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Le rugby n'est pas épargné


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#1 el landeno

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Posté 16 avril 2024 - 16:33

AMANDA BROWN, belle fille de l'international irlandais Davy Tweed : "On ne peut pas pardonner à un monstre"  
 
Amanda Brown, une des victimes du pédophile Davy Tweed, deuxième-ligne international irlandais dans les années 1990, a trouvé le courage, à la mort de ce dernier en 2021, de raconter publiquement les agissements de celui qui était son beau-père.
 

Sur le radiateur d'un petit pavillon, à la périphérie de Belfast, la tenue de rugby d'un petit garçon sèche lentement : un maillot et un short, des chaussettes rayées. « C'est à mon fils, il a 6 ans, il est trop petit pour comprendre. » Il y a encore quelques mois, Amanda Brown ne voulait plus entendre parler de ce sport : « Au fond de moi, je tenais le rugby en partie responsable des violences que j'avais subies ; enfant, j'étais presque tous les week-ends au bord des terrains pour voir les gens applaudir et admirer la personne qui me faisait tant de mal. À l'école, c'était pareil : je voyais dans le regard de mes camarades ce respect pour lui et le pire, c'est que je rentrais dans ce jeu car je voulais que personne ne découvre ce qui se passait en réalité. J'avais peur de ce qui arriverait à ma famille, c'était un homme très violent. Il me terrorisait. »

 
 
En 1995, le plus vieil international jamais sélectionné par l'Irlande

 

En 1984, Amanda Brown a 4 ans quand sa mère se remarie avec Davy Tweed, deuxième-ligne de l'équipe de Ballymena et de la province de l'Ulster, en Irlande du Nord. Sur les terrains, il a une réputation de joueur très physique, à la limite de l'agressivité - « mais cette agressivité était présentée comme une qualité », souligne Brown, 43 ans aujourd'hui. En 1995, à 35 ans, Tweed devient le plus vieil international jamais sélectionné pour l'Irlande pour disputer un match du Tournoi des Cinq Nations, contre la France à Dublin, puis quelques mois plus tard la Coupe du monde, en Afrique du Sud.

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Davy Tweed en mars 1995, à l'issue du match face à la France. (©INPHO/Billy Stickland/Pressesports/©inpho/billy stickland)
 
 

En dehors du rugby, il travaille dans les chemins de fer à Ballymoney, où il réside avec sa famille, et arbore un sigle UVF (Ulster Volonteer Force) sur la cuisse en guise de tatouage. Engagé en politique, il milite pour le DUP (Democratic Unionist Party), parti loyaliste créé en 1971 au moment des Troubles en Irlande du Nord ; défend le rattachement de l'Irlande au Royaume-Uni ; s'oppose aux indépendantistes du Sinn Féin et de l'IRA et sera élu conseiller régional en 1997.

Dans l'intimité familiale, il a régulièrement des accès de violence envers son épouse qu'il maltraite physiquement et psychologiquement et, horreur absolue, il abuse sexuellement de ses enfants sans que personne ne s'aperçoive de rien. Amanda est violée régulièrement entre 7 et 15 ans ; des années plus tard, elle découvrira que deux de ses soeurs, Victoria et Catherine, les filles biologiques de Tweed, ont subi les mêmes agressions. Pendant des années, les trois jeunes femmes garderont le silence, jusqu'à ce que d'autres victimes de Tweed, des camarades de classe d'Amanda, portent plainte, en 2009.

Acquitté, condamné puis libéré

 

Mais prendre la parole pour dénoncer de telles violences est un processus long et infiniment douloureux. Amanda, qui a alors 29 ans, met encore de longs mois à oser dire l'innommable, d'abord à son frère, puis à sa mère et enfin à la police, comme simple témoin. Tweed n'a plus le droit de les approcher, elle, ses soeurs et sa mère. « Mais il faudra attendre son acquittement (fin 2009) pour que Victoria, Catherine et moi, révoltées par le verdict, portions plainte à notre tour, raconte cette dernière. Le procès a eu lieu en 2012, à huis clos car nous avions demandé l'anonymat. Tweed a été condamné à huit ans de prison mais a été libéré au bout de quatre car, sans que personne ne nous ait prévenues, ses avocats avaient fait appel et ont obtenu l'annulation du procès pour un vice de procédure. »

Effondrées, les trois jeunes femmes n'ont « pas la force de revivre l'enfer des auditions, en présence de Tweed, dit Amanda, de replonger dans les cauchemars de l'enfance, bien réels, quand on se réveillait avec la sensation d'étouffer, le corps enseveli sous un poids trop lourd... » Elles renoncent à de nouveau saisir la justice.

