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No scrum, no win !


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#1 el landeno

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Posté 04 janvier 2020 - 14:41

Les grandes phrases du sport (6/6) - Jacques Fouroux : « No scrum, no win » La finale de la Coupe du monde de rugby a donné une nouvelle jeunesse à cet adage séculaire, dont usait souvent Jacques Fouroux et à l'origine incertaine.

Au matin de la finale de la Coupe du monde de rugby, le 2 novembre, les spectateurs les moins anglophiles étaient nombreux à redouter une issue probable au tournoi planétaire : une leçon d'anglais administrée par le quinze de la Rose à l'Afrique du Sud. Mais les Springboks ont eu le bon goût de faire mentir à la fois les prédictions et les certitudes tactiques du rugby moderne, en employant une méthode aussi archaïque qu'efficace pour renverser les Anglais : une domination destructrice en mêlée, selon la vieille devise « No scrum, no win » (en version française, « pas de mêlée, pas de victoire »).

 

La racine du succès sud-africain (32-12) était tellement évidente que le rustique dicton a fleuri spontanément dans la bouche des supporters et des commentateurs. De l'ancien sélectionneur de l'équipe d'Angleterre, Sir Clive Woodward dans un article pour le Daily Mail, à l'ex-talonneur international Vincent Moscato, artisan d'une vidéo railleuse sur la « peine » que lui inspirait la défaite des Anglais. Le consultant de RMC Sport, dont la carrière internationale s'est achevée en 1992 sur une expulsion tapageuse contre l'Angleterre dans le Tournoi des Cinq Nations (13-31), trouvait visiblement beaucoup de sel à ce que la leçon de rugby infligée aux Anglais soit le fruit d'un précepte édicté dans la langue de Shakespeare. Un sens de l'ironie partagé par l'ancien troisième ligne du XV de France, Imanol Harinordoquy, auteur de ce commentaire moqueur sur Twitter : « No scrum no win, c'est de qui ? »

« C'est une vieille phrase anglaise qui se perd dans la nuit du rugby. J'ai toujours entendu ça depuis que j'ai commencé à m'occuper de rugby, au début des années 50 »

Henri Garcia, ancien directeur de la rédaction de « L'Équipe »

 
 
 

La question n'appelait pas de réponse. Pour les Français, l'expression porte aussi sûrement l'estampille britannique que le fameux « Sorry, good game » (« Désolé, bon match ») du capitaine anglais Will Carling, inévitablement servi après chaque victoire face aux tricolores, au début des années 90. L'origine de l'adage est pourtant douteuse. Car au Royaume-Uni, il ne se dit pas. Quand le dicton apparaît par hasard sous la plume d'un journaliste, c'est souvent adossé à cette précision surprenante : « comme disent les Français »... S'agirait-il d'une invention hexagonale ? « On serait bien cons d'avoir inventé une phrase en anglais », tranche Laurent Rodriguez, troisième ligne centre du XV de France dans les années 80. « Je n'avais jamais entendu cette expression. Ça paraît assurément étrange en anglais », juge plus délicatement Philip Dine, professeur à l'université irlandaise de Galway et auteur d'un livre d'histoire sur le rugby en France (French rugby football : a cultural history, éd. Berg).

« C'est une vieille phrase anglaise qui se perd dans la nuit du rugby. J'ai toujours entendu ça depuis que j'ai commencé à m'occuper de rugby, au début des années 50 », raconte Henri Garcia, 91 ans, ancien directeur de la rédaction de L'Équipe. Le jeu qu'on a commencé à pratiquer au collège de Rugby, c'était d'immenses mêlées où tout le monde s'empoignait. C'est la mêlée originelle, l'origine même du jeu. » Le journaliste doute qu'on puisse attribuer une paternité à un proverbe, mais il se souvient en revanche parfaitement du moment où celui-ci est devenu un précepte cardinal du rugby gaulois, à la fin des années 50. « La compréhension de cette réalité date de Lucien Mias, quand il a remis au premier plan le jeu d'avant. Avant, on idéalisait le jeu d'arrière, les Adolphe Jauréguy, les René Crabos. Les sélectionneurs de l'époque n'étaient pas des techniciens. L'avènement du rugby français, ç'a été quand on a compris que No scrum no win. »

