C.S VIENNE bat A.S MONTFERRAND : 13 à 7.

Le 2 mai 1937 au stade des Ponts-Jumeaux à Toulouse.
Arbitre : M.Lucien Barbe. Beau temps. Bon terrain. Stade comble : 26000 spectateurs. 280000 francs de recette.
C.S VIENNE : 3 essais ; Deygas, Pallin, Sella ; 2 transformations : Rival.
A.S MONTFERRAND : 1 pénalité  : Thiers, 1 drop : Chassagne.
C.S VIENNE : Pujo ; Barry, Deygas, Pépy, Rival ; (o) Vauthier ; (m) Laurent ; Théau (capitaine), Pallin, Daures ; Renz, Delhom ; Sella, Samuel, Comte.
A.S MONTFERRAND : Savy (capitaine) ; Pagès, Bellot, Courtadon, Plumasson ; (o) Chassagne ; (m) Thiers ; Cognet, Monnet, Rochon ; Julien, Dupouy ; Corporon, Paul, Lombarteix.

Huit poules de cinq avaient qualifié les seize clubs des huitièmes. Narbonne était éliminé par Vienne en quarts qui ajouta le L.O.U à son palmarès à Béziers (12-04) pour retrouver les Montferrandaias qui avaient eu des difficultés à écarter les Perpignanais (3-0 après prolongations).
La composition des deux équipes avaient causé quelques tracas aux responsables. L’A.S.M. s’alignait certes au complet, maiss Bellot «était assurément mal remis d’une blessure à la cheville. Jean Etcheberry, l’ancien international entraîneur des Rhodaniens, déplorait l’élimination de son remarquables 2é ligne Frédéric Didier, blessé lors de la préparation de la finale. Le pilier comte recula d’un cran pour pousser en mêlée aux côtés de Renz, citoyen suisse, tandis que Delhom était incorporé en première ligne.
L’A.S.M. «était largement favorite. Le ébut de la rencontre donna raison aux pronostiqueurs. Thiers renouvela son exploit de la finale précédente : un but de 50 mètres pour la faute à la touche (3-0) et Chassagne, sur la ligne des 22 mètres, réussit un drop : 7-0 à la 7é minute ! Et tranquillement, puissament, méthodiquement, les avants montferrandais faisaient la loi lorsque Bellot sentit sa cheville dérober. Ce fut le tournant du match. Une jolie attaque des Viennois se termina par le recentrage à la main de Barry sur Deygas pour un essai splendide transformé par Ruval. 5-7 à la 25é minute. La partie s’équilibrait et Vanthier, à la 39é minute, perçait et marquait un second essai que Rival se fit un plaisir de transformer. A la mi-temps, 10-7 pour le C.S.Vienne : c’était plutot inattendu !
Le jeu reprit, engagé, rude, mais loyal. Bellot n ‘était plus qu’un figurant et les avants viennois, bien conduits pat Théau, contraignaient désormais leurs homologues à la défensive. Finalement, un troisième assai de Comte servi par Pallin scellait le sort de la partie et de la saison en faveur des joueurs de la vallée du Rhône qui faillirent bien en ajouter un quatrième en fin de rencontre.
Au total, une victoire méritée pour une équipe remarquable de solidarité et riche d’individualités méconnues et parfaitement complémentaires.




Le Miroir des Sports N° 942.

