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EDF de Galthié


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#1936 el landeno

el landeno

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Posté 28 janvier 2020 - 22:38

Le staff des Bleus (3/5), Karim Ghezal : « J'ai toujours voulu chanter "la Marseillaise" » Karim Ghezal n'a jamais goûté à l'équipe de France en tant que joueur mais, à seulement 38 ans, il vit « un rêve » depuis sa nomination au poste de responsable de la touche des Bleus.

Début janvier, au bar de la résidence de l'équipe de France, à Marcoussis, Karim Ghezal discute avec Bernard Viviès, un « vieux de la vieille », chef de la délégation française. Nommé co-entraîneur des avants par Fabien Galthié, l'ancien deuxième-ligne, 38 ans et seulement trois années d'expérience dans un staff, fait connaissance avec ses nouveaux collègues. Contacté au même moment que Pierre Mignoni, le manager qui a lancé sa carrière d'entraîneur à Lyon, en 2016, Ghezal est finalement venu seul. D'abord reconnu pour son immense compétence dans le secteur de la touche, qu'il a complètement défriché, l'ex-joueur passé par Béziers, Grenoble, Castres, Montauban et le Racing a prouvé au LOU qu'il était bien plus que cela. Chercheur infatigable - il a inventé un système de lumière pour rythmer ses séances de touche et travaille avec des spécialistes pour mettre au point des images en 3D où les joueurs pourraient s'immerger -, Karim Ghezal a désormais avec William Servat la responsabilité de la conquête du quinze de France.

 
En bref
Karim Ghezal
38 ans
2016 : met fin à sa carrière sportive au LOU et y intègre le staff technique comme spécialiste de la touche.
2019 : devient entraîneur de la touche et des tâches spécifiques au sein de l'encadrement de l'équipe de France.

« Joueur, saviez-vous déjà que vous entraîneriez ?
Non, c'est venu lentement, par le biais de la touche. C'est un secteur où j'ai commencé à m'impliquer à Montauban, grâce à Laurent Travers (actuel manager du Racing). Je mettais au point le système d'annonces, avec Scott Murray (international écossais) puis Antoine Battut. Mais c'est en 2010, en arrivant au Racing, que j'ai commencé à aimer transmettre. J'étais parrain dans les écoles de rugby, j'allais les voir et j'ai décidé de passer mon diplôme d'entraîneur, que j'ai terminé à Lyon, lors de ma dernière année de joueur, en 2016.

Ensuite, vous avez immédiatement intégré le staff du LOU...
Pierre Mignoni (manager de Lyon) me l'a proposé au moment où c'était une évidence pour moi. La saison d'avant, je jouais encore mais je suivais aussi les - 18 ans du club. Avec eux, tous les mercredis soir, loin du groupe pro, seul avec ces gamins, j'ai compris que j'aimais entraîner. Eux, si tu les lâches, si tu ne viens pas régulièrement, l'hiver, dans la boue, ils ne te respectent pas. Souvent, j'organisais des repas avec eux. Pour mon dernier match, ils étaient tous au stade, avec des perruques noires sur la tête et une pancarte : "Merci Tonton Karim !"

Au LOU, vous vous êtes retrouvé à entraîner, pour votre première année, des cadors de la touche, Julien Bonnaire, Thibaut Privat et Julien Puricelli. Comment trouve-t-on sa place ?
Je n'ai eu aucun souci. Julien (Bonnaire) et Thibaut, ce sont des mecs plus vieux que moi, qui m'ont accompagné à mes débuts de joueur. Avec Julien (Puricelli, meilleur sauteur du Championnat), ils ont été hyper réglos. Ils m'ont complètement laissé faire. C'était des joueurs expérimentés mais j'avais choisi d'être très directif car si je les laissais faire le boulot, cela n'aurait servi à rien que je sois là. Cette saison-là, Julien Puricelli n'a jamais choisi une touche. Je décortiquais vingt heures de vidéo par semaine et je disais : on fait ça, ça et ça. On a terminé avec la meilleure touche, le meilleur sauteur, le meilleur lanceur, le meilleur contre...

« On ne se connaissait pas (avec Fabien Galthié) mais je pense qu'il a accroché sur ma façon de travailler, qui ressemble à ce qu'il veut mettre en place »

 

 
 
 

Y a-t-il différentes façons d'être entraîneur de la touche ?
Quand j'ai démarré, il n'existait pas de méthodologie pour ce secteur. Alors que le rugby regorge de spécialistes des data, de la mêlée, de la défense, personne n'avait écrit quoi que ce soit sur la touche. Pourtant, en Top 14, près de 40 % des essais viennent de là, et cela monte à 50 % en Coupe d'Europe et en Coupe du monde. Mais à part l'Anglais Steve Borthwick, qui semble avoir mis au point une méthode - je suivais déjà ce qu'il faisait quand il était dans le staff du Japon -, ce secteur très important était laissé aux joueurs dans toutes les autres équipes. Julien Bonnaire, juste avant qu'il ne parte s'en occuper en équipe de France, c'était moi son coach ! Il m'a toujours dit que pour lui, ce n'était pas un métier. Pour moi, si, et j'ai construit mon truc en m'inspirant de rencontres.

Sur quoi vous êtes-vous retrouvés avec Fabien Galthié ?
On ne se connaissait pas mais je pense qu'il a accroché sur ma façon de travailler, qui ressemble à ce qu'il veut mettre en place.

C'est-à-dire ?
Jusqu'à peu, les entraîneurs de rugby travaillaient presque toujours en silo, une heure de mêlée, une heure de touche, une heure de défense. De manière autonome, chacun dans son coin, sans connexion ou partage d'informations entre les différents secteurs. Mais avec Sébastien Bruno (alors entraîneur de la mêlée du LOU), pour ne pas qu'un bosse et l'autre le regarde, on partageait les joueurs en petits groupes et on faisait tourner toutes les 10-15 minutes. On faisait du travail court, répétitif, sans opposition en touche ni en ballon porté, et en utilisant les points forts des joueurs. Moi, je ne demande pas à un mec de sauter si ce n'est pas le plus fort

Vous parliez d'être très directif ; est-ce le meilleur moyen de développer des joueurs ?
Non, j'ai très vite évolué sur ce point. D'abord parce que quand on travaille en connexion, la finalité n'est pas d'avoir la meilleure touche, la meilleure attaque ou la meilleure mêlée mais d'aider l'équipe à se qualifier pour des phases finales. Cela oblige à faire des concessions, lors du recrutement, sur le profil d'un joueur. Quand le LOU a recruté (Hendrik) Roodt et (Etienne) Oosthuizen (deux deuxième-ligne très massifs), on a gagné en puissance mais perdu sur le côté aérien. J'ai dû m'adapter, surtout qu'il fallait que je forme les jeunes qui arrivaient, Dylan Cretin, Félix Lambey, Martial Rolland. Eux, je ne les faisais pas progresser en étant directif. J'ai dû évoluer dans mon management.

