Posté 11 juin 2015 - 04:57
L'équipe du jour:
"Lhermet, comme un président"
ANCIEN JOUEUR DU CLUB, JEAN-MARC LHERMET EST AUJOURD'HUI VICE-PRÉSIDENT DE CLERMONT. SANS FAIRE DE BRUIT, IL A SU SE RENDRE INDISPENSABLE.
CLERMONT DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL C'ÉTAIT BIEN plus qu'un coup de téléphone. Un SOS. En ce début de saison 2004-2005, René Fontes vient d'être nommé à la présidence de l'ASM. Il assiste à Bayonne à la troisième défaite d'affilée de son équipe. Il n'en peut plus. Son choix est déjà fait : Alain Hyardet ne sera plus entraîneur. Il appelle Jean-Marc Lhermet alors que la rencontre n'est pas encore terminée : « Jean-Marc, il faut que tu viennes m'aider. Ça ne peut pas continuer comme ça. » Lhermet, quarantesept ans, qui a porté pendant douze saisons le maillot jaunard (1987-1999), il'en revient pas : « Je lui dis que je suis un peu pris de court. Et je lui demande combien de temps j'ai pour me décider. » La réponse fuse : « Une heure ! » Trente minutes suffiront. Après avoir parlé avec son épouse, Florence, Lhermet accepte le défi. Il vient de s'ouvrir, sans le savoir, les portes qui le mèneront jusqu'à la vice-présidence du club, après avoir occupé presque tous les postes à l'ASM : « Sauf un, précise malicieux Christophe Mombet. Je le vois bien devenir président dans les prochaines années. Peut-être l'est-il déjà ? » Avant d'être responsable du centre de formation du Racing, Mombet occupait le poste de directeur sportif à Clermont, et travaillait avec Jean-Marc Lhermet, qui s'occupait des relations avec la presse. Il a tout de suite remarqué que les crampons de Lhermet étaient encore bien affûtés pour gravir les échelons à l'intérieur du club : « Je ne suis pas étonné qu'il soit devenu omnipotent. Sa trajectoire était écrite. JJ était profilé pour ça. » Lhermet apprend vite son nouveau métier. Il regarde, observe, analyse à la vitesse du son.
Il se rend indispensable et voit aussi les obstacles qui se dressent sur sa route: « C'est compliqué d'être directeur sportif. J'avais joué avec certains joueurs et ce n'était pas facile d'être de l'autre côté de la barrière. Aujourd'hui, je ne suis ami avec aucun joueur. Le plus gros problème à gérer, c'est le positionnement par rapport à eux. Car il faut aussi une dose d'affectif. » Mais cet homme-là a la froideur d'un ingénieur (il est diplômé de l'INSA Lyon et a fait toute sa carrière chez Michelin). Il aime prendre son temps, mais s'occupe de tout : « C'est un homme central du club, tout passe par lui », juge même l'ancien troisième-ligne Alexandre Audebert. Transferts, budget c'est son affaire. Il a su devenir incontournable : « J'ai toujours été un homme de projet, affirme-t-il. J'aime mobiliser les énergies autour d'un objectif. L'ambition ne se résume pas au poste qu'on occupe. Ce qui m'intéresse, ce ne sont pas les galons. Je suis ambitieux oui, mais sur les projets. » II ne cache d'ailleurs pas ses envies, à dermont ou ailleurs : « Être président de l'ASM, ça ne veut rien dire. Et puis, je ne m'interdis rien. J'adore cette ville et ce club, mais je ne suis pas marié avec l'ASM, même si je suis en CDI. Je peux faire la même chose dans un autre dub. »
« JE SUIS UN FUSIBLE EN PUISSANCE »
En attendant, il se comporte en taulier et n'occulte pas les sujets sensibles. Clermont, en cent quatre années d'existence, n'a remporté qu'un titre de champion de France, en 2010. Lhermet admet : « Le palmarès de l'ASM pourrait être bien plus copieux. Nous sommes un club de très haut niveau à qui il manque un palmarès pour dire que cette équipe a marqué l'histoire. J'en ai marre de perdre. J'ai horreur de ça. Et alors on arrête tout ? On abandonne le navire ?» À qui la faute ? Lhermet est toujours passé à travers les gouttes. Comme en 2013, après la défaite en finale de la Coupe d'Europe contre Toulon (16-15), suivie une semaine plus tard d'une élimination contre Castres en demi-finales du Top 14 (25-12). L'entraîneur était Vern Cotter : « Et ce n'était pas forcément drôle tous les jours, se souvient Lhermet. JJ avait une façon de faire que je ne comprenais pas. JJ fonctionnait en étant au-dessus des autres. Il n'était pas très ouvert à l'échange. » Mais il ajoute : « Si c'était à refaire, j'irais de nouveau le chercher. » Avant de conclure : « Mais il était temps de changer. » Ainsi est Jean-Marc Lhermet. Son visage cabossé, dominé par une tignasse blonde, a du mal à exprimer un sourire: « Je ne suis pas un gros déconneur. » Ce qu'Alexandre Audebert résume à sa façon : « Ce n'est pas lui qui va se mettre la culotte sur la tête après les matches. » L'Écossais Neil Mcllroy, manager sportif du club, parle lui aussi de Lhermet en termes polis, presque convenus, avant de se souvenir: « Si, j'ai un truc marrant à raconter. Quand on joue à domicile et qu'on gagne, avec les entraîneurs on joue à Buffalo. » À quoi ? : « On sort une bouteille d'alcool fort. De l'eau-de-vie, du cognac... Et si un de nous en voit un autre boire avec la main droite, on dit Buffalo. Celui qui est démasqué doit finir cul sec son verre et en boire un autre avec la main gauche. Jean-Marc est le seul à être tombé dans le piège. Et c'est le plus intelligent d'entre nous. » Lhermet est donc un personnage central de l'ASM. Qui ressent aussi la pression du résultat avant la 12e finale du club, contre le Stade Français samedi. « Je ne me sens pas moins en danger que Franck Azéma (l'entraîneur), même si je m'interdis d'intervenir dans le sportif. Je suis moi aussi un fusible en puissance. »
PROVALE, C'EST LUI
Jean-Marc Lhermet s'est toujours investi dans le rugby, et pas seulement sur le terrain. Alors qu'il était encore joueur, il a ainsi oeuvré avec Emile Ntamack pour lancer le 12 février 1998 Provale, le premier syndicat des joueurs. Il en fut même le président entre 1998 et 2000. Selon son site Internet : «Provale a été créé pour accompagner le joueur dans sa profession de rugbyman. Son premier rôle est de défendre les droits et intérêts matériels, moraux et économiques, tant collectifs qu'individuels, des joueurs de rugby salariés sous contrat exerçant leur profession sur le plan national comme international. »