David Callanan, créateur d'une marque de vêtements destinée aux avants, décide d'utiliser le dicton pour lancer sa collection en 2012

Capitaine de l'équipe de France en 1958, la première formation à gagner une tournée en Afrique du Sud, Lucien Mias avait pris en main le jeu d'avant de l'équipe de France à la place de Roger Lerou, dit « Roger la Broussaille », négociant en vin et patron du comité de sélection de l'époque. « Il ne comprenait rien, il était vraiment nul », se souvient Mias, 89 ans, surnommé Docteur Pack. Le vainqueur du Tournoi des cinq nations 1959 (le premier remporté par la France sans ex aequo), croit se souvenir avoir entendu la vieille devise « quand il a débuté ». Mais sans certitude : « Je pense que c'est une phrase qui nous vient des Springboks, mais je ne suis pas sûr. »

Traducteur diplômé de l'université de Natal, en Afrique du Sud, et de la Sorbonne, Jonathan Goldberg est formel : « J'ai posé la question à trois personnes, qui, comme moi, ont tous joué au rugby en Afrique du Sud au lycée et ont montré un très fort intérêt pour le rugby, et personne d'entre eux n'a jamais entendu parler de cette expression. » L'interprète évoque en revanche l'existence « d'une société française dont le site est noscrumnowin.com. La société vend des vêtements de rugby... »

Le créateur de la marque, David Callanan, est un Irlandais francophone, qui habite en France depuis de nombreuses années. « Un jour, je pense que c'était en 2011, je regardais tranquillement un match sur France Télé et j'entends le commentateur dire ''comme disent les Anglais, No scrum, no win''. Il y a deux choses qui m'ont étonné. Déjà, je me suis dit : ''on ne le dit pas''. Puis, en cherchant sur Internet, je me suis rendu compte que ça faisait partie du jargon du rugby en France. » Callanan, qui réfléchissait à créer une marque de vêtements destinée aux avants, décide alors d'utiliser le dicton pour lancer sa collection en 2012, avant d'ouvrir deux bars baptisés du même nom à Paris. « L'expression a été reprise partout pendant la Coupe du monde, c'était incroyable. Mon agence de communication m'a dit que ça m'aurait coûté entre 300 000 et 500 000 euros si j'avais dû payer ça en publicité. »

Quelques-uns des avants de l'équipe néo-zélandaise sélectionnés pour la Coupe du monde au Japon avaient d'ailleurs ramené des vêtements siglés « No scrum, no win » de leur dernier match joué en France, le 11 novembre 2017 (18-38). « Le lendemain du match, un joueur néo-zélandais m'a appelé pour me demander de venir à leur hôtel avec 30 ou 40 sweat-shirts. Il en voulait une vingtaine pour les avants des Blacks et une vingtaine pour ceux des Crusaders, raconte Callanan. Toutes les équipes internationales qui jouent en France savent que l'équipe de France a traditionnellement une grosse mêlée. Du temps de Jacques Fouroux, on avait une mêlée énorme et la France a gardé cette réputation. Il m'a raconté ça et il m'a dit que quand il a vu que la marque était basée à Paris, il avait trouvé ça intéressant. La couleur, ils s'en foutaient. Ce qui les intéressait, c'est le message que « No scrum, no win » envoie aux avants, pour travailler ensemble la cohésion, le collectif. Les avants c'est presque une équipe dans une équipe. »

« C'est de Jacques Fouroux. C'était un passionné de mêlée et de jeu d'avant. Quand on faisait des préparations de match, il savait s'appuyer sur de petites images. À force, on connaissait son répertoire. « No scrum no win », on savait qu'on allait y avoir droit »

Daniel Dubroca, ancien talonneur du XV de France

 
 
 

Le mantra made in France a cependant été peu efficace pour les Néo-Zélandais, littéralement écrasés par les Anglais en demi-finales (19-7) lors du Mondial.