C'est difficile ?
Dylan Cretin, après trois matches de Top 14, je l'ai désigné leader de touche quand Julien Puricelli était absent. Évidemment, il a fait des erreurs et c'était dur pour moi de lâcher du lest pour qu'il progresse mais c'est venu. On a gagné à Brive, au Racing. Pour développer ces jeunes, j'ai instauré des matches, à l'entraînement, les jeunes contre les vieux, Cretin-Lambey contre Puricelli-Oosthuizen. Chacun choisissait huit touches et les mettait en pratique. Au début, les vieux gagnaient 8-0, 7-1 mais, peu à peu, les gamins ont cherché des parades, des petits trucs, et ont réussi à les battre. Cela mettait de la bonne humeur et, quand on implique les joueurs en leur laissant le droit à l'erreur, c'est réellement efficace. À tel point que parfois, je faisais pareil avec les piliers, qui ne sont pas forcément concernés par la touche, mais ça les obligeait à se pencher sur le truc.

Vous êtes un jeune entraîneur, vous le vivez comment d'être déjà dans le staff de l'équipe nationale ?
C'était un rêve. Pour moi, il n'y a rien de plus beau. Je n'ai jamais été international mais j'ai toujours voulu chanter la Marseillaise.

Pourquoi ?
J'ai reçu de mes parents une éducation qui fait que je suis patriote. Forcément, il y a un peu de mon histoire personnelle qui intervient là-dedans. Je suis un fils de harki ; mon père, qui est décédé à la fin de ma carrière de joueur, s'est installé en France à la fin de la guerre d'Algérie, à l'Isle-Jourdain (Gers) où j'ai grandi, dernier d'une famille de dix enfants ; où j'ai découvert le rugby à 15 ans, alors que j'étais complètement renfermé, timide. J'arrive en équipe de France avec tout ça derrière moi, mon histoire personnelle, des choses profondément enfouies mais aussi tout le reste, les éducateurs, les clubs, les copains. Entraîner en équipe de France, c'est une responsabilité et je ne peux pas parler seulement en mon nom : je représente ceux qui m'ont formé, ceux qui vont nous regarder aussi, les jeunes en particulier.

Vous avez terminé votre mission avec le LOU fin août et avez beaucoup bougé pendant deux mois, avant le début de votre contrat avec la FFR. Espagne, Japon, Angleterre, etc. C'était une manière de vous préparer à votre nouveau rôle ?
Ce n'était pas prévu car je devais rester au LOU jusqu'à fin octobre mais c'était compliqué de ne pas empiéter sur le travail de David Gérard (qui l'a remplacé, avec Julien Puricelli, auprès des avants lyonnais). Il ne fallait plus que les joueurs se tournent vers moi. J'en ai profité pour suivre des cours de tronc commun à Sciences Po pour finir de valider un certificat.

« Dès l'officialisation de la liste, les joueurs ont reçu de ma part des vidéos calibrées où sont expliqués tous les exercices que je vais leur demander. Cette exigence est un des piliers de notre façon de travailler »

 

 
 
 

On enseigne le rugby à Sciences Po ?
Non ! Mais après avoir obtenu mon diplôme d'entraîneur, j'ai voulu continuer à prendre des cours. Ce n'est pas tant pour obtenir un diplôme que pour rester en éveil, ne pas avoir que le rugby. J'ai commencé l'an dernier, à raison de quatre heures par semaine tous les lundis et mercredis soir. Certains lisent des bouquins, moi je vais en cours. Je choisis les options qui m'intéressent, j'écoute, je prends des notes, je passe des épreuves écrites. Il m'en restera deux après le Tournoi.

Vous avez étudié quoi par exemple ?

En tronc commun, ce sont des cours de droit constitutionnel, d'économie, de sociologie politique... Et en option, j'ai choisi développement durable, violence politique et lutte contre le terrorisme, des sujets d'actualité. Concernant le développement durable, j'ai malheureusement ressenti une sorte de fatalisme, une impression qu'on va droit dans le mur...

Et en octobre, au Japon, vous avez fait quoi ?
J'y suis allé avec William Servat et un groupe d'entraîneurs de la DTN. On est allés voir du sumo, du judo... mais pas l'équipe de France. Il y avait Didier Retière, le DTN, Sébastien Piqueronies, l'entraîneur des - 20 ans, Sébastien Calvet, celui des - 18 ans. Cela nous a permis de nous connaître, William et moi, et d'échanger avec les autres. Depuis, on est intervenus deux fois auprès des - 20 ans lors de stages spécifiques avec les piliers, les talonneurs et les sauteurs, à Lyon et Toulouse. En Angleterre, j'ai visité le club de Bath et, en Espagne, j'ai participé à un séminaire sur la touche.

C'est une nouvelle exigence ?
Dès l'officialisation de la liste (le 8 janvier), les joueurs ont reçu de ma part des vidéos calibrées où sont expliqués tous les exercices que je vais leur demander. Cette exigence est un des piliers de notre façon de travailler.

Y a-t-il une forme de pression ou d'appréhension quand on arrive dans une équipe marquée depuis des années par l'échec ?
Pas vraiment, car on est persuadés d'avoir ce qu'il faut pour réussir. Les joueurs de talent ? On les a. La dynamique ? Qu'est-ce qu'il peut y avoir de mieux qu'une Coupe du monde à domicile comme objectif ? Et on espère l'aide de tout le rugby français. Dans tous les clubs où je suis passé pour des entretiens avec les joueurs ou pour animer des séances, tout le monde était très ouvert. J'ai l'impression, au contraire, qu'on arrive au bon moment. »


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#1937 Sastre au Ventoux

Sastre au Ventoux

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Posté 28 janvier 2020 - 23:27

.... mais qui n'est pas assez étoffé ?


Je n en sais rien,
Si par étoffé tu entends qualifié, j espère quand même que c est le cas. Ce serait la moindre des choses !
On peut toujours se questionner sur les blessures et le curseur d intensité de la préparation physique il est vrai..

Je me questionnais surtout sur lapproche psychologique. Et sachant qu on a tendance a etre un peu en retard dans ce domaine par rapport aux anglo-saxons, je ne m etonnais qu a moitié de l absence d évocation de la préparation mentale dans l article.
En fait je n avais pas vu les schémas faute de débit internet suffisant !
Il semble que cette partie soit assurée par Mickael Campo, universitaire dans ce domaine, qui a déjà travaillé au LOU notamment. A niveau de performance potentielle egale c est aussi voire plus important que le reste pour optimiser la performance en situation d anxiété.

Il n en demeure pas moins que c est bien de tout gérer mais il faut trouver le bon équilibre afin que la multiplication des intervenants ne soit pas, en elle même, un facteur de stress disons organisationnel et de possibles informations divergentes pour les joueurs.

#1938 el landeno

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Posté 30 janvier 2020 - 06:55

Le staff des Bleus (4/5) : Shaun Edwards, la gagne façon Wigan Star du rugby à XIII dès l'adolescence, l'entraîneur en charge de la défense des Bleus a façonné, dans sa ville natale de l'ouest de Manchester, une éthique et une mentalité de vainqueur qui l'escortent encore aujourd'hui.

C'est une invitée de marque posée sur l'estrade, au fond du club house, derrière les tables rondes, et les premiers à l'approcher ont gardé une distance empreinte de respect. C'est que la Challenge Cup est un trophée vieux de 124 ans, le plus convoité du rugby à XIII anglais. Les amateurs du petit club de Wigan Saint Patricks avaient l'honneur de sa présence, samedi dernier, avant leur match du deuxième tour de cette compétition, contre les voisins de West Hull. Il est onze heures, la buvette est déjà ouverte, à peine perturbée par quelques sauts de plombs intempestifs : café édulcoré et frites grasses. Le zinc côté pub, classieux, est déjà assailli : les premières pintes jaillissent des tireuses. Deux machines à sous clignotent de mille couleurs à la seconde, à vous abolir toute capacité de jugement : on y abandonne un billet, y sacrifie une pièce.