(DE NOTRE ENVOYÉ SPECIAL)
Toulouse, dimanche.
VIENNE est champion de France : l'énergie, le cran ont assuré sa victoire. L'ardeur, le courage de tous les équipiers ont arraché, puis conservé et consolidé un succès qui, au début du match, était apparu pourtant bien problématique à ses partisans. Car voilà bien le trait dominant de la partie : distancés au bout de B minutes de jeu par 7 points à 0, les Viennois ne se laissèrent pas aller au découragement et, à force de volonté, de ténacité, parvinrent à réduire l'écart, puis à prendre l'avantage. Véritable petit drame sportif, dans un cadre impressionnant, dans une ambiance d'une folle excitation, au milieu de spectateurs écrasés par une chaleur orageuse et qui débordaient de partout, sur la piste et le long des lignes de touche.
Le publie, composé de Toulousains, de milliers de sportifs venus de la région, ou mieux encore de partisans arrivés par trains spéciaux de Vienne et de Clermont-Ferrand. s'intéressait bruyamment, passionnément. quelquefois même partialement au déroulement du jeu. Le match n'y gagna pas en démonstration technique, mais il révéla tout ce que pouvait fournir une équipe armée d'un dynamisme considérable et d'un moral farouche.
Comment donc l'Association Sportive Montferrandaise, équipe aguerrie. rompue à toutes les subtilités du jeu, perdit-elle un match qu'elle semblait, dès le début. avoir à sa mesure? D'aucuns diront que l'équipe. réduite à 13 au bout de quelques minutes de jeu, perdit une bonne partie (le son efficacité offensive aussitôt que son trois-quarts centre Bellot ne plat plus tenir sa place. Cela n'est pas stars vérité ; mais tout de même cette défection n'explique pas à elle seule la domination nue finit par subir l'équipe montferrandaise.
Dans une rencontre de cette envergure, dans une atmosphère toute à ]'énervement et à la passion, il ne s'agissait plus de pratiquer cri rugby en finesse et en élégance : il fallait soutenir un véritable combat et c'est là que l'action unanime et collective de Vienne prévalut sur celle trop molle ou trop personnelle des Montferrandais. Car les champions du ('entre temporisaient : leur jeu de passes trop inconsistant le entraînait dans lui rugby trop latéral. dans nue action un peu sur place, 'alors qu'au contraire les Viennois, sans aucun calcul et sans autre réflexion. allaient toujours de l'avant. Leur action directe eut finalement beau jeu à prévaloir (laits tics conditions assez particulières.
Enfin. l'A. S. Montterrandaise commit une erreur
de tactique qui précipita sa perte : pour remplacer le trois-quarts centre Bellot, mis hors (le combat, elle retira du poste de demi de mêlée son meilleur atout Thiers. Du coup. le malheureux. réduit à un rôle passif et secondaire dans une ligne de trois-quarts mal servie, ne fut plus (lue d'un médiocre secours pour sou équipe et il ne fut pas, pour elle, son réalisateur habituel.
Une première mi-temps émouvante
L'équipe viennoise a fait l'admiration des spectateurs quand, distancée par le hasard de deux coups de pied, elle fit front courageusement à l'orage et repartit de plus belle à l'assaut. Au bout de 3 minutes de jeu, en effet, à la suite d'un coup franc accordé très justement par l'arbitre, M. Barde. Thiers réussissait le but qui, par 3 à 0, donnait déjà l'avantage à l'A. S. Montferrandaise. Quatre minutes après. à la suite d'une sortie de mêlée, le demi d'ouverture Chassagne. ait lieu de poursuivre l'attaque à la main comme le prévoyaient les défenseurs viennois, tentait et réussissait du pied gauche un drop goal. Il y eut un moment de stupeur, aussi bien chez les Viennois que chez les spectateurs : 7 peints en 6 minutes, voilà qui constituait, en effet. un début peu banal ! D'aucuns entrevoyaient même une véritable catastrophe pour les Viennois... Mais on connaît la suite ; on connaît cette réaction d'une vigueur stupéfiante et d'une extraordinaire énergie qui devait renverser la situation et faire du C. S. Vienne le nouveau champion de France.
A la vingt-cinquième minute, une sortie de mêlée était favorable à l'équipe de Vienne ; la balle allait du demi Laurent à Vauthiers, puis à Pepv. à Devgas. et à l'ailier Barry qui débordait la défense adverse et filait le long de la touche. Arrivé en face de l'arrière ennemi Savy, il repassait la balle à Deygas et et c'était l'essai, marqué sous les acclamations du public déjà bien disposé pour les Viennois en raison de leur courage, un peu acquis à leur cause en vertu de leur infortune du début et. enfin agréablement impressionné par la qualité et le style du mouvement.
Quelques secondes avant la mi-temps, un autre essai était marqué par l'avant Delhom, à la suite de toute une série de passes : Vienne prenait donc le commandement par 10 à 7. Aussitôt, les petits drapeaux bleu riel et blanc aux couleurs du club viennois sortaient de partout ; ils étaient agités à bout de bras, cependant que les insignes bleu foncé et jaune se faisaient plus discrets...
La seconde mi-temps consacra la supériorité des Viennois qui avaient la balle le plus souvent : leur
