyenne ; les piliers 12 cm et 32 kg), c'est devenu une des sources majeures de blessures. La question est désormais de savoir quels seront les effets de cette modification ? On espère un retour en arrière, vers plus de jeu. »
Les instances françaises ont proposé à World Rugby - qui régit la réglementation de la plupart des catégories (Top 14, ProD2, Espoirs, Fédérale 1, féminines et jeunes jusqu'à U16) - d'engager une réflexion sur trois axes : abaisser la ligne de plaquage au niveau de la ceinture, Interdire le plaquage à deux, sanctionner sévèrement les plaquages tête contre tête. L'intention de la France est d'expérimenter ces nouvelles règles au niveau amateur, sûrement en Espoirs. « Même pour la Fédérale 2 ou 3 », explique le DTN Didier Retière, « on serait obligé de mettre World Rugby dans la boucle si on veut que le projet soit soutenu. » Pas question de démarrer cette saison - « on ne change pas des règles une fois que les compétitions ont commencé » -, ni par le niveau professionnel. « C'est une question de bon sens, on n'est pas tout seuls sur notre planète, il y a le problème de la Coupe d'Europe et les tests permettent de se rendre compte si la nouvelle règle est efficace ou génère plus de problèmes que la précédente. » Les propositions vont être discutées dans les prochains mois et pourraient être validées peu après le Forum mondial sur la santé des joueurs et l'évolution des règles, qui aura lieu en France les 19 et 20 mars prochains. En effet, la réunion annuelle de World Rugby sur le sujet se tiendra juste après.
D'autres pistes que celles proposées par la FFR existent déjà. Au printemps dernier, la Fédération internationale a donné son accord pour une expérience en Angleterre où, depuis novembre, les plaquages ont été baissés au niveau des aisselles en English Cup. Les premières conclusions devraient être publiées au printemps. L'instance internationale réfléchit également à appliquer au rugby professionnel le système de High Tackle Warning (HTW), testé chez les moins de 20 ans cet été. Il s'agit d'un avertissement pour plaquage haut, une sorte de carton distribué par l'arbitre-vidéo (et non plus l'arbitre de champ). Au bout de trois HTW, le joueur serait automatiquement suspendu un match.
En attendant que des réformes soient décidées, la FFR a recruté cette saison 50 cadres techniques pour travailler la formation sur le plaquage et ils seront 180 à court terme pour accompagner les éducateurs dans les écoles de rugby. De plus, les diplômes fédéraux mettront l'accent sur la sécurité.
LA REFORME DE LA CATÉGORIE ESPOIRS Un groupe de travail lancé en janvier
La catégorie dans laquelle évoluait Nicolas Chauvin, le jeune joueur du Stade Français décédé à 18 ans d'une rupture de la deuxième cervicale, pose problème. En 2014, en grande partie pour des raisons d'économie - certains clubs ne voulant plus entretenir deux équipes de plus de 18 ans - les U20 (appelés Reichel) et les U23 (appelés Espoirs et devenus U22 depuis) ont été regroupés sous la seule bannière Espoirs. Un regroupement qui, outre les évidentes différences de maturité physique, pose le problème de la préparation. Car entre les pensionnaires des centres de formation des clubs élite et ceux qui sont issus de toutes petites structures amateurs, les entraînements peuvent varier de deux hebdomadaires à deux quotidiens. Sans compter que quatre joueurs professionnels des équipes de Top 14 peuvent renforcer les Espoirs et accentuer encore cette disparité.
Espoirs, catégorie de tous les dangers
À partir de début janvier, un groupe de travail va être constitué, piloté par Didier Retière, rassemblant des entraîneurs, des responsables de centres de formation, des préparateurs physiques et des joueurs. L'objectif est de changer dès la saison prochaine, en dissociant à nouveau les U20 et les U22, et en mettant en place quelques garde-fous comme une plage de préparation physique obligatoire en début de cycle. Le but est de regrouper les joueurs de niveau équivalent. Ainsi, les joueurs amateurs, même ceux à fort potentiel, ne devraient plus être autorisés à évoluer dans le championnat professionnel (Top 14 et Pro D2) à moins d'être inscrits dans le centre de formation de ces clubs pros (la mesure doit être soumise au Comité directeur de la LNR les 5 et 6 février prochains).
Autre chantier : la formation des plus jeunes. Déjà engagée pour un retour du rugby de mouvement, la FFR, qui a mis en place cette saison, dans les petites catégories, les règles du « passage en force » et du « toucher deux secondes », va également établir pour les jeunes un socle de compétences acquises. Un peu comme au judo, avec les ceintures de couleur, elles seront mesurées et validées par l'attribution de « ballons », dans le but d'harmoniser le niveau dans les catégories de jeunes.