L'équipe du jour :
LA NOVÈS VAGUE
MAXIME RAULIN
À CHAQUE NOUVEAU SÉLECTIONNEUR, SON LOT DE JEUNES APPELÉS. GUY NOVÈS N'A PAS DÉROGÉ À CETTE RÈGLE EN CONVOQUANT SEPT JOUEURS DE VINGT-TROISANS OU MOINS. MAIS S'IMPOSERONT-ILS ?
En 2006, l'équipe de France des moins de 21 ans était sacrée championne du monde face à l'Afrique du Sud en finale (24-13). On pensait tenir une belle bande de champions, capables de décrocher le premier trophée Webb-Ellis de l'histoire des Bleus. Dix ans plus tard, que dalle ! Quant aux rescapés de cet épisode glorieux, ils ne sont pas si nombreux à avoir passé le cut : sept des trente-deux Bleuets de l'époque ont participé à une Coupe du monde et seulement deux ont doublé 2011 et 2015 (Guirado et Ouedraogo). Beaucoup se sont brûlé les ailes (Jacquet, Beauxis, Mignardi...). Pour démarrer son mandat de sélectionneur, Guy Novès a convoqué une nouvelle génération à Marcoussis. Un vent de fraîcheur pour donner de la vigueur à un quinze de France plus que moribond ces dernières années. « Ils ont une vraie carte à jouer », lance le DTN, Didier Retière.
Qui symbolise cette génération ?
L'équipe de France vient de prendre un sacré coup de jeune. La moyenne d'âge des 34 joueurs convoqués pour les deux « lundis découverte » à Marcoussis est de vingt-cinq ans et sept mois alors qu'elle flirtait avec les vingtneuf ans lors du dernier Mondial. Damien Chouly (30ans) et Benjamin Kayzer (31 ans) sont les uniques trentenaires. À l'opposé, Camille Chat (20 ans) symbolise cette nouvelle génération. Il n'est pas seul : Yacouba Camara (21 ans), Gaël Fickou (21 ans), Paul Jedrasiak (22 ans), Jefferson Poirot (23 ans), Jonathan Danty (23 ans) et Virimi Vakatawa (23 ans) sont aussi venus écouter le projet de jeu de Novès et ses assistants. D'autres joueurs de la génération 1992-1994 brillent sur les pelouses du Top 14 et attendent leur tour (Serin, Macalou...). Ces « gamins», à l'exception de Vakatawa, ont tous été biberonnés au lait des filières de la formation française. Passés par un centre de formation de club, tous, sauf Danty, ont intégré le pôle France à Marcoussis et ont porté le maillot frappé du coq chez les jeunes. Des Bleus estampillés FFR.
Une éclosion programmée ?
S'attendait-on à voir cette génération exploser si rapidement et se parer de bleu dès aujourd'hui ? « On savait qu'ils avaient du potentiel, mais on ne sait jamais quand ils vont émerger », explique Didier Retière. « Mais la Coupe du monde a permis à certains de jouer, poursuit le DTN. Il y a aussi les clubs qui ont la volonté d'avoir des joueurs issus de leur centre de formation. C'est une mode.» Marc Lièvremont, sélectionneur du quinze de France de 2008 à 2011, est plus nuancé : « À part Chat, qui a explosé en quelques mois, les autres ne sont pas des surprises. Ils sont souvent titulaires dans leur club et ils ont déjà un rayonnement manifeste en Top 14.» Le changement de sélectionneur a forcément modifié la donne et accéléré les choses. « L'arrêt de grands joueurs ouvre aussi des portes, estime Didier Retière. C'est difficile de titiller la place d'un Dusautoir. Guirado, lui, a mis du temps à devenir titulaire. » Ces néo-Bleus ont aussi confiance en eux et sont très proches les uns des autres. Un lien qui les booste au quotidien. « Une spirale de la réussite », selon Retière.
Comment ont-ils été formés ?
« Ils ont été nourris au magret du professionnalisme, sourit Marc Lièvremont. C'est la première génération qui n'aura connu que le professionnalisme. Dès gamin, les premières images à la télévision, c'était du rugby pro. Ils sont nés avec. » Didier Retière confirme : « Les pôles Espoirs, le pôle France, les centres de formation se sont professionnalisés. On touche les dividendes des investissements des clubs et de la Fédération. C'est un travail d'équipe. » « L'assimilation et l'intégration sont moins complexes car ces joueurs connaissent déjà Marcoussis comme leur poche », juge aussi Marc Lièvremont. Cette nouvelle génération a également été suivie de manière plus individualisée en fonction de la personnalité et de l'originalité de chaque joueur. On leur a enfin appris comment fonctionner en équipe, à travailler sur leur leadership, ce qui leur permet d'éclore plus rapidement.