action incisive reportait les hostilités dans le camp adverse et le jeu ne pouvait en sortir qu'à la faveur (les réactions individuelles de Thiers. de Savy ou de Cognet. mais ces réactions, ébauchées. si je puis (lire, sons le signe du désespoir. échouaient fatalement sur une défense toujours vive et prompte. Bien mieux, un quart d'heure ayant la tin, à uni remise en jeu à la touche. Cognet se laissait enlever la balle des mains par son adversaire Pallia ; celui-ci filait et passait à Comte qui ajoutait un nouvel essai au score dis vainqueurs. Du coup, le résultat était bien acquis et Vienne l'emportait par 13 à 7.
La vertu de l'effort collectif
aUne première mi-temps à fortes émotions, une ambiance troublante par son agitation, par la passion admirative des spectateurs remplissant à plus de 30.000 un stade déjà trop petit, voilà ce qui, abord, avait frappé l'observateur. Mais ensuite, quand il s'agit d'analyser, d'étudier, de détailler les mérites dis vainqueurs, on est un peu surpris de ne voir venir ait bout de la plume aucun nom de préférence à un autre. Rien, en effet, n'était personnel chez l'équipe viennoise. Tout semblait destiné à la réussite de l'équipe : l'effort était vraiment collectif. La mêlée tint d'abord tête à sa rivale et puis, progressivement mais franchement, elle la domina. Comme on voyait qu'elle avait subi la préparation d'un manager Comme on voyait que son entraîneur. l'ancien international Etcheberry, l'avait façonnée à soir école ! Elle constituait un bloc admirable contre lequel s'usa la science des Montferrandais. Il y eut peutêtre un joueur qui parfois sortit de cet ensemble bleu ciel et blanc : l'avant Theau. dais on se demande si, en ii observant pas la règle viennoise, Theau n'obéissait pas à sa charge de capitaine et au souci (le commander et de diriger son équipe. Avisé, il prêtait main-forte à ses trois-quarts. se plaisant par ailleurs à troubler le jeu des attaquants adverses par dis interventions précipitées.
Chez les arrières, l'action était rapide, sobre, prompte et terriblement efficace. La défense dis lignes brisa à tout coup lis assauts les mieux combinés des Montferrandais. Ni les astuces de Cognet, ni lis subtilités de Chassagne. ni les départs de Thiers ne purent prévaloir sur une équipe dont la caractéristique était. en dehors de l'homogénéité. la vitesse. Un mouvement exécuté par les Montferrandais s'arrêtait-il ? Aussitôt. les trois-quarts viennois Deygas, Pepy passaient à la contre-attaque la riposte était vive et immédiate. A ce jeu, les Montferrandais eurent vite fait de perdre pied.
En quelques circonstances, cependant, on eut la
sensation que l'arrière Puyo manquait de sûreté et que l'équipe était alors vulnérable en cc point. Mais Puvo ne s'en tirait pas moins de toutes les situations les plus périlleuses et réussissait toujours. tant hier] que mal, à dégager le ballon en touche.
Ainsi donc, une équipe sans vedettes. niais un groupement extrêmement homogène, jouant avec le véritable esprit d'équipe, animé du moral des combattants ; uni équipe faite d'éléments tous en excellente condition physique a battu aujourd'hui une équipe de vedettes. En vain, on chercherait après le match à désigner un homme plus méritant que ses camarades ; peine inutile, chez les Viennois, pas de super-champions, niais aussi pas de trous !
Voilà sans doute qui explique. non seulement leur victoire si nette d'aujourd'hui, mais encore la suite de leurs succès. Sans crier gare. les Viennois ont, en effet, battu en huitième de finale l'Aviron Bayonnais, par 14 à 0 : en quart de finale, ils ont défait Narbonne, tenant du titre, par 7 à 3 : en demi-finale, ils l'ont emporté, 12 à 4, sur le Lyon Olympique, et enfin, après ces trois champions de France, c'était aujourd'hui au tour de la glorieuse A. S. Montferrandaise d'être sa victime.
Les Montferrandais pourront regretter, pour leur part, la blessure de leur trois-quarts centre Bellot. Mais, tout de même, il n'y avait pas continuité parfaite dans l'action de chacun des quinze joueurs de l'équipe. ; la fatigue, le manque de conviction tirent le reste, surtout à la fin, lorsque des réactions. au demeurant bien amorcées, étaient poursuivies comme au petit trot par des joueurs qui semblaient résignés à leur perte.
L'an dernier les Montferrandais s'étaient déjà inclinés devant Narbonne en finale, sur ce même terrain de Toulouse. La finale de cette année est pour eux une répétition de celle de l'an dernier. comme si vraiment ils redoutaient d'être incapables de porter le titre de champion de France. Une nouvelle fois les Montferrandais, qui avaient successivement vaincu Thuir. Carcassonne et Perpignan,
échouent au port.

MARCEL. Dr: LABORDERIE.


SPORTIF DE VIENNE. Arrière : Puyo; trois-quarts Barry, Deygas. Pepy, Riyal ; demis Laurent (m), Vauthier (o) ; avants : Theau (capitaine) Pallin, Daures. Delhom, Renz, Comte, Samuel et Sella
ASSOCIATION SPORTIVE MONTFERRANDAISE.
arrière : Savy' (capitaine) ; trois-quarts : Plumasson. Courtadon. Billot, Pages ; demis : Thiers (m), Chassagne (o) ; avants : Cognet, Monnet, Rochon, Dupouy, Julien, Corporon, Paul et Lombarteix.