 

Les joueurs, eux, n'auront passé le nez ici que pour admirer le trophée. Trois d'entre eux ont timidement tourné autour, comme pour l'apprivoiser. Puis ont franchi le pas, grimpant sur la scène, soulevant enfin l'objet, avec un sourire qui oscillait entre la joie enfantine et la conscience de la vanité de leur geste, eux dont la carrière a peu de chance de les mener jusqu'à Wembley, et la finale annuelle de la Cup. Ils auraient pourtant dû prendre le temps d'étudier le socle du trophée. Ils y auraient découvert, gravé sur de minuscules écussons d'argent, le nom d'un des leurs, un ancien des « St Pat's », comme ils disent : Shaun Edwards.

L'actuel entraîneur de la défense de l'équipe de France a brandi la Challenge Cup à deux reprises en tant que capitaine des Wigan Warriors, en 1988, puis en 1995, ce qui lui vaut l'honneur d'avoir son patronyme poinçonné dessus. « Mais vous savez, il l'a gagné huit années de suite, cette Coupe ! » C'est une précision qui peut sortir de la bouche de tout Wiganer. Tout le monde a en mémoire, ici, cette incroyable épopée. De 1988 à 1995, les « Cherry and White », avec une équipe construite autour de grands noms du XIII, les Ellery Hanley, Martin Offiah, Inga Tuigamala, Jason Robinson ou Andy Farrell, ont régné sans partage. Edwards était de cette lignée, pour ce qui est du talent rugbystique. Surtout, il a été le seul à prendre part à chacune de ces 43 victoires de rang, et il était en plus l'enfant star du pays.

« Shaun savait surgir pour récupérer le ballon et marquer des essais. C'est cette mentalité de gagnant, développée très tôt, qui l'a poussé loin »

John Ellis, entraîneur de Wigan Saint Patricks

 
 
 

C'est l'autre anecdote que chacun vous rappelle ici, à propos d'Edwards. La signature médiatisée de son contrat pro le jour même de ses 17 ans, en 1983, pour un montant record à l'époque, 35 000 £. « On entendait parler de lui depuis qu'il avait 14 ou 15 ans, se rappelle John Ellis, actuel entraîneur des St Pat's, de la même génération qu'Edwards. On savait qu'il était extraordinaire, qu'il brillait à chacun de ses matches, avec les St Pat's, mais aussi avec le lycée catholique de St John Fisher. Vous savez qu'avec cette équipe, il n'a pas perdu un seul match pendant cinq ans ? »

Encore une part de la légende locale d'Edwards, véritable patrimoine commun des Wiganers. Pour eux, ces séries de victoires, chez les ados comme chez les pros, le définissent. Et lui, dans sa carrière d'entraîneur, a toujours cité ses succès, avec Wigan, mais aussi à XV, les Championnats d'Angleterre (2003, 2004, 2005, 2008) ou la Coupe d'Europe (2004, 2007), avec les Wasps, les Grands Chelems dans le Tournoi des Six Nations (2008, 2012, 2019), avec le pays de Galles, comme les éléments qui légitiment son CV, bien plus que sa réputation de grand joueur. Edwards est un gagneur, il n'hésite pas à le faire savoir, et c'est chez lui qu'il a bâti cette soif de vaincre, dans la dureté de Wigan.

« On est une espèce coriace, se marre Ellis. Je ne sais pas si vous avez lu le livre le quai de Wigan, de George Orwell ? Il est venu chez nous (au milieu des années 1930) pour observer la classe ouvrière, décrire la dureté de ses conditions de vie et de travail. » L'auteur de 1984 avait livré un long reportage sur la ville, du temps où le Lancashire bourdonnait encore d'une effervescence industrielle, entre les mines de charbon et les usines de coton. « Il s'étonnait que les hommes, ici, soient si musculeux et ciselés par leur dur labeur, reprend Ellis. Bien sûr, on ne travaille plus aussi dur de nos jours, mais c'est comme si cette dureté mentale se transmettait encore. »

Edwards a hérité du caractère des « lads » de la région. Renforcé par son père. « Jackie était un ancien joueur de XIII, raconte David Ruddy, ami et ancien adversaire d'Edwards, accoudé au zinc des St Pat's. Mais il a dû arrêter de jouer à 24 ans, à cause d'une grave blessure. C'était lors d'un match en France, d'ailleurs. » La colonne vertébrale gravement endommagée, il subit quatre opérations, qui lui évitent le fauteuil mais le laisseront lourdement handicapé. Jackie ne travaillera plus jamais. Mais se consacrera à son fils aîné. « Jack était un professeur particulier exigeant, précise Ellis. Quand les copains de Shaun en avaient fini avec l'entraînement, il était du genre à lui rajouter une session de sprint, tout seul... Shaun a consacré une partie de sa jeunesse à devenir le joueur qu'il est devenu. Il était excellent, il comprenait le jeu, il savait surgir pour récupérer le ballon et marquer des essais. C'est cette mentalité de gagnant, développée très tôt, qui l'a poussé loin. » Jack consignait un commentaire sur les performances de son fils à chacun de ses matches, sur un carnet. Shaun a toujours révéré le paternel : avant chaque finale à Wembley, il trouvait une source de motivation supplémentaire dans l'histoire de son père, qui, dans sa carrière brisée, n'avait jamais pu aller jusqu'à ce match prestigieux, confiait-il dans le livre consacré au club de Wigan écrit par le journaliste Frank Malley (*). Il en tirait une force supplémentaire pour aller chercher un titre de plus.

« Shaun, c'était l'enfant du club, il était respecté des tribunes, et il lui arrivait de faire le show quand il marquait. Il créait une étincelle »

Gaël Tallec, ex-joueur de Wigan

 
 
 

Sur les photos qui jalonnent sa carrière, on finit toujours par tomber sur un cliché où il est agrippé à un trophée. Chez les pros, avec un rictus rageur qui dévoile cette incisive absente, qu'un plaquage viril mais pas correct de l'Australien John Dorahy lui avait fait sauter. Chez les gamins, où le noir et blanc laisse deviner des mèches blondes et un bonheur sans bémol. Le père Johnson présente l'une de ces archives familiales dans le bureau de sa paroisse, l'église St Mary, qu'il fait visiter. Il raconte l'origine de la communauté catholique, ici, implantée par les Irlandais, attirés au XIXe siècle par les emplois de la révolution industrielle. « Je suis l'oncle de Shaun, précise-t-il. Il est le premier enfant que j'ai baptisé ici, fin 1966. Puis il a été enfant de choeur, toujours ici, à partir de ses sept ans, jusqu'à ses 21 ans. »

