Paroles d'ex - Jimmy Marlu : «J'ai eu peur d'être viré» du XV de France
Quel est le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Celui qui m'a toujours impressionné, ça a été Émile Ntamack. J'ai commencé à être appelé sur le banc en équipe première de Clermont à dix-huit ans, encore junior, car Philippe Saint-André avait été opéré des adducteurs. J'ai joué contre Émile et j'ai même fait la Coupe du monde 1999 avec lui. J'admirais sa vitesse, son physique impressionnant, son élégance aussi. La grande classe.
Le joueur que vous avez le plus apprécié ?
Il y en a eu beaucoup mais je citerais Gilles Darlet, l'arrière de Clermont quand j'y suis arrivé. Il était très fort par ses qualités rugbystiques et la façon de communiquer avec les jeunes. Il me plaçait, me dirigeait. Ça a été un peu mon papa au début. Comme Jean-Marc Lhermet, capitaine emblématique.
Le plus redoutable ?
Ils étaient quelques-uns, notamment à Toulon. Et je ne les ai pas côtoyés d'ailleurs, mais des mecs comme Marc de Rougemont ou Thierry Louvet, c'était... Les premières fois où j'ai joué à Mayol, je craignais d'affronter ces types-là. Ils incarnaient l'extrême agressivité du RCT. Comme Léon Loppy aussi, qui faisait peur. Lui, je le connais, et il est adorable. Et je peux ajouter "Soso" (Sotele) Puleoto, et "Manu" (Emmanuel) Ménieu aussi, avec qui j'ai joué. Soso (ancien deuxième-ligne de Biarritz), c'était le plus dangereux. Tu n'osais pas te frotter à lui. C'est celui qui a mis le plus de K.-O. dans le monde du rugby (il rit). Et Manu Ménieu (ancien pilier de Clermont et Biarritz), il n'avait jamais peur de rien ni de personne.
Le plus gros moment de tension que vous avez vécu ?
C'était lors d'un entraînement aux Gravanches (le centre d'entraînement de l'époque) avec Clermont. Arnaud Costes s'est battu avec un partenaire, dans une opposition à l'entraînement. Ça m'avait marqué parce que j'étais jeune, fraîchement arrivé à Clermont. Il y a eu une mêlée qui s'est relevée, deux joueurs qui se rapprochent, front contre front, et c'est parti : pim, pam, poum ! Je savais que ça arrivait, mais j'avais trouvé ça étrange d'en venir aux mains entre coéquipiers.
L'entraîneur qui vous a le plus marqué ?
Patrice Lagisquet. Un bon technicien avec de très bonnes analyses, capable de faire évoluer les joueurs dans les domaines où ils étaient en difficulté. Et il y un autre entraîneur que j'aimais bien, quand j'ai commencé à Clermont, c'est Alain Gaillard. Dans la façon de parler aux joueurs, il était plus qu'un entraîneur. Il savait motiver ses troupes. Ce que je dis, c'est bien illustré par cette vidéo qui est célèbre et qui tourne encore. Il était parti entraîner le CO et il est revenu au Michelin avec Castres pour un quart de finale contre nous (1999). Quand il parle aux Castrais avant le match, c'est fort. (Il récite.) "Moi, si on meurt, je veux mourir avec vous. Moi, j'ai les couilles pour mourir avec vous !" Ce jour-là, je jouais.
Le plus gros regret ?
Ne pas avoir disputé une seule minute de la Coupe du monde 1999. Un vrai coiffeur... J'ai participé à tous les entraînements, mais je n'ai fait aucune feuille de match. J'aurais pu jouer la Namibie à Bordeaux (46-13), mais non... Pourtant, j'ai été pris dans la liste dès l'annonce du groupe. Mais il y avait "Bernat" (Bernat-Salles) et "Domi" (Dominici), titulaires aux ailes.
La plus grosse frustration de votre carrière ?
Les deux finales de Championnat perdues en 1999 et 2001 avec Clermont, à chaque fois contre Toulouse. Surtout celle de 1999 (15-11), où je pense qu'on avait la possibilité de ramener le 1er Bouclier de l'histoire du club.
Votre plus bel essai ?
J'en ai inscrit beaucoup, je crois, mais pour l'aspect émotionnel, celui marqué en finale du Bouclier européen contre Bourgoin-Jallieu en 1999 (35-16). (Il mime l'action.) Départ de Stéphane Castaignède côté fermé, il joue le deux contre un, je déboule, je déborde et je marque en coin.
L'anecdote que vous n'avez jamais osé raconter ?
Ça s'est produit lors de la préparation de la Coupe du monde 1999, à Millau, je crois. On avait quartier libre, et j'étais parti passer la journée avec des amis. Mais on devait revenir pour 17 heures, et je suis rentré à 19 heures. Je n'avais pas mémorisé l'heure exacte du retour. J'ai croisé Raphaël Ibañez qui m'a dit : "Va vite voir Skrela(Jean-Claude)." Là, j'ai commencé à cogiter et me dire : "Tu vas devoir faire tes valises pour rentrer chez toi." J'ai eu peur d'être viré, vraiment. Donc, j'ai dû m'excuser auprès du sélectionneur, puis auprès de tous les joueurs pendant le repas.
La décision de carrière que vous regrettez ?
Plus qu'une décision, un comportement, peut-être. Le regret de ne pas avoir été assez pro dans ma tête. Car j'aurais pu avoir une autre carrière sur le plan international, je pense. Mais, j'ai plus joué au rugby pour m'éclater... J'avais des capacités mais je ne les ai sans doute pas exploitées à 100 %. Demandez à Bernat-Salles, il pourra vous dire que j'étais un branleur. Même si, à Biarritz, j'avais mûri, j'avais plus la tête sur les épaules. Mais à Clermont, J'ai profité de ma jeunesse... »