Le dernier drop de Guy Camberabero
Âgé de 87 ans, l'ouvreur international voultain Guy Camberabero, légende du rugby français, s'est éteint jeudi soir de complications cardiaques lié au Covid-19.
Figure du rugby français et demi d'ouverture emblématique du XV de France des années 1960, le Voultain Guy Camberabero est décédé jeudi soir, à 87 ans, de complications cardiaques liées au Covid-19. Très fatigué depuis trois jours, affaibli par la fièvre, ce buteur hors pair né le 17 mai 1936 à Saubion, à une portée de drop de Tyrosse (Landes), est parti comme il avait vécu, c'est-à-dire avec dignité et discrétion.
Avec son frère Lilian, demi de mêlée décédé en 2015, il formait une charnière cent pour cent voultaine lors du Grand Chelem historique réalisé dans le Tournoi des Cinq Nations en 1968, le premier de l'histoire du XV de France.
C'est en 1955 que la famille Camberabero a débarqué à La Voulte (Ardèche) pour travailler dans l'usine de textile locale, Guy et Lilian devenant rapidement les joueurs vedettes du club de rugby. Sélectionné pour la tournée de l'équipe de France en 1961 en Nouvelle-Zélande, Guy y disputa le troisième test, puis trois ans plus tard succéda à Pierre Albaladejo sous le maillot tricolore.
Après avoir été mis à l'écart en 1965 et 1966 par les sélectionneurs qui préféraient des demis d'ouverture portés sur l'attaque, il revint en force en 1967, écrasant de sa botte l'Australie à Colombes (20-14), les frères Camberabero inscrivant tous les points du XV de France et lui se taillant la part du lion avec un drop-goal, quatre buts de pénalité et une transformation, établissant alors le record de points inscrits par un joueur en équipe de France (17). Il a été ensuite de la tournée en Afrique du Sud et a gagné le surnom de « Tom Pouce », relayé par la presse afrikaner.
L'année suivante, en 1968, il a été l'élément-clé du Grand Chelem lors des deux dernières rencontres, face à l'Angleterre et au Pays de Galles, avant de mettre un terme à sa carrière internationale après 14 sélections, lassé des polémiques qui l'opposaient dans les médias au Lourdais Jean Gachassin.
Mais toujours très affûté physiquement, « le Lutin » resta encore un peu sur le devant de la scène en remportant le titre de champion de France en 1970 avec son club de La Voulte, victorieux de Montferrand (3-0) au Stadium de Toulouse. Ses deux fils, Gilles à la mêlée et Didier à l'ouverture, ont prolongé la tradition familiale à La Voulte, à Béziers puis à Grenoble entre 1981 et 1993. Didier a obtenu pour sa part 36 sélections entre 1982 et 1993, avec deux participations en Coupe du monde (1987 et 1991) et un total de 354 points qui font de lui le sixième meilleur réalisateur tricolore.
Nous avions rencontré Guy Camberabero à plusieurs reprises chez lui, dans sa propriété située non loin de La Voulte, à flanc de montagne. Il aimait raconter par le menu et en détails l'histoire du Grand Chelem 1968, mais surtout son association fraternelle avec Lilian, qui lui procura de grandes joies et aussi d'excellents ballons qu'il a su mettre à profit pour tenter des drop-goals, sa spécialité, hors d'atteinte des défenseurs adverses, n'oubliant jamais d'ajouter avec le sourire : « Ne me faites pas un mauvais procès. J'aimais aussi le jeu d'attaque. » Ce que confirmèrent les trois-quarts centres avec lesquels il a joué durant toute sa carrière, de 1954 à 1971. Il devait inaugurer cette semaine la tribune officielle du stade de La Voulte, rebaptisée en son honneur et à la mémoire de son frère Lilian.
À ses enfants Cécile, Gilles et Didier, ainsi qu'à son épouse Monique, L'Equipe adresse ses condoléances les plus attristées.
