Confirmation dans cet article que Laporte ne connait qu un club !
Laporte : « Ça ne peut plus durer »
Il y a deux sujets qui fâchent Bernard Laporte : la perte sèche de licenciés en un an (16.550, dont 10.395 dans les écoles de rugby), un véritable déclin, et l’image de plus en plus dégradée du XV de France qui pourrait engendrer une baisse des ressources financières de sa fédération. Tour d’horizon des problèmes du rugby français avec son président, après une tournée désastreuse des Bleus en Afrique du Sud.
Vous êtes à la tête d’une fédération dont l’équipe de France est aujourd’hui 8e nation mondiale, cela ne vous agace-t-il pas ?
« Bien sûr, mais ça agace tout le monde. Je suis un technicien dans l’âme, donc ça m’agace encore plus. L’avenant signé récemment avec la Ligue et les clubs pros est le début des réformes à mettre en place. Cela va dans le bon sens. Le plus important est naturellement la mise à disposition des internationaux pour la récupération et la préparation. »
Ce qui était en place jusque-là ne vous allait donc pas ?
« Aujourd’hui, un joueur est 11 mois sur 12 sur le pont à passer de la préparation à la compétition et à la récupération avec seulement quatre semaines de repos. Ce n’est plus possible (ndlr : il le répète deux fois). Et il faut aller plus loin encore que l’avenant et les dix semaines. »
Aller plus loin ? Même en allant plus loin, cela suffira-t-il ?
« Regardez les Lions Britanniques qui pour la plupart sont dans des systèmes favorables en termes de développement et de préparation. Et bien on sent qu’il y a encore un écart avec la Nouvelle-Zélande, malgré le résultat du dernier test. Quand je vois ça, je suis excité de relever le défi de réduire cet écart et on va créer les conditions pour rivaliser à nouveau avec les Blacks. Et le plus important, c’est la formation. Cela fait 20 ans que je le dis. »
« La formation n'existe pas »
La formation est donc mauvaise en France ?
« Ce n’est pas qu’elle n’est pas bonne, elle n’existe pas ! Et il faut arrêter de me parler des jeunes de 18 ans à Marcoussis, c’est déjà trop tard. Là où l’on doit être bon, c’est sur la formation entre 8 et 15 ans. Il faut aller dans les écoles, dans les quartiers difficiles, vendre notre sport à la base. »
Les mauvais résultats du XV de France ont-ils des incidences sur la baisse des licenciés ?
« Mais c’est évident. Lors de mon passage à Bourges, j’ai été dans une école primaire. Certes, ce n’est pas une terre de rugby mais quand j’ai demandé à des enfants quels joueurs du XV de France ils connaissaient… Je n’ai eu aucune réponse. Mais je n’en veux pas à nos joueurs. Quand tu perds tout le temps, c’est difficile de se mettre en avant. Je le redis, on va travailler, et tous ensemble, pour retrouver des résultats et de la communication. »
Restez-vous optimiste pour la Coupe du monde 2019 ?
« Ce n’est pas mort. Une Coupe du monde, c’est trois matchs à gagner, puis le quart, la demie et la finale. Tout peut arriver. Après, si on ne sort pas de la poule… on parle de rien. La certitude, c’est que l’on ne sera pas favori mais j’espère qu’en deux ans, on rattrapera le retard. Et puis, ces dernières semaines montrent que des jeunes émergent, les Camara, Penaud… et d’autres vont émerger. »
De quels leviers disposez-vous pour qu’un maximum de jeunes jouent régulièrement en Top 14 ?
« Ce sera un de nos engagements, je veux d’ici la fin de la mandature (2020) qu’il n’y ait pas plus de 5 à 7 joueurs non sélectionnables sur la feuille de match. Ce sera écrit sur la nouvelle convention dans un an. Mais le plus important est, comment de 16 à 20 ans on amène nos jeunes au haut niveau ? Lors de mon passage en Afrique du Sud, j’ai discuté avec des dirigeants ; à cet âge-là, on perd trop de joueurs alors qu’eux, ils ont le lycée où il existe 3 à 4 équipes par établissement et les compétitions qui vont avec. Chez eux, le haut niveau passe par le lycée, pas chez nous. Il faut que ça change. Il va falloir se battre pour pénétrer ce milieu scolaire et universitaire. »
Certains clubs jouent le jeu de la formation…
« (il coupe). Tous. Il n’y a pas un club qui ne joue pas la carte de la formation. Quand j’entends le président de Toulon dire qu’il voudrait une équipe entièrement de joueurs français, ça me fait plaisir. Après, je n’ai rien contre les étrangers. Les meilleurs, ils t’apportent toujours quelque chose. Mais on a dépassé un certain équilibre. »
Qui dit formation, dit pôle Espoir. Peut-on parler d’une véritable collaboration ?
« Les clubs vont reprendre la main. J’ai été sélectionneur huit ans et je ne parlais pas au DTN ou très peu. Ce n’est pas normal. Là, j’ai dit à Didier Retière (DTN actuel) qu’on allait replacer la direction technique nationale au centre des débats. Je veux accoler un pôle Espoir au club pro voisin. On va arrêter d’avoir deux entités. Exemple ; un pôle Espoir à Hyères à 22 kilomètres de Toulon, d’un club où les conditions de formation sont meilleures. Il faut arrêter et créer une vraie proximité. Cela fait partie de nos engagements. »
« Je vais me battre »
Et le pôle France à Marcoussis ? Pourquoi rester en permanence à Marcoussis ?
« Un jeune va plus progresser au contact du monde professionnel qu’en restant avec des joueurs de son niveau. Si je veux progresser en tennis, il vaut mieux que je m’entraîne avec Yannick Noah qu’avec mon père, non ? La formation, c’est te confronter à meilleur que toi. »
Mais il faudrait aussi une compétition adaptée pour ces jeunes ?
« En effet, ça fait partie de notre réflexion. Qu’est-ce que l’on offre sachant que le championnat Espoirs n’est pas assez relevé comme compétition ? »
Le chantier est donc immense…
« Je vais me battre. Récemment, j’ai vu deux partenaires importants pour la Fédération. On m’a dit, '' Bernard, on ne peut pas vous accompagner, vous ne faites que perdre''. Je ne peux plus vendre le quinze de France… et ça ne peut plus durer. »