ou l'on apprend que Galthié va fonctionner étroitement avec Laporte !
Pierre Mignoni, au sujet du quinze de France : « Pour moi, ce n'était pas le bon moment »
Publié le
dimanche 12 mai 2019 à 18:01
Pierre Mignoni, qui a refusé le poste d'adjoint de Fabien Galthié chez les Bleus, explique pour la première fois ce qui a motivé son choix.
Arnaud Requenna dans l'Equipe
Le 20 avril, dans un restaurant de bord de plage à Toulon, chez lui, Pierre Mignoni a rejeté la proposition de Bernard Laporte de devenir l'un des adjoints de Fabien Galthié, après la Coupe du monde au Japon, en novembre. Le manager du LOU est pourtant très attaché aux Bleus (28 sélections), mais sans doute espérait-il mieux qu'un accessit. Pour Laporte, au côté duquel il a remporté trois Coupes d'Europe et un Brennus (entre 2013 et 2015) comme entraîneur des arrières à Toulon, Mignoni était le premier choix... en tant qu'adjoint, que le coach soit un étranger - le Néo-Zélandais Warren Gatland - ou pas.
Mais le Lyonnais a un contrat en or au LOU, jusqu'en 2023, qu'il impose dans la cour des grands du Top 14. Il y a trois semaines, juste avant de rencontrer Laporte, cet homme de (très) fort caractère nous avait confié : « Si je pars en équipe de France, c'est pour être champion du monde. »Pierre Mignoni a choisi de rester en place et de garder le silence, jusqu'à ce week-end : « Beaucoup de gens ont parlé à ma place, c'est la règle du jeu. Moi, je le fais pour la première fois avec vous. »
« Si vous battez la Rochelle samedi (21 heures), vous serez non seulement qualifiés pour les barrages du Top 14, mais recevrez à Gerland, alors que vous vous étiez déplacés à Toulon l'an passé. Ce serait une progression logique, pour vous ?
Euh... Logique ? Non. Il n'y a rien de fait. Ce Championnat est très dur. Mais ce serait une très, très belle progression pour le club. Ça validerait tout le travail que les joueurs font, celui du staff, les investissements faits dans tout le club. Franchement, ce serait pour moi une grande fierté qu'on fasse un barrage à domicile.
Et après, vous pouvez viser mieux que ça ?
Après... On l'a vécu un peu l'an dernier, c'était nouveau pour le club, pour beaucoup de joueurs (défaite en demi-finales contre Montpellier, 14-40). J'espère que... (Il coupe.) On n'en est pas là, je n'ai pas trop envie de parler de ça mais j'aimerais qu'on vive les moments, qu'on les vive vraiment.
Votre contrat court jusqu'en 2023, vous êtes au LOU depuis quatre ans. L'objectif, c'est d'être champion ?
Tout le monde veut être champion ! Le club ne doit pas aller trop vite, même s'il a énormément évolué. Honnêtement, il reste encore beaucoup de travail. C'est pour ça que je suis venu, aller plus loin à tous les niveaux. Mais on est encore en construction. On doit tous évoluer : les joueurs, l'environnement, le staff technique aussi, même si on perd Karim Ghezal (chargé de la touche en équipe de France après le Mondial). Je regretterai Karim, bien sûr, c'est moi qui l'ai mis en place. Mais j'ai poussé pour qu'il aille en équipe de France car c'est une belle opportunité, même si ça ne m'arrange pas. Je sais qu'il va faire du bon boulot, je n'avais pas le droit de le freiner dans quoi que ce soit. Je lui ai dit : "Écoute, on est d'accord à 100 % avec M. Ginon (propriétaire du LOU) et M. Roubert (le président) : on te libérera car tu le mérites."
On a évoqué un échange Ghezal-Bonnaire...
Pas du tout ! Ce sont des conneries.
On peut penser à Julien Puricelli (le capitaine du LOU) pour remplacer Ghezal ?
C'est une option qu'on regarde avec lui, mais c'est beaucoup trop tôt pour en parler. Il jouera encore la saison prochaine. Il faut trouver un équilibre dans notre staff, et je réfléchis à tout ça...
Puricelli (37 ans) pourrait-il devenir entraîneur de la touche et joueur ?
Moi, je l'ai fait (en 2010-2011 à Toulon, chargé des skills). Julien est expert de la touche. Mais être expert et faire faire, c'est différent. On prendra une décision tous ensemble, sans précipitation.
Tout le monde dit : "L'équipe de France ne se refuse pas." Vous venez pourtant de dire non...
