David Campese : " Personne ne prend ses responsabilités "
Recordman d’essais marqués en test-matchs (64), champion du monde en 1991, l’ancien ailier australien dresse un constat sans concession de la Coupe du monde et du professionnalisme.
Sydney,
correspondance particulière.
Les joueurs répètent que le rugby a changé depuis la dernière Coupe du monde. Quel est votre bilan en terme de jeu à la fin des matches de poule ?
David Campese. Ce qui me frustre beaucoup à l’heure actuelle c’est de voir des joueurs qui s’entraînent tous les jours et que les gens payent pour voir jouer, incapables d’attraper un ballon, de trouver une touche ou de passer le ballon proprement. Le jeu va plus vite certes, il est aussi plus physique. Mais les choses essentielles ne sont pas mieux faites.
Ce constat peut aussi s’imposer à d’autres sports collectifs majeurs, comme le basket ou le football. Avez-vous des choses à proposer pour enrayer le phénomène ?
David Campese. Il y a désormais énormément d’argent en jeu mais les joueurs doivent réaliser que si l’argent est important, jouer au rugby est la raison pour laquelle ils sont sur un terrain. Parce qu’ils aiment ce sport avant tout, pas parce qu’ils veulent être payés. Ce changement d’attitude, d’approche, on l’a en effet déjà vu dans d’autres sports à partir du moment où l’argent entre en compte. Quand je vois John O’Neill déclarer à des Wallabies qu’il est temps maintenant pour eux de livrer le meilleur d’eux-mêmes, je me dis que quelque chose cloche. Cet homme est le président de la Fédération australienne, pas un joueur de rugby. Mais il se permet de dire qu’il faudrait maintenant faire le travail. Pour son business, John O’Neill souhaite la victoire de l’Australie alors dès qu’elle est bousculée il s’offre le droit de dire : " Hé ! les gars il y a beaucoup d’argent en jeu derrière vous. " Il veut faire savoir qu’il est le patron. Mais le jeu est le patron, le patron est le jeu.
Le professionnalisme n’aurait donc pas rendu le jeu meilleur ?
David Campese. Il se dit que le jeu est différent et je veux bien le croire car c’est ce que je remarque en tant que simple spectateur. Mais tout est tellement structuré que je peux aussi voir avant même l’action ce qui va se passer. En 1999, je me suis attiré des ennuis en disant que les Wallabies étaient robotisés mais l’année dernière Elton Flatley déclarait qu’ils devaient s’éloigner de ce style robotisé. Mais parce que je dis ce que je pense et qu’apparemment il vaut mieux s’asseoir et fermer sa bouche, et bien mes propos avaient été mal pris. Les joueurs sont aujourd’hui jugés différemment. Ils ne sont pas là pour prendre des responsabilités. Et c’est ça le problème, personne ne prend ses responsabilités. Seule la victoire compte. Les joueurs aujourd’hui ne sont pas autorisés à parler, à dire ce qu’ils pensent. On leur dit ce qu’il faut dire, quand tout du moins il est possible de leur parler en dehors du conformisme des conférences de presse.
Pensez-vous que la Coupe du monde perd de sa crédibilité en affichant un tel écart de niveau entre les équipes, à l’instar du 142-0 passé par l’Australie à la Namibie ?
David Campese. Tout à fait. Quand vous pensez qu’il s’agit de la cinquième Coupe du monde, que vous avez 80 000 personnes présentes dans les stades mais que vous avez encore des équipes amatrices qui affrontent des équipes professionnelles, ce n’est pas possible. On ne peut pas continuer comme ça. Comment un match Australie-Namibie peut-il être bénéfique pour le rugby ?
Que doit faire l’IRB pour réduire ce problème et rendre les matchs de poules plus équilibrés ? Redistribuer une partie des gains enregistrés lors de l’événement aux fédérations les plus pauvres ?
David Campese. La question première est la suivante : pourquoi dans une ère professionnelle avons-nous toujours des équipes composées d’amateurs ? C’est à l’IRB (la Fédération internationale de rugby- NDLR) de répondre à cette question et d’y trouver des réponses. Moi, comme tout le monde j’ai des idées mais ils s’en contrefichent de ce qu’on pense. Syd Millar a déclaré récemment qu’il était propriétaire du rugby, ce qui n’est pas faux. C’est donc sa seule responsabilité de tout mettre en ouvre pour être sûr que lors de la prochaine Coupe du monde tous les joueurs soient professionnels. Autre question : pourquoi les Wallabies disposent-ils de privilèges ? Pourquoi ont-ils le droit d’avoir leur propre camp de base à Coffs Harbour quand les autres équipes se voient proposer des hôtels et des terrains d’entraînement à proximité ? L’Italie et les Tonga jouent leurs quatre matchs en quatorze jours mais personne ne crie au scandale. C’est à ceux qui disent posséder le jeu de rendre les choses plus claires et égales. Le professionnalisme, ce n’est pas que l’argent, c’est l’attitude adoptée par rapport au jeu : prendre ses responsabilités, donner le meilleur de soi-même et quand ce n’est pas le cas être capable de dire : " Oui, j’ai fait un mauvais match. " Et expliquer pourquoi.
Entretien réalisé par
Benjamin Adler

David Campese
Débuté par
la bella y la Bestia
, mai 01 2006 20:53
1 réponse à ce sujet
#1
Posté 01 mai 2006 - 20:53
#2
Guest_bleu des vosges_*
Posté 01 mai 2006 - 20:56
bonjour Alex... Il me semble que cette interview date un peu? En attendant le constat et l'analyse sont limpides.
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