Résumer d’une formule ou d’une phrase lapidaire la vie et l’œuvre de Morgan Parra sur les terrains de rugby sous le maillot de l’ASM ne peut être chose aisée pour un joueur au tempérament et à l’influence à nul autre pareil. Le tout premier souvenir de son premier entraîneur à Clermont, Vern Cotter, nous semble être néanmoins un condensé fidèle et extrêmement révélateur du numéro 9 qui va bientôt rejoindre le Stade Français.
Nous sommes au printemps 2009, le coach néo-zélandais, qui prépare les phases finales du Top 14 de l’ASM, assiste à la signature officielle de Morgan Parra dans les salons du stade Michelin.
« Je lui serre la main, raconte Vern Cotter et là, il me dit : J’espère que vous ne serez pas champions de France parce que je veux l’être avec vous la saison prochaine pour le premier Bouclier du club. Ouah… Je me suis dit, ce mec va vraiment nous apporter un truc en plus ».
Inutile de rappeler que la boutade du jeune Parra de l’époque allait bel et bien se transformer en prophétie, un certain 29 mai 2010.
Des débuts compliqués
Entre 2009 et 2013, Vern Cotter n’a eu de cesse d’admirer son demi de mêlée. Au point d’en faire un constat révélateur qu’il n’a pas oublié. « Quand Morgan faisait les 80 minutes du match, je savais qu’on avait beaucoup plus de chances de gagner. C’était surtout vrai dans les rencontres importantes ». Le Néo-Zélandais a toujours été épaté par le courage de son joueur et son influence sur le reste de l’équipe.
« Il poussait les gros et aimait démarrer les bagarres. On adorait son caractère et il était toujours à la pointe de tous les combats. Il faisait vibrer l’équipe. Et puis, il nous a sauvé quelques essais importants. Je le revois se jeter, en coin de terrain, sur le mec d’en face. Franchement, il n’avait pas de respect pour son corps (rires). Un joueur comme Morgan Parra, tu ne peux que l’admirer et le respecter ».
Pourtant, à l’été 2009, quand il débarque à Clermont et à l’ASM, le jeune demi de mêlée n’a pas brillé du premier coup. Là aussi, treize ans plus tard, Vern Cotter n’a rien oublié.
« Il y a un mois, je lui ai envoyé une petite vidéo pour son 300e match avec l’ASM et je lui ai justement parlé de ça, de ses débuts un peu compliqués avec nous à l’époque. En fait, il avait un peu de mal à s’habituer au jeu très structuré et aux schémas très précis que mettait en place Joe Schmidt (ndlr : coach des trois-quarts de l’époque). Et puis, physiquement, il a eu du mal, car il n’était pas habitué au boulot qui était demandé ici. Mais, avec sa hargne et son tempérament, il a assez vite élevé le curseur », nous a confié l’ancien entraîneur de l’ASM depuis sa ferme néo-zélandaise.
Sa science du tir au but
Autre légende du club « jaune et bleu », Jean-Pierre Romeu a bien évidemment observé de près et apprécié les prestations et l’évolution du joueur Parra. En spécialiste de la chose, l’ouvreur des années 70 met en exergue plusieurs qualités du futur parisien et notamment sa science du tir-au-but.
« C’est un très grand buteur, j’aurais aimé avoir sa régularité. Mais il n’est pas qu’un buteur. C’est un joueur talentueux et courageux. On peut dire que ça était une bénédiction pour l’ASM, il a tenu la barque pendant 13 ans, ce qui fait de lui un des joueurs assurément les plus importants de l’histoire de notre club. »
L’ancien demi d’ouverture, aujourd’hui conseiller du président, n’hésite pas à hisser Morgan Parra très haut au panthéon de l’ASM. « Je retiendrais de lui qu’il a toujours mouillé le maillot, c’est un joueur qui n’a jamais lâché ni baissé les bras. Il n’y en a pas eu cinquante comme lui dans le club. À réunir autant de qualités, Morgan est peut-être le seul, avec Aurélien (Rougerie) ».
Défenseur, buteur, joueur de ballon naturellement, Parra possède également une autre dimension exceptionnelle : celle de leader. Nous osons la comparaison avec Jacques Fouroux, capitaine du quinze de France avec lequel Jean-Pierre Romeu a formé une emblématique charnière des Tricolores et dont le Montferrandais était très proche.
« Jacques Fouroux était un chef absolu. Les époques sont très différentes, les mentalités ne sont plus les mêmes, c’est donc difficile de les comparer. Mais, une chose est sûre, sur la longueur de sa carrière à l’ASM, Morgan Parra est devenu le chef de cette équipe » estime Jean-Pierre Romeu.
Christophe Buron (LM - 30/05/2022)