Les souvenirs de Jean-Marc Lhermet : « On est arrivés à Clermont complètement faits... »
Je l'ai affronté, mais j'ai aussi joué avec lui en équipe de France : Serge Blanco. Il avait des qualités physiques, le sens du jeu, il voyait des coups que personne d'autre ne voyait, il était beau à voir jouer et il dégageait une aura.
Serge Blanco, adversaire et coéquipier de Lhermet, a marqué les esprits. (P. Caron/L'Équipe)
Le joueur le plus drôle que vous avez fréquenté ?
Gilles Darlet. "La Berlingue", un vrai amuseur, drôle, généreux. Sur le terrain, il ne s'échappait pas, c'était avant tout un grand joueur, mais en bringue, il était bien aussi ! C'était un grand chanteur, capable de faire les pires conneries...
Le derby contre Brive le plus chaud ?
En octobre 1993. Ce groupe est né à Brive, contre nos ennemis historiques, un soir d'automne, où il pleuvait... C'était compliqué, on avait reçu deux cartons rouges et deux jaunes ! On avait pris 30 points (10-36)... Mais personne ne s'était échappé, on s'était protégés les uns les autres. Dans le vestiaire, on est restés debout à se regarder, en sang, plein de boue, et on a senti que quelque chose s'était passé. Et à partir de là, on ne s'est plus quittés pendant des mois, jusqu'à la finale du Championnat !
La 3e mi-temps dont vous gardez le meilleur souvenir ?
Après ce match justement, 1993-1994 est devenu une grosse troisième mi-temps comme saison, d'octobre jusqu'à la fin ! Je me souviendrai toujours de la demi-finale à Nîmes, contre le Grenoble de la grande époque des Mammouths. On était loin d'être favoris, mais on a gagné (22-15). On était descendus dans le Gard en bus, et au moment de remonter, on va boire un coup en ville... Là, il y avait plein de supporters descendus dans un train spécial. On s'est dit : "Tiens, pourquoi on ne remonterait pas avec eux ?" Le bus est remonté à vide et dans le train ça a été... du grand n'importe quoi ! On est arrivés à Clermont complètement faits... Et on jouait la finale le samedi d'après ! C'est peut-être ce qui nous coûte la finale (rires). Ce sont des souvenirs de partage entre coéquipiers et avec les supporters. J'en croise régulièrement qui me reparlent de ces moments !
L'adversaire le plus méchant ?
Il y avait une équipe où il n'y en avait pas qu'un, qui faisait peur : Bègles, avec la triplette Simon-Gimbert-Moscato... En 1990, on les reçoit pour un 8e de finale aller, c'était une boucherie. Moscato et Mallaret, chez nous, avaient pris un rouge dès le coup d'envoi (à la 20e minute en fait) !
La triplette composée de Serge Simon, Philippe Gimbert et Vincent Moscato offrait des matches rugueux. (A. Landrain/L'Équipe)
« Mon plus grand regret, c'est de ne pas avoir gagné un Brennus »
Le joueur auquel on vous a comparé ?
À la fin des années 1980, à Jean-Pierre Rives, parce que j'avais les cheveux longs, blonds, je jouais 3e ligne. Ça me flattait, parce que c'était une légende ! D'ailleurs, quand j'étais encore à Vichy, à 18 ans, l'entraîneur m'avait convoqué pour jouer mon premier match avec l'équipe première parce qu'on avait des blessés. En groupe B, on devait affronter le Racing, où Rives finissait sa carrière. J'en avais pas dormi de la nuit... Mais le match avait été annulé ! Terrain gelé... Ça avait été une de mes grandes déceptions, de ne pas pouvoir jouer contre lui.
C'est votre plus grand regret ?
Non, juste une déception de jeunesse. Mon plus grand regret, c'est de ne pas avoir gagné un titre. Enfin, un Brennus. Parce qu'on a gagné un Bouclier européen, mais ça n'a rien à voir... On est passé à côté deux fois, en 1994 et 1999. En 1999, je savais que c'était mon dernier match, en plus...
Sa déception (au centre) et celle des Clermontois après leur défaite en finale du Championnat de France contre Toulouse en 1994 (22-16). (A. Landrain/L'Équipe)
La consigne d'entraîneur que vous n'avez jamais comprise ?
C'est plutôt un choix. L'entraîneur avec lequel j'ai eu le plus de soucis, c'est Pierre Berbizier. Je fais la tournée en Afrique du Sud en 1993, à l'époque où en plus des tests, il y avait des matches de semaine contre les provinces. Je joue ceux-là, ça se passe bien, je me sens bien. Et Berbizier me convoque avant le premier test pour me dire : "Je suis très content de toi, c'est super ce que tu fais. Mais tu ne joueras pas." Je lui demande alors pourquoi... Il m'a répondu que son équipe était déjà faite pour le test contre les Springboks ! Je n'avais pas compris, cette incohérence entre ce que j'avais fourni sur le terrain et cette non-récompense derrière, puisque tout était déjà écrit. »
Pierre Berbizier ne lui laissera pas un souvenir impérissable en bleu. (D. Fèvre/L'Équipe)
Après sa retraite de joueur, en 1999, Jean-Marc Lhermet est resté au club, chargé de mettre en place le centre de formation de Montferrand. Fâché avec son club de presque toujours en 2002, l'ancien symbole de l'ASM renaissant des années 1990 est vite revenu dans le giron jaune et bleu, rappelé en 2004 par le président René Fontès auprès de l'équipe première. Manager et décideur jusqu'en 2016, il a pris ensuite du recul par rapport au secteur pro du club, travaillant à développer la section féminine ou le rugby à sept au sein de l'institution auvergnate. L'année dernière, il a tout mis en oeuvre pour faire voyager le bouclier de Brennus, jusqu'aux Fidji, pour remercier les joueurs du Pacifique si importants dans la conquête des titres de 2010 et 2017. Et actuellement, il s'est penché sur un projet auprès des quartiers en difficulté de Clermont, pour y favoriser l'apprentissage à travers le sport.
51 ans.
Troisième-ligne.
3 sélections.
Clubs : Vichy (1980-1987) ; Clermont (1987-1999).
Palmarès : vainqueur du Challenge européen en 1999 (Clermont) ; Championnat de D2 en 1987 (Vichy).
1990 : en février, il se blesse au genou avec les Bleus contre l'Irlande et ne rejouera qu'en avril 1991.
1998 : il fonde le syndicat national des joueurs de rugby, Provale.
1999 : alors capitaine, il dispute son dernier match, la finale du Championnat de France, perdue contre Toulouse.