Top 14 : régime spécial pour les Bleus
Pendant dix semaines, 45 internationaux français protégés par une convention signée entre la Fédération et la Ligue ont bénéficié dune intersaison aménagée. Au sein de leur club mais pas avec. Avantages et inconvénients.
Les Clermontois se rentrent dedans à lentraînement. A lécart, une poignée de joueurs les observe. Damien Chouly, Rémi Lamerat, Camille Lopez ou encore Damian Penaud, nont pas le droit au contact. Une situation étrange. Pour la première fois, 45 internationaux bénéficient dun régime spécial : dix semaines dintersaison consacrées au repos à la préparation physique. Avec interdiction de se mêler aux entraînements de leur équipe ni, pour ceux qui étaient de la tournée en Afrique du Sud, de participer aux matchs amicaux.
« On se retrouve en marge du groupe, confie Louis Picamoles à Sport24. Cest particulier. Ce nest pas révolutionnaire côté travail mais par son fonctionnement oui. On suit un programme mis en place par lencadrement de léquipe de France. On dépend donc pendant cette préparation de léquipe de France mais on est en club. Cest une position un peu délicate. Surtout quand, comme moi, on change de club, on arrive avec cette envie de sintégrer, dêtre avec les mecs, de bosser avec eux. Parce que le début de saison se fera avec le club, pas léquipe de France. Il fallait gérer, sadapter. »
Cette préparation physique individualisée na pas toujours été bien vécue. De nombreux entraîneurs de club, en off, ont râlé contre cette nouveauté qui les empêche de façonner la cohésion déquipe, daffiner les combinaisons avec leurs meilleurs éléments. Quelques joueurs concernés ont, eux, fait part de leur lassitude. De leur impatience de rejoindre le groupe. Doù quelques entorses - cachées du mieux possible - à ce nouveau règlement. « On a quand même fait quelques skills avec léquipe tout en respectant le programme du XV de France », confirme le numéro 8 de Montpellier. Et on ne parle du malheureux Briviste Julien le Devedec, condamné tout lété à travailler seul dans son coin.
« Cest une préparation physique complètement différente de ce que lon a dhabitude de suivre, nous confie Baptiste Serin.En général en club, vous avez une préparation qui dure trois à quatre semaines avant denchaîner sur la saison. Quand on fait partie de la liste Elite, cest quatre semaines de repos puis six semaines à bosser le physique ou lexplosivité en fonction des besoins. » Une fois par semaine, un des trois préparateurs physiques du XV de France passait voir les joueurs dans leur club pour sassurer du bon suivi des programmes pointus. « Ça sest fait en bonne intelligence entre lencadrement de Montpellier et les préparateurs physiques du XV de France », précise Picamoles. « On a essayé de faire au mieux. Cest la première année où cest mis en place, donc il y a forcément eu au début un temps dadaptation, avoue le demi de mêlée de lUBB. Mais le fait que nous soyons cinq à le suivre à Bordeaux a facilité les choses. »
Six semaines de boulot pour quel résultat ? Des Bleus en pleine forme en novembre, à lheure de défier les All Blacks et les Springboks, au risque de vivre un début de saison compliquée avec leurs clubs ? « La seule chose dont jai peur, cest quavec cette préparation plus longue que dhabitude, on finisse par fatiguer, redoute Baptiste Serin. Les préparateurs physiques nous ont certifié que ça nallait pas être le cas puisquon a eu des programmes de régénération après les séances et des jours «off». Jespère quil ny aura pas de souci mais quand, tu nes pas habitué, tu te poses forcément des questions » Louis Picamoles les partage, sans salarmer plus que de raison. « Cest une préparation physique assez lourde. Il va falloir la digérer pour aborder le championnat avec un peu de fraîcheur. Les débuts de match seront sans doute un peu difficiles mais il faudra quand même vite se mettre dans le rythme. »
Le Clermontois Damien Chouly est moins inquiet. « On a surtout pu bien couper et se régénérer, mentalement et physiquement. Ce qui est dur ce nest pas forcément la saison en elle-même mais lenchaînement des saisons, précise le capitaine des champions de France. Lavenir nous dira si cest bénéfique. Ça fait un moment que je navais pas suivi une telle préparation mais, après, je ne pense pas quil y ait une solution miracle. » Peut-être pas. Mais au moins du mieux, une condition physique se rapprochant de celles des All Blacks ou des Anglais. Pour Louis Picamoles, ça vaut le coup dessayer. Et de regretter les récriminations diverses. « Il y aura toujours des imperfections, des insatisfaits. Est-ce quun jour on trouvera la formule parfaite entre léquilibre des clubs et de léquipe de France ? Je nen sais rien. Ce que je peux maîtriser, cest linvestissement individuel que jy mets... »
Pour rappel :
XV de France Lopez : « Une situation un peu délicate pour les joueurs »
La liste « Groupe France » boucle sa troisième semaine de préparation estivale ce week-end. Les internationaux, qui bénéficient de programmes spécialisées pour être davantage compétitifs pour les échéances de la sélection, sentraînent en marge de leur club. Une première pour ces joueurs quelques peu esseulés bien que dans les installations des écuries du TOP 14. « Autant que possible, on essaie de continuer à vivre avec les copains. Mais ce nest pas toujours évident » explique Camille Lopez au journal Midi Olympique.