Que vaut vraiment cette génération ?
Depuis 2002, chaque année, une trentaine de joueurs intègrent le pôle France de Marcoussis qui regroupe, a priori, la crème du rugby français. Depuis 2008, les équipes de France de moins de 20 ans n'ont jamais fait de podium lors des Coupes du monde de la catégorie (deux quatrièmes places en 2011 et 2015).Et peu sont devenus des internationaux à plus de 20 sélections. Les Danty, Camara et compagnie sont-ils, eux, taillés pour régner sous le maillot tricolore ? « Si Guy (Novès) les a pris, c'est qu'ils ont le potentiel», sourit le DTN, Didier Retière. « Ils ont le profil, assure Marc Lièvremont. Ils sont tous sur une dynamique puissance, explosivité, mobilité et combat propres au critère du rugby international. Mais l'équipe de France, c'est la marche audessus.» Retière n'est pas inquiet : « Ils sont solides et déterminés. Ils sont passés par des moments difficiles. Ils savent que c'est dur et qu'on ne leur fera pas de cadeau. Ils sont préparés à ça. »
Ces jeunes ont aussi la chance d'être plutôt bien encadrés. Chat pourra compter sur l'expérience de Guirado et Kayser quand Camara s'appuiera sur Chouly et Picamoles. Guy Novès a confectionné un groupe équilibré. Marc Lièvremont émet quand même un bémol : « Ce sont de beaux athlètes, mais j'ai l'impression qu'ils manquent de caractère, de personnalité. Ils semblent un peu formatés. Ça manque un peu d'initiative, de spontanéité, d'ouverture. »
"Si tu as des jeunes mieux formés, avec un bagage technique suffisant, ils seront mieux armés pour défendre leur bifteck et vous verrez que les présidents de club n'iront plus chercher des joueurs étrangers" GUY NOVÈS sélectionneur de l'équipe de France.
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«Se tromper, c'est presque un devoir»
OLIVIER MAGNE (42 ANS, 89 SÉL.), QUI ENTRAÎNE LES MOINS DE 20 ANS, CROIT AU POTENTIEL DE LA NOUVELLE GÉNÉRATION QU'IL ENCOURAGE À PRENDRE DES RISQUES DANS LE JEU.
«Vous attendiez-vous àvoir autant denouvelles têtes si jeunes dans le premier groupe de Guy Novès ?
Ce n'est pas une surprise. Ces joueurs sont parfaitement préparés au rugby professionnel. Et, surtout, ils savent ce qu'ils veulent depuis longtemps. C'est ce qui leur permet d'acquérir rapidement la maturité pour jouer très jeunes au plus haut niveau.
Cette génération a-t-elle été formée différemment des précédentes ?
La plupart d'entre eux sont depuis l'âge de dix-sept ans dans la formation française. Ils ont aussi beaucoup joué au niveau international avec les équipes de France de jeunes. Camille Chat, par exemple, a déjà deux Coupes du monde des moins de 20 ans à son actif, mais aussi deux Tournois ou des Championnats d'Europe. Il a presque déjà 30 sélections. Quand il arrive avec les Bleus, il n'est pas dépaysé. Il va exister à ce niveau. Et dans leur club, ils ont aussi la chance d'avoir été entraînés par une génération d'entraîneurs qui connaissent parfaitement les exigences du haut niveau.
Et vous, avec les moins de 20 ans, avez-vous accentué votre discours sur un secteur en particulier ?
Oui, sur la compréhension du jeu. Je reprends l'exemple de Camille Chat : j'ai remarqué qu'il se place beaucoup mieux dans le mouvement collectif, sur la circulation offensive. Je sensibilise les joueurs sur la prise d'initiative, la vitesse, la qualité technique, la passe. Et cette prise de conscience a été relayée dans les clubs.
Cette nouvelle génération est-elle plus travailleuse ?
Oui, complètement. Aujourd'hui, les joueurs connaissent très bien la préparation physique, les conditions nécessaires pour être performants toute l'année. Ma génération bossait, mais on se reposait sur notre talent, nos acquis.
Sur le plan du jeu, où en sommes nous ?