Avant de revêtir sa soutane blanche pour célébrer la messe de ce vendredi midi, où se montreront une trentaine de fidèles, il se dirige, le pas lent de ses 81 ans, vers l'école de l'église. Shaun en a écumé les bancs, dans un cadre auquel il était destiné. « Vous voyez ce rond-point ?, interroge-t-il d'un sursaut de sourcil blanc et broussailleux, en montrant, depuis une fenêtre un grand supermarché, à dix mètres derrière le mur de l'église. Eh bien jusqu'en 1999, c'était le stade de Wigan ! » Le fameux Central Park, en pleine ville, et le centre du monde ici, dans les années 1980-1990. Gaël Tallec, ancien joueur français qui a débarqué là encore ado, recruté par Wigan au milieu des années 1990, et qui y a évolué avec Edwards, se souvient encore émerveillé d'une enceinte unique « où la moitié du public était debout, et on appelait ça le kop, comme à Liverpool. L'ambiance était chaude, ça chantait, c'étaient des connaisseurs, et tout le monde portait un maillot ! Shaun, c'était l'enfant du club, il était respecté des tribunes, et il lui arrivait de faire le show quand il marquait. Il créait une étincelle. Ajoutons à cela qu'on mangeait ici d'excellentes meat pie. Dans l'une des tribunes, il y a eu aussi une boîte de nuit qui marchait bien, les Riversiders. » C'est tout une époque qui se retrace là, celui du grand Wigan. Définitivement rayé lorsque le terrain a été vendu à la grande distribution. Une sculpture trop terne représente bien un ballon, mais ne réveille en rien la ferveur qui a animé ce lieu.

« L'atmosphère n'est plus la même depuis que le stade est hors de la ville », marmonne le père Johnson, un passionné de l'Ovalie pourtant, du genre, lors d'un pèlerinage à Lourdes, à ne pas oublier de faire un crochet par la chapelle Notre-Dame-du-Rugby, dans les Landes. L'exil de Central Park, c'était un arrachement de plus dans une région qui a subi le lent déclin de l'industrie du coton et l'inexorable fermeture des houillères. L'ecclésiastique se souvient d'une grève de mineurs en 1973, où ils se battaient pour augmenter leur misérable salaire de 12 pounds hebdomadaires. Il sait que son neveu a manifesté en 1984, à même pas 18 ans, lorsque la politique Thatcher destinait les usines à l'extinction. « Shaun était très Labour », sourit-il.

Depuis, la région est restée déshéritée, avec un fort taux de chômage et de pauvreté, palpable dans les rues grises de cette journée d'hiver privée de soleil. « C'est sans doute ce qui a poussé les gens à choisir le Brexit ici, développe le père Johnson. On ne doit pas vivre dans deux pays séparés, le Sud et chez nous. Le Nord a besoin de développement. Les gens ont réalisé ça et voté Leave. » À 63,9 %, en 2016.

Le XIII, plus que tout autre sport, est resté une échappatoire, dans ce contexte. La ville honore ses gloires rugbystiques, avec une statue de Billy Bolton sur le parvis d'une place du centre-ville. À côté, Shaun Edwards a droit à une étoile avec son nom sur un pavé, façon Walk of Fame hollywoodien, parmi celles de l'acteur Ian McKellen, le Gandalf du Seigneur des anneaux, ou de Roberto Martinez, l'entraîneur espagnol qui a mené les footeux de Wigan vers la Coupe d'Angleterre en 2013. Personne ne semble lui en vouloir, ici, d'être revenu sur sa parole, donnée en 2018, de rentrer chez lui comme entraîneur des Warriors. Seul le club grince des dents quand on mentionne son nom.

Finalement, Wigan respecte et protège son enfant. Sur sa vie privée, on mentionne toujours du bout des lèvres deux histoires. L'une, légère : celle de sa relation avec Heather Small, la chanteuse du groupe mancunien M People, au tube entêtant Moving on Up. L'autre, tragique : la mort, en 2003, de son frère Billy Joe, dans un accident de voiture. Il avait à peine 20 ans, il était lui aussi promis à une carrière pro de treiziste. « Ça a été très dur pour leur famille », commente-t-on pudiquement, sans jamais s'aventurer plus loin.

Cette retenue colle au personnage d'Edwards, aussi intense dans le rugby que discret sur lui-même. Il n'est pas insensible pour autant aux honneurs. « Son père Jackie est venu ici récemment et il nous a fait remarquer qu'on n'avait pas beaucoup de souvenirs de son passage ! », s'excuse Joe en faisant visiter les locaux des St Pat's. C'est vrai que les récentes affiches posées dans les vestiaires exigus mettent en valeur des pros des années 2000 issus de ce club formateur. Dans le club house, en fouillant, on découvre deux anciens maillots d'Edwards encadrés sur les murs, ainsi que deux ou trois photos vieillies. Il s'est vidé : on s'est massé dehors autour de la main courante, les deux équipes s'expliquent sur la pelouse boueuse, on entend les chocs des corps, comme des béliers furieux buste contre buste. Les locaux souffrent, 10-30. Fin de l'aventure Challenge Cup 2020 pour les St Pat's de Shaun Edwards.

(*) Simply the Best


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#1939 l'exil

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Posté 30 janvier 2020 - 10:38

Merci pour ces articles. S'il y a un secteur que je vais scruter dimanche, c'est la défense. Hâte de voir la patte Edwards.

#1940 Uderzo

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Posté 30 janvier 2020 - 10:46

La prépa du quinze de france à l'air de laisser des traces. Du physique, toujours du physique.

Galthié est-il en train de jouer au apprentis sorcier ? Déjà qu'il a un handicap dans le champ des interactions-sociales.  :crying:


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#1941 julien

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Posté 30 janvier 2020 - 10:47

Et encore un forfait... Hounkpatin (côtes) remplacé par Atonio...

Slimani, Setiano et Gomes Sa sont vraiment loin dans la hiérachie.

Quant aux entraînements intensifs, ils ont causé déjà 5 blessés!



#1942 cocotte 63

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Posté 30 janvier 2020 - 10:58

Faut aussi savoir ce qu'on veut... le problème c'est pas la prépa... le problème c'est le calendrier et le top 14, that's it?

 

Les clubs anglais se sont plaints aussi de la prépa et de l'exigence de Jones, avec d'innombrables blessures, donc, si tu veux exister à ce niveau t'as pas le choix, faut y arriver.

 

S'ils ont pris des jeunes joueurs c'est aussi pour ça, parce qu'ils doivent mieux encaisser cette nouvelle charge et s'y habituer...

 

Moi aussi je vais être attentif à la défense, et si Edwards pouvait donner son mojo à Penaud dans ce secteur, j'en serai le premier ravi !



#1943 l'exil

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Posté 30 janvier 2020 - 11:02

 
Moi aussi je vais être attentif à la défense, et si Edwards pouvait donner son mojo à Penaud dans ce secteur, j'en serai le premier ravi !

Et sa technique...parce que s'il lui donne de l'ardeur défensive sans corriger sa façon de faire, ça va faire corde à linge et rouge....

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Posté 30 janvier 2020 - 11:04

Et encore un forfait... Hounkpatin (côtes) remplacé par Atonio...

Slimani, Setiano et Gomes Sa sont vraiment loin dans la hiérachie.

Quant aux entraînements intensifs, ils ont causé déjà 5 blessés!

Ils sont loin dans la hiérarchie de... Galthié, mais en réalité ce n'est peut-être pas tout à fait vrai (amha) !

Slimani par exemple vient de rendre quelques bonnes copies, s'il avait été convoqué pour remplacer Hounkpatin, il n'y aurait pas eu à crier au scandale.

Les choix de Galthié sont différents de ceux de ses prédécesseurs, c'est tout...