Quand on appelle Daniel Dubroca, pour lui demander si le fameux « No scrum, no win » ne trouverait pas finalement sa source dans l'hexagone, la réponse fuse : « C'est de Jacques Fouroux, il n'y a pas de problème. C'était un passionné de mêlée et de jeu d'avant, rappelle l'ancien talonneur des Bleus. Quand on faisait des préparations de match, il savait s'appuyer sur de petites images. À force, on connaissait son répertoire. « No scrum, no win », on savait qu'on allait y avoir droit un moment donné. » Ancien partenaire de Dubroca dans le pack bleu dirigé par Fouroux (international de 1972 à 1977 et entraîneur du Quinze de France de 1981 à 1990), Laurent Rodriguez est plus dubitatif. « Je l'ai eu neuf ans comme entraîneur. C'est vrai que je l'ai souvent entendu dire ça, mais ce n'était pas vraiment un anglophone », rigole l'ex-troisième ligne.

« Quand tu dis aux Anglais « No scrum, no win », ça les fait sourire »

Pierre-Henry Broncan, recruteur pour Bath

 
 
 

Pierre-Henry Broncan, qui partage avec le petit Napoléon une même origine gersoise, « voit bien Jacques Fouroux capable d'inventer cette phrase »« Comme le rugby a été inventé en Angleterre, je l'imagine bien utiliser quelques mots en anglais pour inspirer quelque chose à ses joueurs. Je l'ai eu comme président à Auch et c'est sûr qu'il était obnubilé par ça. Ça venait d'une tournée de l'équipe de France en Argentine (en 1974) et d'après lui, les Français avaient reculé à chaque mêlée. Il avait été très marqué par ça. » Fouroux s'inspirera d'ailleurs un moment de la méthode de poussée argentine, la bajadita, en équipe de France.

Alors que la mêlée tendait à être reléguée au second plan dans l'éventail tactique international, Pierre-Henry Broncan ne s'est pas privé pour rappeler les mérites du fameux proverbe à ses interlocuteurs anglais. « Les Anglais se veulent les précurseurs du rugby moderne. Quand tu leur dis « No scrum, no win », ça les fait sourire, ça fait un peu old school. Mais il faut que ça reste une vérité. La mêlée, c'est ce qui différencie le rugby des autres sports. C'est quelque chose qu'il faut garder. »

Pour le professeur Tony Collins, auteur d'un livre sur l'histoire du rugby dans le monde (The oval world : a global history of rugby, éd. Bloomsbury Sport) la maxime chère au coeur des Français souligne finalement les « similarités entre les rugbys français et anglais » : « Dans son grand livre, Le grand combat du XV de France, Denis Lalanne (décédé au mois de décembre) disait : « Nous savons où le rugby commence et doit toujours recommencer. Il ne commence certainement pas à l'arrière. Il commence à l'avant. » Pour moi c'est assez similaire à la philosophie de l'Angleterre, qui a toujours réussi quand elle avait des avants dominants qui contrôlaient la mêlée. C'était la recette de l'équipe d'Angleterre de Clive Woodward, qui a gagné la Coupe du monde 2003. » Un jour de banquet d'après tournoi, en 1989, Jacques Fouroux avait lancé : « Depuis neuf ans que j'entraîne l'équipe de France, je rends hommage au rugby britannique ! » Au point peut-être de réécrire ses propres préceptes en version originale.

 

 


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#2 Lavande50

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Posté 04 janvier 2020 - 16:14

Article super intéressant. Merci pour le partage ! :flowers:






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