« Samedi dernier, dans quel état d'esprit étiez-vous après la défaite face à Castres (10-22) ?Abattu, tout en m'efforçant de ne pas le laisser paraître. Je suis resté trois quarts d'heure dans les vestiaires puis j'ai ruminé toute la nuit. Je me sens totalement impliqué tout en étant impuissant car je ne suis pas sur le terrain. Je pense avoir donné tous les moyens au coach, au staff, à l'équipe. D'où une énorme frustration. Et une colère semblable au corbeau qui s'est fait voler le fromage par le renard.
La pensée de laisser tomber le RCT s'est-elle invitée en vous ?
Non, non ! Même si par moments elle peut m'effleurer, j'écarte cette possibilité. Je me projette vite sur le match suivant, face à l'UBB où on a une chance.
Que se passe-t-il à Toulon ?
On traîne encore des séquelles de la saison passée. Elle avait été assez belle, même si elle s'était disputée majoritairement à jauge zéro. On a accompli des choses pas mal, classés à la quatrième place. On a battu le Racing chez eux, malgré leur grosse équipe, mis 40 points au stade Toulousain à Mayol. Vaincu Clermont et l'UBB. Mais on a eu des défaites à l'extérieur aussi surprenantes que révélatrices. En déplacement, on se doit de montrer une force supérieure. Et là, chaque fois le RCT a montré une forme de renoncement. Ce renoncement peut prendre la forme de l'indiscipline. Aujourd'hui, on est toujours dans la continuation de ces comportements. Entre les deux, il y a eu la reprise de la saison par Patrice (Collazo), avec énormément de remise en cause de certains joueurs. Des dialogues durs. Les résultats n'ont pas suivi. Franck (Azéma) est arrivé, a travaillé avec une nouvelle méthode. La mayonnaise a pris, mais insuffisamment. Sans une cohésion totale entre tous les joueurs ça ne marche pas.
Le coeur du problème à Toulon c'est la cohésion ?
Oui, on a un problème de cohésion. C'est un très long travail pour l'acquérir. Avant de se manifester sur le terrain, elle doit déjà être présente au club et en dehors. Cette cohésion qui fonctionnait très mal jusqu'à présent commence à prendre petit à petit. Franck essaie de s'appuyer sur des joueurs qui ont du leadership, et reconnus comme tels par leurs camarades.
« Il y a eu un petit électrochoc »
Toulon, qui a vécu sur le mythe du combat, ne génère-t-il pas désormais ce que vous appelez des "petits-bourgeois", des joueurs qui viennent ici pour le bord de mer et de belles villas ?
Toulon c'est un peu l'hôtel cinq étoiles. Et je me demande si je n'ai pas fait une erreur en voulant bâtir ce campus. Ce grand luxe n'est pas un facteur favorisant de la performance. À ça s'ajoutent des salaires confortables, de PDG pour la plupart d'entre eux. Certains ont succombé à l'embourgeoisement. Quand on pratique un sport de combat, il faut s'entraîner à la dure, avoir faim. On ne peut pas réduire les salaires car il y a des contrats. Il faut créer des conditions différentes d'entraînement. Beaucoup parler, faire preuve de pédagogie pour que certains prennent conscience qu'ils doivent mettre à profit cette période dorée de leur vie.
Le temps joue contre vous...
On ne joue plus le top 6, c'est clair. Mais on n'est pas non plus focalisés sur le maintien. Notre ordre de marche c'est se reconstituer une santé rugbystique qui nous apporte de l'assurance. La seule chose qui soit gagnable c'est le Challenge européen. On ne va pas faire la moue : le club ne l'a jamais remporté. Ce serait gratifiant. Et puis on prépare dès maintenant la saison prochaine parce que cette saison est obérée.
Quand les joueurs ne montrent pas de générosité ça vous évoque quoi ?
Il faut que je m'adapte. Je me rends compte que je suis décalé par rapport au rugby d'antan. Les nouvelles générations sont différentes, difficiles à gérer. Hyper matérialistes, très individualistes et égoïstes. Ça se traduit dans les attitudes sur le terrain et en dehors. Si on les laissait faire, ils auraient le nez sur leurs écrans jusqu'à la dernière seconde.
Trois raisons d'y croire ?
D'abord dans cette équipe il y a du talent. Christopher Tolofua est revenu. Eben Etzebeth va rejouer samedi face à Bordeaux, Charles Ollivon sera de retour à la fin du mois. Ensuite, il y a eu une prise de conscience collective qu'on est à Toulon et qu'on a des devoirs. Ça commence à pénétrer les esprits. Enfin, il suffit d'une victoire pour que ça reparte.
En guise de prise de conscience, certains joueurs sont allés s'en mettre une, dimanche aux Halles de La Crau...
Ils étaient cinq. Je ne sais pas s'ils étaient saouls mais bon, ils étaient à l'apéro. Sur ce petit groupe il y en a quatre sur lesquels on ne compte pas. L'ennui c'est qu'il y avait un joueur sur lequel on compte.
Quel a été l'électrochoc cette semaine ?
Personne n'a été grillé vif, mais il y a eu un petit électrochoc pour faire repartir le coeur. Il doit aussi être rationnel, d'ordre technique et tactique. Les images vidéo qui ont été montrées par le staff ont frappé les esprits. Notamment sur les rucks qui disent beaucoup en termes de soutien et de courage. En rugby, faut mettre les mains !