#1945 cocotte 63

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Posté 30 janvier 2020 - 11:06

le "mojo Edwards" intègre tout ça  B) ... bien évidemment! en tout cas, si les joueurs comme Penaud sont réceptifs et qu'ils veulent s'y filer, l'ami Edwards va les faire progresser c'est garanti !



#1946 xdderf63

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Posté 30 janvier 2020 - 19:51

Ils sont loin dans la hiérarchie de... Galthié, mais en réalité ce n'est peut-être pas tout à fait vrai (amha) !

Slimani par exemple vient de rendre quelques bonnes copies, s'il avait été convoqué pour remplacer Hounkpatin, il n'y aurait pas eu à crier au scandale.

Les choix de Galthié sont différents de ceux de ses prédécesseurs, c'est tout...

 

Servat confirme que c'est du dynamisme qu'ils souhaitent

Pas écraser les mêlés adverses 

On ne reverra pas Slimani je pense

 

''Momo'', c'est le joueur de devant qui a les meilleures statistiques de déplacement et d'activités sur les matches avec Montpellier. C'est quelqu'un qui est capable de rattraper des trois-quarts qui percent la ligne.

 

Je ne dis pas que ''Momo'' est Carl Hayman. Je dis simplement qu'avec lui on est en train de retrouver des piliers français avec du dynamisme, des gros potentiels. Dans notre projet qui s'étale jusqu'à la prochaine Coupe du monde, il est important de donner à ces joueurs-là de la confiance et la possibilité d'acquérir de l'expérience. Sa tenue en mêlée ? Elle est encore perfectible, mais elle est en très belle évolution sur les trois ou quatre derniers mois. »


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#1947 Eria

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Posté 30 janvier 2020 - 20:20

Je ne dis pas que ''Momo'' bleus ,ceux qui rendent les gens heureux....tous les momo bleus...

 

en bin chante nous le...



#1948 el landeno

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Posté 30 janvier 2020 - 22:07

Tournoi des Six Nations : l'incroyable parcours d'Anthony Bouthier, titulaire avec les Bleus face à l'Angleterre L'arrière de Montpellier, encore maçon et amateur à 22 ans, a eu un itinéraire invraisemblable avant de percer au plus haut niveau. Il sera titulaire avec les Bleus face aux Anglais dimanche (16 heures).

Anthony Bouthier ne devait pas chanter « La Marseillaise », dimanche au Stade de France (16 heures). Il n'aurait même pas dû être en stage à Nice, avec les Bleus, depuis le 19 janvier. Son parcours n'existe pas, n'existe plus, dans le rugby professionnel. Au bout du fil, Mathilde, son épouse : « J'ai toujours l'impression que c'est un rêve éveillé, qu'on va nous dire : c'est une blague ! »

 

Mais non, son Anthony sera l'arrière de l'équipe de France face à l'Angleterre, à 27 ans. On dirait un conte. Dans un conte, il faut une fée. Prenez Mathilde. « Depuis toute petite, je dis que je veux me marier avec un garçon aussi gentil qu'Anthony. » Le 1er juin 2019, la noce a eu lieu à Pouillon (3 000 habitants), leur village des Landes. « On parle là d'une grande histoire d'amour », glisse leur ami Pascal Siberchicot, témoin de la mariée. Tous petits, les futurs époux étaient voisins, comme on dit à la campagne quand il y a à peine un kilomètre d'écart entre les maisons. « J'allais jouer au rugby avec Anthony et son frère au désespoir de mes parents », rit Mathilde Bouthier.

On parle d'un couple, mais on doit élargir à une petite bande : « On est huit de la même classe (dans les Landes, les garçons et filles nés la même année, organisent notamment les fêtes de leur commune quand ils ont 18 ans, et se retrouvent pour des repas chaque année), celle de 1992 : quatre garçons et quatre filles, explique Mathilde. On ne s'est jamais lâchés »

En août dernier, Anthony Bouthier n'avait encore jamais joué en Top 14

« On a créé un groupe WhatsApp, s'amuse Corentin Sibé, un des huit, qui a trois jours de plus qu'Anthony. On a débriefé ensemble la liste des 42, des 28... Pour sa signature à Montpellier, c'était plus facile : on était ensemble, au mariage. » Depuis, les Bouthier n'ont pas eu le temps de partir en voyage de noces. « Mais tout ce qui arrive est tellement exceptionnel, ça attendra », rit encore Mathilde.

Reprenons le conte. En août dernier, Anthony Bouthier n'avait jamais joué en Top 14. « Et même pas six mois après, on m'appelle en équipe de France », souffle-t-il, dans la pénombre d'une chambre de l'hôtel Radisson Blu, sur la Promenade des Anglais. On ne jurerait pas que, pendant cette demi-heure d'interview, il a passé le meilleur moment de son séjour niçois. « Il a toujours été introverti, timide. Il rougissait lorsqu'il récitait des poésies en classe », témoigne Pascal Siberchicot, qui l'accompagnait à l'école de rugby à 7 ans. « Il a toujours été sur la réserve, à part dans le sport, ajoute Mathilde. Depuis qu'on est partis de Pouillon, il a été obligé de s'ouvrir. Quand on le voit aujourd'hui parler à la télévision, on n'en revient pas. »

« Passé l'Adour (le fleuve qui traverse les Landes)c'est le nord pour moi »

Anthony Bouthier, arrière de Montpellier

 
 
 

Corentin Sibé s'esclaffe : « Lors de ses premières interviews, à Radio Landes, il était tout essoufflé, sa voix partait dans les aigus. ''Boubou'' (son surnom), quoi. Maintenant, avec Montpellier, il nous sort de ces phrases... On ne savait pas qu'il avait ces mots-là dans son vocabulaire ! » Dans toutes ces paroles, on entend tant de tendresse. « L'histoire est tellement folle... », souligne Pascal Siberchicot qui a un food-truck au stade Aguilera de Biarritz, les jours de match, notamment.

Folle... Folle. À 22 ans, Anthony Bouthier, qui joue en espoirs à Dax, lance à Mathilde : « J'ai reçu une proposition de Vannes »« Il m'annonce ça comme s'il avait fait les courses, se souvient son épouse. Il me parle aussi d'un contact avec Hagetmau, sinon... Je lui ai dit : ''Mais tu crois que si tu pars en Bretagne, je ne te suivrai pas'' ». Anthony, scotché : « Tu ferais ça ? » Depuis Nice, il confirme : « Elle venait de finir ses études d'infirmière alors, pour elle, chercher du travail en haut ou en bas, c'était pareil... C'est elle qui m'a poussé à partir. J'ai hésité longtemps. Passé l'Adour (le fleuve qui traverse les Landes), c'est le nord pour moi... »

Au téléphone, Mathilde Bouthier, entre deux fous rires, redevient sérieuse : « On n'habitait pas encore ensemble et on allait le faire pour la première fois à Vannes. Là, ça passe ou ça casse ». Ça passera. Avant de prendre la route du golfe du Morbihan, Anthony Bouthier doit prévenir Eric Truques, son patron. Ah oui, car on a oublié de vous dire un détail important dans ce conte : à l'époque, et depuis l'âge de 15 ans, Bouthier est maçon. « Il adorait son métier, était bon dans ce qu'il faisait, confie Pascal Siberchicot. Quand il a annoncé son départ à son patron, ça le travaillait, ça lui faisait de la peine de le laisser. Alors que Truques espérait juste qu'il réussirait à Vannes. »