Côtoyer ses coéquipiers sans pouvoir travailler avec eux nest pas une situation idéale pour louvreur clermontois. « Cest une situation un peu délicate pour les joueurs. Nous sommes fiers dêtre en équipe de France et on bosse pour, pas de problème. Malgré tout, on représente aussi un club, on appartient à un groupe de joueurs. Sauf quon travaille en marge. Personnellement, jai un peu de mal à le vivre et à lencaisser. Peut-être que dautres le vivent mieux. Moi, je ne suis pas à laise. On se fait chambrer par le reste du groupe, ça crée un statut un peu à part. Je me dis que cest plutôt bon signe. Mais je naime pas trop cette situation » poursuit-il.
Si les exercices ne sont pas révolutionnaires, cest visiblement le calendrier qui va permettre aux protégés de Guy Novès darriver en meilleure forme lors des rassemblements. « Lintérêt, cest le temps qui nous est donné. En club, nous sommes obligés de nous adapter au calendrier. Lan dernier, tout compris, nous avions préparé la saison sur dix-neuf jours de travail [] Cette fois, on nous a donné six semaines, exclusivement destinées à cette préparation physique. La plus-value se situe-là » conclut-il.
Lopez (ASM) : « Ça fait du bien de rejouer »
Avec vos partenaires de l'équipe de France, vous avez suivi une préparation à part. Vous vous entraîniez aux côtés de vos coéquipiers. Comment l'avez-vous vécu ? Est-ce qu'on a peur de prendre du retard par rapport aux autres, surtout au niveau des lancements de jeu ?
« Peur non, car à mon poste, je suis obligé de m'intéresser à ce que font les autres. Et puis, je connais les choses. Par contre, tu as besoin de pratiquer avec tes copains parce que tu as toujours des réglages à trouver. Il y a de nouveaux joueurs, tu es donc obligé d'avoir des repères. Mais avec les staffs de l'ASM et du XV de France, on a travaillé en bonne intelligence. On a intégré une certaine formes de skills dans nos entraînements pour être dans le bain. Tu ne peux pas retrouver la compétition en ne reprenant l'entraînement avec tes partenaires que quatre jours avant. Surtout à mon poste. »
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette préparation ? Vous deviez suivre une préparation sans contact ?
« Oui, la base, c'était de faire une préparation sans ballon. Mais selon moi, cest mieux de la faire avec. C'est quand même la base de notre sport. »
Vous étiez divisés en plusieurs groupes, en fonction de vos besoin. Qu'avez-vous travaillé en priorité ?
« Moi j'étais dans le groupe ''puissance''. Il y avait de la course, mais c'était beaucoup axé sur la puissance, l'explosivité, la vitesse. C'était intéressant, mais depuis trois ans, j'ai la chance d'être dans un club qui fait bien bosser, qui nous prépare au haut niveau, qui adopte les préparations physiques individualisées. Je n'ai pas découvert quelque chose de nouveau. »