 

« Comme son procès a été annulé, c'était facile de laisser penser, pour lui et son entourage, qu'il avait été blanchi »

Amanda Brown

 
 
 

Le temps passe. Dans la petite ville de Ballymoney, en 2016, Tweed a plus ou moins retrouvé ses petites habitudes à sa sortie de prison et, même s'il n'est plus élu au County de Ballymena, il retrouve sa carte de membre du TUV (Traditionalist Union Voice), rejoint en 2010 après que le DUP, son parti précédent, a accepté de partager le pouvoir avec le Sinn Féin. À l'époque, les dirigeants du TUV expliquent que, s'ils l'ont suspendu en 2012, « ce n'est pas parce qu'ils doutaient de son innocence mais parce que c'était conforme à leur règlement interne ».

Brown : « Quand les victimes sont anonymes, comme nous l'étions, les gens ne mettent pas un nom sur un visage et c'est comme si ces personnes n'existaient pas. Cela facilite la vie du côté de l'accusé ; finalement, il n'y a rien de vraiment concret. De plus, comme son procès a été annulé, c'était facile de laisser penser, pour lui et son entourage, qu'il avait été blanchi. Ce n'est absolument pas le cas. »

Pendant les années qui suivent, Brown tente difficilement de se reconstruire : ses aventures amoureuses se soldent par des échecs alors, en 2018, elle décide de quitter Ballymoney avec son fils pour s'installer à Belfast. Margaret, sa mère, Catherine et Victoria font le même trajet. Le chemin vers la guérison est douloureux : « Le discours fréquent, chez les personnes qui s'occupent des victimes, est de dire qu'il faut arriver à pardonner à son agresseur, analyse-t-elle aujourd'hui. Pendant deux ans, j'ai essayé. J'ai suivi des cours, écouté différentes personnes, tenté plusieurs formes de pardon, par la prière et un tas d'autres trucs pour montrer que j'essayais vraiment. Cela m'a encore plus détruite car j'avais le sentiment d'être une mauvaise personne puisque je n'arrivais pas à pardonner. Il faut arrêter avec ça. On ne peut pas pardonner à un monstre. »

Dans sa cuisine, elle s'arrête un moment de parler pour se hisser sur un plan de travail et attraper des mugs dans un placard trop haut pour elle et son mètre 55. Elle rigole et poursuit : « La seule personne à qui j'ai pu pardonner, c'est à la petite fille que j'étais. J'ai pu lui pardonner de ne pas avoir parlé à l'époque, de ne pas avoir couru vers sa mère comme elle le voulait pour lui raconter ce qu'elle subissait... » Aujourd'hui, Mo, son surnom, a entamé une reconversion et dirige seule sa petite entreprise de massages thérapeutiques où, peu à peu, les soins qu'elle prodigue la réconcilient avec elle-même et avec son corps.

« Quand il est mort, certaines personnes parlaient de lui comme si ses actes n'avaient pas existé »

Amanda Brown

 
 
 

Elle a également rédigé son histoire, d'abord dans un but d'auto-guérison, avant de la proposer à un éditeur. No Peace Until He's Dead (Pas de paix jusqu'à sa mort) est paru en février et démarre sur le coup de téléphone de son frère Aaron (*) qui lui annonce la mort de Davy Tweed dans un accident de moto, le 28 octobre 2021, à l'âge de 61 ans. Elle y raconte son soulagement et aussi, juste après, sa colère en voyant défiler les articles sur les sites internet : « L'ancien joueur de rugby international Davy Tweed meurt dans un accident de moto »« Ils ne faisaient pas ou peu mention de sa condamnation. »

(*) Tous les prénoms de cette histoire vraie ont été changés, à l'exception de ceux d'Amanda, de sa mère Margaret et de ses soeurs Victoria et Catherine, afin de les protéger dans leur vie quotidienne.

