Jacky ne dissimulait pas sa satisfaction. En effet, il avait réussi à lâcher un pet sonore, dans le très haut médium, quelque part vers le mi bémol. Un pet qui claquait haut et fort, sans gêne, et qui par-dessus tout surpassait en puissance le bruit de trompette pour enfant de quatre ans que venait d’émettre Laurent Travers.
Puis, se remémorant le motif de leur entretien, Jacky laissa son sourire de triomphe virer à l’aigre. Il poussa un deuxième pet pour le principe, mais plus proche du do grave et pas loin de souiller son caleçon Smalto, taillé sur mesure pour un Suisse qui portait à droite.
- Laurent ! Dit-il d’un ton chargé de foudre à celui qu’il appelait « Lolo » les soirs de victoire.
- Je sais. Je suis confus.
- Pourquoi « fus » ? T’es con, oui, con comme une valise sans poignée !
- On a perdu.
- Eh oui, on a perdu ! Dans l’cul Lulu ! Le bel argent au Jacky parti en fumée ! J’entends déjà le rire guttural de ce vieux nazi de Wild !
- Il est Suisse comme vous…
- Pas exactement. Je ne paie pas mes impôts à Lausanne et lui ne les paie pas à Fribourg. Enfin…
Un bruit confus se fit entendre, puis quelqu’un tapa timidement à la porte du bureau, blindée car Jacky craignait pour sa vie et ses biens. La tête niaise et rasée du chef de la sécurité apparut dans l’encadrement.
- J’avais dit qu’on ne me dérange pas ! pesta Jacky.
- Le prisonnier s’est échappé ! lança le chef de la sécurité. Euh je veux dire… pardon patron, j’ai l’honneur de vous rendre compte d’un événement affectant la sécurité de notre belle Arena !
- Si c’est pour me dire que RCV06 a encore garé son déambulateur sur la place de parking de ma Bentley, je m’en tape, je prendrai la Rolls.
- Non, c’est pas ça !
- Alors c’est quoi ? Wild a versé du Capri-Sun dans le circuit d’eau potable ?
La chef de la sécurité jugea bon de commencer un compte rendu détaillé :
- J’étais affecté à la surveillance matutinale des bâtiments et installation sportives, commençant ma ronde quotidienne par la visite du vestiaire des équipes féminines, quand tout à coup j’entendis à plusieurs reprises et derechef une clameur insistante provenant de l’extérieur du vestiaire, savoir la pelouse pas du tout synthétique et très naturelle de l’Arena. IL était question de vous envoyer au pôle Nord !
- Au pôle Nord ?
- Oui, quelqu’un criait avec insistance Lorenzetti en Thulé ! Je vérifiais immédiatement sur ma solution de mobilité individuelle communicante, c’est une base US au Groënland. Je me précipitai donc sur la pelouse en telle sorte que de faire cesser toute manifestation hostile. N’écoutant que mon courage et mon expérience des matchs, j’avançais résolument.
- Ton expérience des matchs ? Tu joues au rugby ?
- Non, mais j’ai plaqué un fan qui avait envahi le terrain après une victoire sur le Stade Français !
- Ah c’était donc toi ! fulmina Travers, j’ai encore mal aux côtes !
- Bref, reprit le chef de la sécurité, entrant dans l’Aréna, je me trouvai nez à nez avec un individu de forte corpulence, vêtu d’un maillot de match rose et d’une casquette de même couleur, et qui tournait en cercles de forme ronde dans notre stade unique en Europe, les yeux exorbités et la bave aux lèvres. Il tenait dans sa dextre un objet en bois cylindrique et torsadé que je crus identifier comme un pied de table Louis XIII. Nonobstant mes objurgations, il continua de baver, vociférer et faire des gestes que je qualifierais de « grands » en secouant son outil contondant. Je réussis à calmer l’individu qui me dit répondre au nom de Parigot. Selon lui, l’objet qu’il tenait à la main était d’usage médical et d’un mode d’emploi semblable au clystère. Il voulait vous en faire la démonstration.
Jacky pratiqua un bref massage de ses globes oculaires, tout en se demandant s’il n’avait pas embauché que des débiles profonds et autres crétins des Alpes.
- Et tu l’as laissé faire ?
- Ben c’est-à-dire, je vous l’aurais amené mais il a échappé à ma surveillance pourtant vigilante quand nous sommes passés devant le bouclier 2016. Il a fait semblant de s’évanouir puis il est parti en courant.
- Il a laissé son godemi… son instrument ?
- Nan il est parti avec.
La presse locale rapporte que, à la suite de la défaite de son club en barrage, le président Lorenzetti adopte une démarche étrange, comme s’il serrait très fort les fesses. Son service de presse a fait savoir qu’il n’a rien là que de banal, le président Lorenzetti pratique intensément son drive au golf, d’où une tendinite du sphincter.