On était partis sur le tout physique et la dimension jeu avait été mise en arrière - plan. Aujourd'hui, on s'aperçoit que chez les Néo-Zélandais, les SudAfricains, les Argentins ou les Anglais, la vitesse, l'évitement, la qualité technique sont redevenus une priorité. Nous avons donc axé notre travail, ces trois dernières années, sur la compréhension du jeu. Notre objectif était que les joueurs soient les plus efficaces possible pour trouver des espaces libres et ne plus constamment entrer dans le défi physique. Beaucoup de joueurs l'ont compris comme Yacouba Camara ou Sekou Macalou. Je vois aussi Sébastien Bézy et Yann Lesgourgues qui misent sur la vitesse et l'évitement. Ça me plaît.
Au niveau international, où se situe cette génération par rapport à la concurrence étrangère ?
Individuellement, on n'a rien à envier aux autres nations. Idem sur le plan physique et athlétique. Qu'est-ce qui nous manque ? C'est de permettre aux joueurs de mieux se repérer collectivement et de mieux jouer ensemble. C'est la seule différence. Les Blacks maîtrisent parfaitement leur jeu de mouvement et leur circulation offensive, ce qui leur permet de trouver des intervalles de manière naturelle. Notre formation, nos clubs doivent travailler làdessus. Sur les trois dernières années, avec les moins de 20 ans, nous avons 92 % de conquête positive (touches et mêlées). Sur le plan défensif, nous sommes au même niveau que les autres. La seule problématique, c'est la circulation offensive. Les joueurs ne jouent pas assez judicieusement. Mais je suis optimiste...
Certains joueurs ne risquent-ils pas de se brûler les ailes en étant lancés si jeunes au niveau international ?
Ils ont les pieds sur terre. Ils ont une grande lucidité et une maturité dans l'apprentissage du haut niveau. Mais il faut aussi leur donner du temps. Ils ont le droit de se tromper, c'est presque un devoir. Il ne faut pas qu'ils aient peur de mal faire. Ils doivent s'approprier le projet de jeu. Parfois, j'ai l'impression qu'ils se déresponsabilisent. C'est peut-être un problème sociétal. Avant, quand on n'était pas d'accord, on le disait. Il faut mettre la forme et les arguments, mais ça fait avancer. Moi, je les encourage à discuter.» M. R.
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De qui s'inspireront-ils ?
GÉNÉRATION PELOUS
Le 17 octobre 1995, Jean-Claude Skrela profite d'un match face à la Roumanie pour offrir des débuts internationaux à Thomas Castaignède (20 ans), Fabien Pelous (22 ans) et Richard Dourthe (21 ans). Bientôt rejoints par Olivier Magne et Raphaël Ibañez, nés la même année que Pelous (1973), cette génération va durablement marquer l'histoire des Bleus, enlevant quatre Grands Chelems (1997, 1998, 2002 et 2004).
GÉNÉRATION MICHALAK
Le 10 novembre 2001, cinq mois après avoir fait débuter Jeanjean et David Skrela, Bernard Laporte ose lancer six joueurs dans le grand bain, face à l'Afrique du Sud : Michalak, Rougerie, Traille, Poitrenaud, Gelez et Privat, tous âgés entre dix-neuf et vingt-deux ans (Poux débutera la semaine suivante). Le bail en bleu durera plus de dix ans pour les trois premiers. De la même génération arriveront bientôt Harinordoquy, Mas et Yachvili.
GÉNÉRATION MÉDARD
Les champions du monde des moins de 21 ans en 2006 étaient très attendus. Ils sont onze à avoir porté le maillot de la grande équipe de France (par ordre d'apparition : Jacquet, Beauxis, Mignardi, Chouly, Ouedraogo, Guirado, Tomas, Tillous-Borde, Mermoz, Médard et Domingo), y arrivant en ordre dispersé, entre 2006 et 2009. Si quatre de ces joueurs étaient du groupe France finaliste du Mondial 2011 (ainsi que Trinh-Duc et Picamoles, également nés en 1986), cette génération n'a pour l'instant pas répondu aux espoirs.
GÉNÉRATION MAESTRI
Le 4 février 2012, pour sa première de sélectionneur, Philippe Saint-André lance Fofana et Maestri contre l'Italie (30-12). Ils font partie de la classe 1988, considérée comme l'une des plus prometteuses, à laquelle appartiennent également trois joueurs lancés avant eux : Parra, Bastareaud et David. À part David, tous se sont imposés en bleu. En fin de mandat, PSA misera sur les classes 1989 et 1990, avec Ben Arous, Slimani, Flanquart, Dumoulin ou Guitoune.