Pire, dans un communiqué, le président du TUV, Jim Allister, déclare : « Je suis profondément attristé d'apprendre le décès de Davy Tweed, ancienne star du rugby irlandais et conseiller de Ballymena. Davy, un personnage hors du commun, était largement connu dans le nord d'Antrim et au-delà. C'est dévastateur pour sa famille et son grand cercle d'amis. Je souhaite exprimer ma plus profonde sympathie à sa famille en deuil dans ces moments très difficiles. »

Amanda ouvre alors sa page Facebook et, pour la première fois à visage découvert, elle désigne son ex-beau-père et poste ce message au-dessus d'un des articles : « Un pédophile reconnu coupable meurt dans un accident. » Elle est prête. « Quand il est mort, raconte-t-elle aujourd'hui, certaines personnes parlaient de lui comme si ses actes n'avaient pas existé. En tant que victime, c'est insupportable. Et puis, en Irlande du Nord, les gens aiment beaucoup commémorer les personnalités. À Ballymoney, on a les deux frères Dunlop, Joey et Robert, pilotes de moto. Ils ont un jardin mémorial, une statue, une rue à leur nom. Je ne pouvais pas accepter l'idée qu'un jour, il y aurait quelque chose de similaire pour Davy Tweed. J'ai toujours de la famille là-bas, des gens dont il a détruit la vie et je ne veux pas qu'ils voient tous les jours un monument à la gloire de ce monstre dans leur ville. C'est pour cela que j'ai décidé de parler sans plus me cacher derrière l'anonymat. Je ne voulais pas qu'on lui rende hommage. »

« On savait tous, autour des terrains, que c'était un mauvais type. On ne savait juste pas à quel point il était mauvais »

Neil Francis, ancien deuxième ligne international

 
 
 

Plusieurs articles sont publiés pour raconter sa version de l'histoire et, contrairement à ses habitudes en cas de décès d'un de ses joueurs, la Fédération irlandaise (IRFU) n'organise aucune minute de silence lors de ses matches du mois de novembre. « J'imagine que c'est grâce à ma prise de parole même si aucune personne du monde du rugby, que ce soit de l'équipe de Ballymena, d'Ulster ou d'Irlande n'a jamais cherché à me contacter, ni ma famille. » Interrogé à ce sujet, le service communication de l'IRFU s'est retranché derrière le verdict en appel du procès.

« Dans des milieux comme le sport et la politique, les agresseurs sont automatiquement protégés par leur aura, leur statut »

Amanda Brown

 
 
 

Aujourd'hui, quand elle se revoit au bord des terrains, à applaudir ; quand elle réalise, avec son regard d'adulte, comment sa mère était « empêchée d'entretenir de vraies relations avec les autres femmes de joueurs, elle les rencontrait aux matches, jamais en dehors », Amanda Brown comprend encore mieux pourquoi il était si difficile de dénoncer Tweed. « Dans des milieux comme le sport et la politique, les agresseurs sont automatiquement protégés par leur aura, leur statut ; ils sont reconnus dans leur communauté, les gens qui les entourent ont une haute idée d'eux et cela pousse les victimes à se taire. »

Bien sûr, aujourd'hui, elle voudrait que plus d'entre elles prennent la parole mais elle est bien placée pour savoir combien c'est difficile. « Parfois, des victimes qui ont lu mon livre me contactent pour me remercier. Je leur dis : Vous aussi, racontez votre histoire et, si vous n'y arrivez pas, racontez la mienne ! » Une histoire terrible mais, quand on voit le sourire d'Amanda Brown à 43 ans, son regard malicieux, il se dégage malgré tout une force, une sérénité et beaucoup d'espoir. Elle montre le petit maillot rouge sur le radiateur : « Cela m'a pris du temps pour ne pas associer le rugby avec Davy Tweed. Quand j'ai réussi à faire ça, j'ai pu accepter de retourner voir un match. » Celui de son neveu de 18 ans, le fils de son frère, espoir dans l'équipe de Ballymena.

Des anciens coéquipiers très discrets
Après le témoignage d'Amanda Brown, les anciens coéquipiers de Tweed ne se sont pas beaucoup exprimés sur le sujet. Mis à part Neil Francis, ex-deuxième-ligne aux 36 sélections qui a raconté dans une de ses chroniques pour l'Irish Times avoir partagé sa chambre avec Davy Tweed lors d'un match en Italie, en 1995, et que ce dernier avait saccagé le bar de l'hôtel pour pouvoir se servir alors qu'il était fermé : « La Fédération avait payé, tout le monde savait qui avait fait ça mais personne n'avait rien dit. J'ai été horrifié d'apprendre ses violences sexuelles et physiques. On savait tous, autour des terrains, que c'était un mauvais type. On ne savait juste pas à quel point il était mauvais. »

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#2 l'exil

l'exil

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Posté 16 avril 2024 - 16:48

Je me souviens de ce joueur...



#3 Buckaroo

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Posté 16 avril 2024 - 16:53

C'était une merde. Tout le monde le savait à l'époque. Ses convictions politiques auraient dû suffire à ce qu'il ne fût pas sélectionné, ne serait-ce que pour le bien de l'équipe.

Courage à ses nombreuses victimes.


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