« Quand il était maçon, il avait chopé une maladie des mains, avec l'enduit. Ils les avaient toutes pelées mais ça ne l'empêchait pas de jouer au rugby »

Simon Gatuingt, actuel ouvreur de Dax

 
 
 

Anthony Bouthier n'avait aucune certitude de s'adapter à la Bretagne, à la Fédérale 1, mais il était certain de ne plus pouvoir cumuler maçonnerie et rugby. « Je n'étais pas formé comme un autre joueur, explique Anthony Bouthier. Je ne faisais pas de muscu, car j'étais maçon du lundi au vendredi : je finissais à 17h30 18 heures à Pouillon. J'en avais pour un quart d'heure de route environ jusqu'à Dax, je me changeais au cul de la voiture et j'allais m'entraîner. C'était un rythme soutenu. » Sans s'écouter. « Quand il était maçon, il avait chopé une maladie des mains, avec l'enduit. Ils les avaient toutes pelées mais ça ne l'empêchait pas de jouer au rugby », confie Simon Gatuingt, actuel ouvreur de Dax et témoin de mariage.

Mais quand c'est trop, c'est trop. Il possède une double licence, avec Pouillon et Dax. « Les calendriers ne se chevauchaient pas, je jouais tous les week-ends. La deuxième saison, en octobre, je me suis gravement blessé à la cheville. J'étais fatigué, pas prêt physiquement à recevoir les coups. »

« Il a toujours eu de bons biceps, pour soulever les blocs sur les chantiers, mais il était gringalet », rigole Mathilde. À Vannes, il passe enfin en salle de musculation. Il prend du volume. En 2016, il inscrit l'essai de la montée en ProD2. À la Rabine, un stade drôle et bruyant, il est « Antho ».

La vedette du RC Vannes, son capitaine. « Les gens sont trop gentils, là-bas. J'ai eu de la chance. J'ai toujours eu de la chance. » Après un tel parcours ? On se pince, on le secouerait presque : « Et du talent, aussi, non ? » Il persiste : « J'ai toujours été au bon endroit au bon moment. Tenez, j'ai 27 ans. Si j'en avais 29, est-ce qu'on me prendrait dans une équipe de France en reconstruction ? ». Intervention de Pascal Siberchicot : « Il est tellement humble qu'il ne dira pas que c'est grâce à lui. Je pense plutôt qu'il a eu de la malchance, jusqu'à son départ pour Vannes qui nous a beaucoup surpris. »

À Vannes, Bouthier signe de grosses saisons. « Mais comme on est loin de tout le reste du rugby, j'étais un peu masqué. Ça m'allait très bien pour progresser tranquillement. » La saison passée, il déboule à Biarritz avec son équipe. Dans le food-truck de son pote Pascal, on sert avec un maillot du RCV. « Les supporters biarrots étaient un peu surpris... Mais quand Anthony a traversé trois fois le terrain, on était fiers dans nos maillots ! »

« C'est vraiment la chance d'une vie. Je n'ai pas le droit à l'erreur. »

Anthony Bouthier

 
 
 

À traverser le terrain, le Top 14 ouvre un oeil sur ce Landais relanceur, qui a les deux pieds. La Rochelle le voulait, il ira à Montpellier. Il s'amuse : « Au MHR, beaucoup ne me connaissaient pas. Ça me faisait rire. On a l'impression que j'étais caché, que je suis sorti depuis six mois ». Ben... c'est un peu l'idée. Et maintenant ? Les Anglais, le Stade de France ? « C'est vraiment la chance d'une vie. Je n'ai pas le droit à l'erreur. Mais je me dis que je suis privilégié d'être ici, confiait-il peu après avoir reçu la dotation de l'équipe de France. J'ai tout pris en vidéo, en photo et j'ai envoyé à ma famille. J'étais juste heureux d'enfiler ces affaires avec le coq. »

Depuis quelques jours, tous les Bleus, ne cessent de répéter vouloir être à la hauteur pour les 80 000 spectateurs - dont une vingtaine de Pouillon avec une banderole - qui vont remplir le stade de France. Bouthier, d'une petite voix : « Je n'ai pas le droit de décevoir tous les gens des petits clubs qui espèrent être un jour à ma place. Je ne suis pas le représentant des petits, mais je veux rendre les gens heureux, qu'ils ne jettent pas l'argent par les fenêtres en venant nous voir au stade. »

On lui parle de la Coupe du monde en 2023, il la voit si loin... En attendant, le conte se poursuit. Comment s'achèvera-t-il au rugby ? On verra. Mathilde connaît l'autre fin : « Anthony n'est plus maçon, mais il bâtit notre maison, c'est sa priorité, il le dit depuis toujours. Et comme on a beaucoup d'artisans dans nos proches, ce sera une maison faite en famille. »



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Posté 31 janvier 2020 - 07:14

Le staff des Bleus (5/5), Fabien Galthié, sélectionneur : « On ne veut pas copier » Entamant une période de reconstruction à la tête des Bleus, le nouveau sélectionneur veut trouver son propre chemin, dans le fonctionnement comme dans le jeu.

Mercredi, à Nice, sur la promenade des Anglais baignée de soleil. Fabien Galthié vient de prendre part, aux côtés de Raphaël Ibañez et d'une partie des joueurs du groupe France, à une cérémonie d'hommage aux victimes de l'attentat du 14 juillet 2016. « Un moment d'émotions », dit-il en quittant le petit parc où est posée la stèle rappelant le nom des 86 victimes. Le Negresco, hôtel historique de la ville, est à deux pas. On s'assoit au salon, au milieu d'un décor d'époque. C'est parti pour près de deux heures d'entretien, durant lesquelles le nouveau sélectionneur apparaîtra très attentif à ses mots, soucieux d'utiliser le « nous » plutôt que le « je » et de ne pas apparaître comme un donneur de leçon, mais surtout convaincu de son projet pour les Bleus, qui débutent dimanche leur Tournoi des Six Nations par la réception des vice-champions du monde anglais, au Stade de France.

 

« Qu'y a-t-il dans la tête de Fabien Galthié avant ce premier match face à l'Angleterre ?
Je nous sens bien. Parfois, je sens qu'on est pressés, mais pas stressés. On est pressés par des décisions à prendre, un agenda à maîtriser... Mais on a tellement travaillé depuis le retour de la Coupe du monde que ça va, il n'y a pas de stress. Ce n'est que le début, évidemment, mais on retrouve dans la réalité ce qu'intuitivement on ressentait.

En bref
50 ans.
Ancien demi de mêlée. 64 sélections (entre 1991 et 2003). Quatre Coupes du monde disputées (1991 [1/4], 95 [1/2], 99 [finale], 2003 [1/2]). Vainqueur du Tournoi des Cinq Nations 1997, 1998 et des Six Nations 2002 (Grand Chelem à chaque fois).
Joueur : Colomiers (1986-1995, 1995-2001) ; False Bay (AFS, 1995) ; Stade Français (2001-2003). Champion de France 2003 (finaliste 2000) ; Challenge européen 1998 ; finale Coupe d'Europe 1999. Élu meilleur joueur du monde par l'IRB en 2002.
Entraîneur : Stade Français (2004-2008) ; Montpellier (2010-2014) ; Toulon (2017-2018). Champion de France 2007 (finale 2005, 2011), finale Coupe d'Europe 2005.
Sélectionneur : France (depuis 2019).

