Fabien Galthié ne souhaite pas s'exprimer devant les médias, en tout cas en particulier, d'ici au Mondial, voire son terme. Il serait forcé de revenir sur son rôle et, sûrement, de s'arranger avec la vérité pour que tout reste bien lisse, dans la ligne du parti. Dans un récent article paru sur le site de FFR, il a juste précisé qu'il devait « apporter des réponses en termes de méthodologie, d'organisation par rapport aux besoins signalés ». Avant d'ajouter : « Il (Jacques Brunel) m'a donné à travailler des points d'amélioration sur le contenu. Après, ce sont plein de petits détails que nous essayons d'améliorer pour être le plus efficace possible. Nous essayons de tout mettre en relation avec le rugby afin de faire progresser notre animation. »
Bernard Laporte, le président de la FFR, a expliqué qu'il n'y avait rien de rare à ce qu'un adjoint succède à son patron, en particulier chez les grandes nations. Un discours qu'on a entendu, depuis le 10 juillet et la première ouverture des lourdes grilles du centre national de rugby de Marcoussis devant les journalistes. Ou encore lors du stage au Cap-d'Ail, du 18 au 26 juillet. Ou ces jours-ci à Oliva, où les Bleus effectuent une préparation à haute intensité sous la chaleur espagnole. À chaque fois, on a souri, et nos interlocuteurs avec nous : l'énorme différence est que Fabien Galthié n'était rien dans cette équipe de France à la sortie du Tournoi, sinon un consultant pour FranceTélévisions et L'Équipe, qui voyait la somme de ses défauts et aussi une forme d'espérance à condition de se mettre à courir, pour résumer.
Il a ensuite été agrégé à Jacques Brunel, qui avait pourtant promis à tout son staff qu'il irait à la Coupe du monde en l'état. Si Galthié a accepté, il a posé ses conditions : exit les préparateurs physiques en place, remplacés par Thibault Giroud, nouveau directeur de la performance. Il a débauché, également au RC Toulon, le club dont il a été viré en 2018, Quentin Rinaldi, le sport scientist, qu'il considère comme une pointure. Et Laurent Labit, son futur adjoint pour les trois-quarts, est arrivé plus tôt que prévu - sous la pression de Galthié -, Philippe Doussy prenant le chemin inverse pour rejoindre le Racing.
On n'ose imaginer si Galthié n'avait pas été un « adjoint comme les autres »... Peut-être, tout simplement, n'y aurait-il plus de Brunel ? On galèje. Le « futur »répète en privé qu'il est là pour « aider Jacques », pas pour lui passer par-dessus. « Il est très bienveillant avec Jacques, entend-on dans l'entourage des Bleus. Tout comme Laurent Labit. »
Ce dernier et Galthié ont eu Brunel comme entraîneur à Colomiers ; « Galette »l'a aussi fréquenté en équipe de France entre 2001 et 2003, lorsque Brunel était adjoint de Bernard Laporte. Entre eux, le respect est certain. La vision du rugby ? Plus sûrement différente, avec un jeu de déplacements et de courses très programmé, plus moderne pour faire court, chez Galthié.
On ne trahit aucun secret en affirmant que l'ex-capitaine des Bleus a été appelé jusqu'en 2023 par Laporte pour d'abord redonner des couleurs, un style qui feront gagner à nouveau l'équipe de France. Ça se voit au quotidien, où il serait difficile de cacher que Galthié est le patron du terrain, notamment lors des oppositions, quand Jacques Brunel observe silencieusement, derrière ses lunettes de soleil, des séances d'entraînement à haute intensité.
« On ne parle plus ! Si j'en entends un, c'est carton jaune ! » - Fabien Galthié, ferme, lors d'un entraînement
En caricaturant, l'un entraîne, l'autre cause. Les deux hommes, qui se connaissent et s'apprécient donc depuis longtemps, ont beaucoup échangé au téléphone au printemps. On dit que Galthié aurait été favorable à un changement de fond de jeu, mais Brunel a souhaité rester à son 1-3-3-1 (*). Galthié a acquiescé, réfléchi à son animation offensive. Occupé, jusqu'au 30 juin, par son boulot de consultant - notamment auprès de Capgemini - il a essentiellement communiqué à distance.
Mais il s'est déplacé à Monaco, en juin, où le staff des Bleus était en séminaire, pour y exposer ses idées, rassurer les uns les autres. Des mots ? Évidemment. Mais les faits ont suivi avec, en particulier, une cohabitation positive avec Jean-Baptiste Élissalde, jusque-là chargé des trois-quarts. « Fabien ! Fabien ! Dis à '"Toto" Dupont de faire la passe », l'a-t-on entendu dire à l'oreillette de Galthié, sur la pelouse du stade Louis-II de Monaco. Marrant, d'ailleurs, ce dispositif avec des entraîneurs disposés un peu partout sur le bord du terrain, avec un micro et des ballons dans les bras pour accélérer le mouvement.
« Vous n'avez pas l'habitude de ça, mais c'est très anglo-saxon, avec Jacques (Brunel), en retrait, manager à l'anglaise », glisse un proche des Bleus. « Fabien(Galthié), Laurent (Labit) et Thibault (Giroud) sont les derniers arrivés. Ça fait des compétences et de l'expérience en plus, souligne Brunel. Il y a eu un changement, nécessaire, je pense. Certains ont cru que ça allait créer un trouble, mais je crois que c'est une force. On va s'attacher à le démontrer. » On verra ça plus tard, lorsque arrivera le temps béni des matches de préparation - l'Écosse les 17 et 24 août, l'Italie le 30 - puis la Coupe du monde.
Fabien Galthié, en l'occurrence, parle peu, tous les briefings et débriefings étant à la charge de Brunel. Les joueurs en ont été surpris. Mais ce fonctionnement permet au futur sélectionneur, réputé cassant et dur dans son management, de s'avancer en douceur. Hors du terrain, évidemment. À l'entraînement, il dirige, encourage - « Il faut gagner ces deux mètres, passer de 108 à 110 » -, félicite mais recadre fermement : « On ne parle plus ! Si j'en entends un, c'est carton jaune ! » Même les 500 spectateurs du stade Louis-II se sont tus, ce matin-là. Un « adjoint comme les autres », ça impose le silence.