Isabelle Ithurburu, naturellement rugby
La Paloise Isabelle Ithurburu entame sa dixième saison de rugby sur Canal+, avec une nouvelle mise en lumière pour son émission, le « Canal Rugby Club », à sa juste place.
Depuis quelque temps, Éric Bayle, le commentateur historique du Top 14 sur Canal+, a dû se faire une raison. « Avant, lorsque j'allais dans un stade, on me demandait : "Comment ça va, monsieur Bayle ?" Maintenant c'est : "Elle n'est pas là, Isabelle ?" » L'anecdote le fait sourire mais image parfaitement la place occupée aujourd'hui par Isabelle Ithurburu dans le rugby. En rencontrant la journaliste de 37 ans, masquée mais aux yeux rieurs, on devine l'enthousiasme de l'animatrice du Canal Rugby Club, devenu cette saison la tête de gondole dominicale sur Canal +. L'émission a profité du départ de la grande affiche de Ligue 1 sur Téléfoot pour s'installer sur la case du Canal Football Club, peu après 20 heures. Un format ramassé, rampe de lancement de l'affiche de Top 14, mais intégralement en clair et qui permet encore de proposer du reportage, l'une des manières de « capter un nouveau public », assure-t-elle.
Pour y parvenir, Canal+ mise aussi sur la convivialité d'Isabelle et ses garçons (Frédéric Michalak, Thierry Dusautoir, Marc Lièvremont et Cédric Heymans). D'autant qu'elle sait composer avec l'esprit troisième mi-temps, une force selon Sébastien Chabal, consultant vedette du CRC depuis son lancement, en 2015. « Isabelle a toujours gardé les pieds sur terre, on sent qu'elle est vraiment issue de notre petit monde du rugby. Au milieu d'une équipe de mauvais garçons qui ne fait que l'embêter et blaguer pendant qu'elle travaille, elle reste cool. Même s'il nous arrive de retourner à l'âge où on était dans le vestiaire, elle comprend que cela fait partie de notre culture, de notre mode de fonctionnement. » Et le groupe vit bien.
Rien de plus naturel pour celle qui a toujours grandi « entourée de garçons », à Pau : « Je n'étais vraiment pas féminine, ils ne me regardaient pas... mais j'étais leur meilleure pote ». Le rugby, elle le découvre aux côtés d'un autre homme, son père épicier, pour profiter de ses rares présences au domicile. « Le match de rugby, c'était son moment ! Je ne pouvais plus regarder les dessins animés, mais c'était top de partager cela avec lui... Au départ, c'était juste un bruit, des images, je ne comprenais rien. Mais bien plus tard, juste avant la demi-finale France-All Blacks du Mondial 1999, il m'a dit : "Si tu dois regarder un match, c'est celui-là !" C'est le plus beau cadeau qu'il ait pu me faire... ». La performance majuscule des Bleus embarque alors la jeune femme dans le tourbillon de l'Ovalie : « J'ai commencé à poser plein de questions, à m'y intéresser vraiment et à aller au stade du Hameau pour découvrir la Section Paloise. »
Sur le terrain, l'intégration est instantanée
Cette passion grandissante accompagne les autres : le chant et la danse basque. De son élection à Miss Pau en 2001, à sa participation à la Nouvelle Star, promotion Julien Doré, la jeune femme se laisse guider par sa curiosité. « Je viens d'une petite ville, d'une famille très modeste, c'est le point commun de ces aventures : si j'avais l'occasion de vivre un truc un peu fou, il fallait que je le fasse ! » Sans pour autant tout accepter, comme la proposition de M6 d'en faire sa miss météo après sa participation au télé-crochet. Mais en 2009, sa philosophie la pousse à passer un casting pour Infosport en quête de nouveaux visages non formatés par les écoles.
« Je bossais dans la cotation maritime, je gagnais bien ma vie et je n'avais aucun besoin de changer. Je me suis simplement dit, je vais ouvrir les portes de Canal, voir comment c'est, puis je vais rentrer chez moi... » Les portes ne se refermeront jamais. Deux ans et demi plus tard, après avoir présenté la Coupe du monde 2011 avec la recrue, Éric Bayle doit l'intégrer à sa rédaction... non sans difficulté, en la propulsant directement à la tête de l'émission phare Jour de rugby : « Il a fallu un peu gérer les jalousies... Lorsque quelqu'un arrive rapidement à avoir des responsabilités, il est vite regardé de travers, testé. Ce n'était pas du machisme mais juste de la concurrence. Tout cela a duré une bonne saison... » A contrario, sur le terrain, l'intégration est instantanée. Ithurburu est dans les stades pour les interviews, au contact d'un milieu qu'elle côtoie déjà un peu par le biais de son compagnon de l'époque, Gonzalo Quesada.
« Dans ''le Tube'', en traitant du monde des médias, je voyais de tout. C'est un spectacle... qui n'est pas toujours très beau à voir. Dans le sport, au moins, c'est sain »
« Certains pensaient que j'étais pistonnée... alors qu'il n'était plus joueur, pas encore entraîneur de club, et n'avait aucun contact dans la télé. Mais, au moins, je n'étais plus une femme à prendre, je n'avais pas l'impression d'être une proie... J'ai eu cette chance. » Selon Éric Bayle, son pedigree l'a aussi aidé à s'installer rapidement : « Quand on grandit dans des régions de rugby, on a une manière de se comporter un peu en adéquation avec ce sport, cette facilité d'abord. Lorsque tu rencontres Isabelle, elle est naturelle. Ça a cartonné tout de suite auprès des joueurs, des dirigeants, comme des fans. » L'adoubement se matérialise à Toulouse, le 9 mai 2014, à la mi-temps d'un barrage face au Racing, lorsque près de 20 000 supporters se mettent à chanter son prénom. « Cela voulait dire : "Isabelle, t'es notre pote." Je l'ai toujours ressenti. Dans un stade, on me tutoie, on me parle comme si j'étais la copine, la soeur, bientôt la maman (rires). »
Pourtant, entre 2016 et 2019, la Paloise prend la décision de s'échapper des travées pour animer successivement le Tube (une émission sur les médias) et Bonsoir ! (une émission culturelle) tout en conservant le CRC. « Elle a pu s'éparpiller à ce moment-là, cela lui demandait beaucoup de temps et elle était moins performante sur le rugby, estime Bayle. Aujourd'hui, elle est 100 % investie avec nous et elle a retrouvé son niveau de connaissances et de pertinence d'avant. »
Ces dernières années, TF1 a tenté de l'embarquer sur le chemin du divertissement... sans succès. « Je me suis souvenue des conseils de personnes me disant qu'il n'y a pas plus fort et naturel que le sport. Dans le Tube, en traitant du monde des médias, je voyais de tout. C'est un spectacle... qui n'est pas toujours très beau à voir. Dans le sport, au moins, c'est sain. Je n'aimerais pas qu'un jour on dise "Isabelle, elle a changé..." » Depuis le début de saison, outre le CRC, elle retrouve aussi chaque samedi de Top 14 les bords de pelouse, son léger accent du Sud-Ouest et, avant le huis clos, le tutoiement des supporters... De quoi la rassurer, bien loin des arcanes de la télé.