Vous pensez à quoi ?
Le travail à 42 joueurs. L'effervescence, l'émulation, la collaboration que cela crée. Ce n'est pas facile à manager, mais quand on est dans le cadre du jeu, c'est dense, on arrive à ne pas perdre une minute. Un point très positif est qu'on a le sentiment que l'on arrive à manipuler, à bouger ce groupe. Hier (mardi), on avait une séquence très complexe, avec trois entraînements, dont un collectif l'après-midi, avec deux équipes face à face travaillant sur de très hautes intensités, et un groupe bossant à côté. Et au final, ç'a été l'entraînement le plus remarquable, le plus intense et le plus juste de tous ceux que j'ai eus à mener depuis que je suis avec l'équipe de France. Ça allait vite, c'était fort, les joueurs étaient obligés de prendre des décisions, on se rapprochait du moment où l'on progresse.

Ça vous fait penser que les joueurs adhèrent ?
Ils n'ont pas le choix (sourire). On ne leur demande pas s'ils adhèrent. Nous leur avons déjà demandé avant.

Vous faites référence aux entretiens que vous avez fait passer aux joueurs ces derniers mois, qui étaient une manière de...
(Il coupe.) De les préparer.

Et de passer un contrat moral avec eux.
Oui, oui. Par exemple, après les forfaits, chaque remplaçant qui a été appelé a dit oui.

Mais ils n'ont pas le choix ! Il y a la règle 9 de World Rugby qui oblige tout joueur convoqué à répondre présent.
Mais on ne la voit pas comme ça, la règle 9. On a envie qu'ils nous disent oui, et ce n'est pas pareil, car c'est un engagement. Et pour l'instant, ça se retranscrit sur le terrain.

Avez-vous prévu des sanctions en cas d'entorse au contrat moral ?
Il y a une échelle de régulation, avec sept étapes qui varient selon la faute ou la récurrence, la dernière étape débouchant sur le retour en club. Ç'a été présenté le lundi soir (20 janvier). Est-ce qu'elle a servi ? Pas pour le moment, mais on pense que ça viendra.

Au cas où, vous sentez-vous la force pour aller jusqu'à une exclusion du groupe ?
Oui. Ça serait un échec pour nous comme pour le joueur, parce que chacun représente un investissement en temps, en place, mais oui.

On a compris à travers l'extrait de l'entretien de Wenceslas Lauret diffusé dans "Stade 2" (dimanche 29 décembre) que le cadre que vous voulez imposer n'est pas facile à expliquer.
(Sourire.) Il ne comprenait pas très bien, c'est l'héritage du passé.

Il évoquait notamment le fait que les joueurs aient leur mot à dire sur ce cadre.
Nous définissons un cadre, et ce qu'il y a dedans, on le construit avec eux. Par exemple, hier (mardi), on a défini avec le capitaine et les leaders trois points essentiels : la gestion des jours off, des nuits d'après-match, et du dîner off lors des deux jours qui précèdent le match. Ils ont pris un engagement écrit, signé. On souhaite qu'ils soient responsables, qu'ils soient maîtres de leur cadre.

L'autre jour, on vous a vu donner un carton jaune à Lester Etien en plein entraînement...
(Il sourit.) Sur une action, Lester dit : "Y a pas en avant !" J'étais à un mètre : carton jaune ! Parce que dans le comportement vis-à-vis de l'arbitre, il faut faire amende honorable. Il a toujours raison, et s'il se trompe, c'est le capitaine qui va le voir. Donc, Lester, carton jaune. Il a compris.

« Notre chantier, c'est le jeu autour de la première passe (autour du 9) et le jeu autour de la deuxième passe (celle du 10). Le rugby d'aujourd'hui, ce sont des petits circuits »

 

 
 
 

À terme, vous espérez que les joueurs se régulent seuls ?
On a évoqué, avec le capitaine et les leaders, ce qui se passerait si quelqu'un ne respectait pas les engagements. Ils nous ont dit qu'on n'aurait même pas besoin de s'en occuper. On va quand même les accompagner (sourire). La confiance, ça se construit. Ça se donne et ça s'échange.

On sent que vous essayez d'imposer une culture. Que doit être un joueur de l'équipe de France à vos yeux ?
Pour moi, un joueur de l'équipe de France, c'est ce qu'on a vu hier (mardi) et aujourd'hui (mercredi). L'entraînement et la réunion avec les leaders hier, la synthèse de l'attaque et du kicking-game (jeu au pied) ce matin, le déjeuner en tenue, l'hommage aux victimes... Là, on est dans ce qu'on appelle la densification.

Dans vos discours, faites-vous référence au pays, au drapeau, au maillot ?
Les mots, c'est une chose. Comme vous l'avez écrit, on n'est pas les premiers à faire référence à des valeurs. Au-delà des mots, ce sont les actions qui nous intéressent. (Baruch) Spinoza (philosophe néerlandais du XVIIe siècle) dit que pour toucher au bonheur, il faut allumer de petits feux : on va allumer ces petits feux un peu partout, et on va voir si ça prend. Commençons par nous donner des petites missions, par lancer un peu partout des moments forts, enchanteurs. C'est un peu ça l'idée de notre forme d'entraînement : si on veut être au niveau, commençons à bosser selon les standards internationaux, voire au-dessus, et avec ça nous allons matcher.

Ce stage a donné lieu à votre premier discours devant tout le groupe. Qu'avez-vous dit ?
On a été très brefs. Le dimanche soir (19 janvier), il y a eu l'accueil et le dîner. Le lendemain, on a eu la première réunion à 7 heures. On a présenté le staff, l'organisation. Ensuite, on a évoqué notre finalité, pourquoi on est là : redevenir une des meilleures nations au monde, entrer dans les trois premières (la France est actuellement 7e), gagner vite des matches et des titres. Puis on a présenté les cinq buts, tous affichés ; la flèche du temps jusqu'à 2023, avec tous les matches et des commentaires ; la flèche du temps sur cette saison ; la planification de la semaine ; la planification de la journée. À 7 h 20, c'était fini.

Cette flèche du temps jusqu'à 2023 rappelle celle que vous aviez vu à Bagshot, le centre d'entraînement de l'Angleterre, lorsque Eddie Jones vous avait invité.
On ne veut pas copier. Ni Eddie Jones ni les autres. Ils font des choses super, cette fresque à Bagshot, c'est génial. Mais on veut créer notre propre chemin, construire notre identité. Aujourd'hui, par exemple, notre identité, c'est notre façon de nous entraîner. Là-dessus, on n'a pas copié, on a voulu aller plus loin sur les rythmes, le séquençage. À ce sujet : en ce moment, il y a un gros buzz autour de nous sur la data. Si les clubs lisent ça, ils doivent rigoler, parce que ça fait huit ans qu'ils l'utilisent. C'est juste un outil, qui n'est pas le maître du management, mais qui nous aide juste à manager.

Vous dites ça parce que vous sentez que commence à naître l'idée que vos choix seraient faits en fonction des datas ?
Bien sûr que si tu coches toutes les cases, que tu remplis toutes les données, tu joues en équipe de France. Mais ce n'est pas uniquement lié aux données.

