LouRugby
je dirais que j'utilisais moins "le gabarit" comme un modus operandi absolu, ou comme vision "monomaniaque", mais plus comme une fatalité. Dans le Rugby moderne de très haut niveau, écoute, si tu fais 80 kilos tu ne joueras pas 3èL quoi, en gros. T'as beau avoir du talent, du coeur, tout le blablah lyrique qu'on entend habituellement, tu ne joueras pas 3èL, c'est juste une chose à comprendre pour vite passer à autre chose. Je réitère que je ne vise pas Villière au poste d'ailier.
Certes, mais entre un Hooper et un Henry Tuilagi, tu as aussi 35 kilos d'écart. Ce qui montre bien que le physique peut fortement varier d'un joueur à l'autre sans impacter son efficacité du moment qu'on reste dans les normes. Un joueur doté d'un petit gabarit peut parfaitement compenser en développant des qualités annexes, à l'instar d'un McKenzie ou d'un Shane Williams. Romain Poite disait par exemple que selon lui, un joueur pouvait parfaitement compenser un déficit physique et technique rien qu'en maitrisant les règles et en sachant jouer avec, à l'instar de McCaw. Son physique était très ordinaire pour un troisième ligne, hormis au niveau de la mobilité et de l'endurance, mais il est devenu un des meilleurs joueurs de l'histoire en axant son jeu en dehors de l'aspect physique. Hormis des cas sans ambiguïté, tout est possible à mes yeux.
Ensuite pour ce qui est des années perdues pour le xv de France à s'être focalisé sur le gabarit des joueurs, je dirais que ç'aurait pu être gagnant...pour peu que c'eut été bien utilisé ! Petite parenthèse: si tu prends les stratégies de PSA 2012-15, elles n'étaient pas fondamentalement mauvaises pour l'époque. Mais elles étaient hyper mal réalisées. Gros pack, grosse mêlée, grosse défense, des gratteurs à toutes les lignes et des monstres comme Picamoles devant ou Bastareaud derrière... c'était solide. C'est juste que c'était le bordel complet à chaque rencontre et que l'adversaire était systématiquement 10x plus organisé. Donc courtes défaites, courtes défaites... courtes défaites. Maintenant le Rugby demande plus de mobilité, ça a encore changé.
Il aurait également fallu développer la technique et l'intelligence car sans faire cela, on se prive de nombreux talents potentiels. En outre, faute d'investissement suffisant dans la formation, on a produit des joueurs physiques mais en grande difficulté techniquement et sans vision stratégique, ce qui, assorti à un calendrier qui nous affaiblissait physiquement, nous a littéralement plombé. Enfin, il faut tenir compte des gabarits français qui ne sont pas similaires à ceux de l'Afrique du Sud, d'où la nécessité de ne pas tout miser sur le même cheval.
En Afrique du Sud par exemple, la formation est efficace car elle est parfaitement pensée. D'une part, elle est calée sur la force des afrikaners qui réside dans un gabarit exceptionnel. Ensuite, la dimension physique des sud-africains ne réside pas exclusivement dans leur morphologie mais également dans une technique parfaite au niveau des phases de combat : comment faire mal, comment mettre la plus forte intensité possible au contact, comment optimiser au maximum le rapport poids/puissance par rapport aux spécificités de chaque joueur... on est très loin du "tous à la muscu" qui prévalait dans certains centres de formation français et on embrasse au contraire une dimension technique de très haut-niveau. Ensuite, cette puissance repose également sur une stratégie visant à faire durer au maximum les phases de combat. Enfin, la technique individuelle n'est pas négligée pour permettre aux joueurs de porter efficacement le ballon, faire les passes au bon moment et concevoir des séquences lentes et usantes.
C'est tout cet ensemble qui leur a permis d'éteindre physiquement des nations comme les Samoa, les Blacks ou les Anglais alors que leurs gabarits sont certes plus imposants, mais pas autant différenciant.