Ce n'est pas que ça ne se refuse ou pas... Dans la situation où je suis à Lyon - et même si je remercie les gens qui ont pensé à moi, notamment Fabien (Galthié)et la FFR -, j'ai trop d'engagements envers mon club. J'avais promis à certains joueurs que je ne partirais pas en tant qu'adjoint si l'opportunité se présentait.
Si ça avait été numéro un, ç'aurait été différent...
Peut-être que ça aurait été différent, mais pas sûr non plus à 100 %. Pour tout projet, il faut tout bien regarder. J'ai regardé, je n'ai pas dit non tout de suite. Une Coupe du monde en France (en 2023), c'est quand même incroyable, en plus avec la génération de joueurs qui arrive. Il y aura de gros moyens. Mais pour en revenir à moi, j'étais engagé avec des gens qui me font confiance, des joueurs que j'ai recrutés. On ne peut pas tout plaquer comme ça du jour au lendemain quand on est porteur de ce projet. Je me répète, je m'étais engagé auprès de joueurs de mon équipe à ne pas y aller en tant qu'adjoint. Voilà... Écoutez, c'est la vie. C'est mon choix. Je suis encore jeune (42 ans).
Vous vous dites que votre tour peut revenir ?
Franchement, s'il ne revient pas, eh bien, c'est la vie. C'était une belle opportunité, mais je suis dans mon projet, avec trop de gens impliqués.
« Comme je l'ai dit très honnêtement à Fabien (Galthié) : j'ai 42 ans, je suis dans un projet où je prends les décisions. Peut-être que si j'avais cinq ou dix ans de plus, que j'avais fait le tour des clubs, je me projetterais différemment »
Si votre rendez-vous à Toulon n'avait pas été avec Bernard Laporte, vous ne seriez même pas allé écouter ?
Non, non. Il faut écouter les gens. Surtout que ce n'est pas un projet comme ça (geste en l'air), il faut être sérieux. Il faut écouter, être droit avec tout le monde. Puis, j'ai donné ma réponse : non.
Ce n'est pas seulement parce qu'adjoint en équipe de France, c'est moins bien que patron au LOU ?
Non, ce n'est pas que ça. Après, comme je l'ai dit très honnêtement à Fabien (Galthié) : j'ai 42 ans, je suis dans un projet où je prends les décisions. Peut-être que si j'avais cinq ou dix ans de plus, que j'avais fait le tour des clubs, je me projetterais différemment. Là, je suis plein d'énergie, j'ai envie de continuer à Lyon. Même si Fabien a des idées incroyables sur comment mener son truc. Il sait où il veut aller. Ça s'est très bien passé entre nous, mais voilà... Il a très bien compris mon choix par rapport au projet du LOU.
Vous avez de bonnes relations avec Fabien Galthié ?
Ah oui ! Je n'ai pas de problèmes avec lui.
Vous ne vous ressemblez pas mais avez quand même deux foutus caractères. Ç'aurait été compliqué, non ?
Je ne crois pas. Je me suis très bien entendu avec Bernard (Laporte) pendant quatre ans à Toulon.
Bernard Laporte a essayé d'être persuasif lors de votre entretien ?
(Il élude.) On se connaît, on avait des choses à se dire. On a échangé des mots. On s'est dit les choses, c'est tout.
Vous êtes le chef au LOU, et cela n'aurait pas été le cas avec les Bleus, où vous n'auriez pas pris toutes les décisions...
Moins, forcément. Mais apparemment, il y aura beaucoup d'échanges entre eux. C'est leur histoire, ça ne me regarde pas, mais Fabien a l'air d'être vachement participatif. Mais, pour moi, ce n'était pas le bon moment. J'en ai discuté, bien sûr, avec ma femme. Quoi qu'il arrive, je ne regretterai pas car, à l'instant T, pour moi, c'était le bon choix. C'est très personnel. Ça ne dépend pas que de l'âge, mais du moment. Mais ça devrait être une aventure extraordinaire ! Vivre une Coupe du monde en France sera fabuleux. Je leur souhaite, dans notre intérêt à tous, qu'ils réussissent, qu'ils redorent le blason de l'équipe de France, remontent au classement mondial pour être en passe de gagner en 2023.
Vous nous aviez dit, avant de prendre votre décision : "Si je pars en équipe de France, c'est pour gagner la Coupe du monde..."
Il faut que tout le monde se mobilise pour ça ! Les clubs, la FFR, la Ligue, l'ensemble des encadrements du Top 14. Il y a un travail de fond à faire et je souhaite qu'on y arrive, pour le bien de tous. »
Pierre Mignoni en bref
42 ans.
Manager du LOU.
2016 : à l'issue de sa première saison en tant que manager, il propulse le LOU en tête de la Pro D2 et accède ainsi au Top 14.