Alors parlons du jeu. Sur quoi travaillez-vous ?
Ça va peut-être vous décevoir, mais notre chantier, aujourd'hui, c'est le jeu autour de la première passe (celle du numéro 9), et le jeu autour de la deuxième passe (celle du numéro 10). Ça concerne à chaque fois quatre joueurs, le 9 et trois avants, le 10 et trois avants, ainsi qu'un joueur, qu'on appelle "bridgeur", qui fait le lien entre ces petits circuits. Le rugby d'aujourd'hui, ce ne sont que des petits circuits, qui s'agrègent les uns avec les autres.

Vous parliez de ne pas copier. Dans le jeu, vous cherchez à innover ?
Oui. Là on est dans "l'intime" (sourire). Par exemple, depuis la Coupe du monde, on s'est inventé un jeu de transition à partir des jeux au pied adverses. Dans un match, on reçoit 25 ballons comme ça, et souvent ce sont des ballons perfides, nos adversaires nous les donnent pour nous piéger. Nous, on peut être naïfs et jouer ces ballons pourris (sourire). Et les adversaires nous punissent. Donc on a créé quatre phases à mettre en place en fonction du ballon qu'on tape sur nous, pour ne pas se faire piéger ou piéger l'autre.

Vous dites souvent que pour maîtriser toutes ces phases, il faut des milliers d'heures de répétition. Sauf que...
(Il coupe.) On ne les aura pas. Je sais qu'hier, les joueurs ont fait 45 "900" (jeu autour de la passe du numéro 9). On commence à voir des choses intéressantes. Je leur ai dit de répéter à l'hôtel, en chaussettes, cinq minutes, un petit peu souvent. Le jour où je les verrai faire ça, je dirai : waouh, on y est.

« Il y a matière à polir. La semaine dernière, on a relâché 14 joueurs, mais je peux vous dire que parmi ceux-là, il y en a qui nous ont bluffés »

 

 
 
 

La FFR a monté un groupe de réflexion autour de l'identité de jeu française. Pour vous, quelle est-elle ?
On a longtemps été très bons dans le jeu déstructuré. Ce qu'on appelle le French flair. Et à un moment, on s'est mis à structurer notre jeu comme les autres. On a fait des plans de jeu, et c'est très important, mais on s'y est enfermé. À l'entraînement, on a arrêté le jeu déstructuré, et on a perdu ce qui faisait notre force. On est redevenus bons sur ce jeu, là (pendant la Coupe du monde 2019).

Mais vous êtes partisan, vous-même, d'un jeu très cadré, avec des annonces.
Oui, avec des petits circuits simples, mais qui vont nous permettre de maîtriser un jeu déstructuré.

Et vous laissez de la place pour l'inspiration, la prise d'initiatives ?
Totalement. Après, il faut qu'elle soit maîtrisée. Que ça s'articule autour de petites cellules de joueurs qui créeront du doute dans la défense.

Pensez-vous disposer d'un potentiel de joueurs pour atteindre vos objectifs ? Oui. Et ce qui est bien, c'est que les entraînements à cette intensité permettent de vraiment les voir, parce que c'est le copier-coller d'un match.

La génération qui arrive est plus douée que les précédentes ? Il semblerait qu'en Top 14, que chez les moins de 20 ans, on a des joueurs qui matchent. Le niveau international, c'est autre chose, mais il y a une matière à polir. La semaine dernière, on a relâché 14 joueurs, mais je peux vous dire que parmi ceux-là, waouh, il y en a qui nous ont bluffés.

Reste ce fossé avec le niveau international et l'inexpérience globale de votre groupe. Eddie Jones vous a titillé à ce sujet cette semaine (*).
C'est la vérité. Est-ce que nos joueurs vont s'adapter ? C'est une interrogation. On s'entraîne pour en tout cas. Quand on voit la densité de l'entraînement d'hier (mardi), on voit qu'il y a la matière. Et puis, bon, il faut bien commencer. Si le joueur a le potentiel et qu'il a envie d'y aller...

Mais généralement, on lance des jeunes en les encadrant.
Je l'entends. Mais on ne va quand même pas se mettre dans l'équipe, nous (membres du staff), on est trop vieux (sourire).

En deuxième ligne, notamment en numéro 5, il y a un doute sur le potentiel.
Nos faiblesses, on va les rencontrer tout de suite, c'est ainsi à ce niveau. Mais avant de regarder nos faiblesses, on va se concentrer sur nos forces. Avec notre forme d'entraînement, les joueurs peuvent voir ce qu'ils sont capables de faire. Plutôt que de se noyer dans un constat qui semble irréversible, du type : « Il nous manque telle compétence. » On veut dire aux joueurs : « Toi, tu sais très bien faire ça. »

« Le joueur français aime toucher le ballon. Il a du mal à découper son match tactiquement. Ces trois garçons (Ntamack, Jalibert et Carbonel) ont cette marge de progression »

 

 
 
 

Sauf que le niveau international impose de lui-même un standard.
On le sait. On va leur donner des jobs qui correspondent à leur profil, dans lequel ils sont capables de réussir, et on va mettre autour d'eux des profils différents. Il faut arrêter de dire : « On n'a pas. » Quand on regarde les autres équipes de près, il y a des choses qui éblouissent, mais on peut aussi remarquer que tout n'est pas parfait. Dans deux jours (vendredi), les joueurs doivent nous rendre un document d'analyse de leur adversaire direct. Je voudrais leur faire toucher du doigt qu'il y a des choses qu'ils font mieux qu'eux.

On s'est longtemps ému du manque d'ouvreurs en France. Vous voilà à la tête d'une génération avec trois prometteurs. Comment allez-vous les départager ?
On a essayé de gagner du temps en se basant sur le passé, c'est-à-dire la Coupe du monde. À partir du moment où Romain (Ntamack, titulaire au Mondial) est compétitif, il est là. Matthieu (Jalibert) s'est imposé derrière comme ayant le plus de métier. Et l'ordre est celui-ci pour le moment (le troisième est Louis Carbonel). Après il y aura l'imprévu. Eddie Jones a raison, avoir du talent est une chose, maîtriser l'intensité du haut niveau en est une autre. Le joueur français aime toucher le ballon. Tout le temps. Il a du mal à découper son match tactiquement. Ces trois garçons ont cette marge de progression.

On a beaucoup évoqué les entraînements à haute intensité. Mais le décor du rugby français reste le même, avec des intersaisons courtes, une saison longue, un Top 14 qui joue sur un rythme différent...
(Il coupe.) Ça, nous ne le maîtrisons pas. Nous savons que les joueurs n'ont pas le temps de se développer physiologiquement. On doit faire avec. L'incapacité à supporter la haute intensité était le problème principal de l'équipe de France, mais la forme d'entraînement n'était pas adaptée...

Elle l'est désormais. Êtes-vous convaincu que cela suffira à vous mettre à niveau ?
Je n'ai pas de certitudes, que des convictions. »

(*) Le sélectionneur australien de l'Angleterre a notamment déclaré que les « jeunes joueurs (français) n'ont jamais été confrontés à l'intensité et la violence physique avec laquelle nous allons jouer dimanche ».


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Posté 01 février 2020 - 19:20

EDF Galthié : non seulement il laisse nos joueurs sur la touche mais il "casse" le peu qu'il met sur le pré !!! :cartonrouge:






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