C'est un homme secret et discret, qui s'est éteint dimanche, à Pau, à l'âge de 89 ans, comme l'a annoncé le quotidien Sud Ouest. Jusqu'à l'année dernière, toutes les semaines, il montait à l'assaut des cimes pyrénéennes s'oxygéner l'esprit loin des vicissitudes et des obligations. Sa confiance, il ne la donnait pas facilement : elle se gagnait. Alors il vous appelait « camarade » et pouvait se livrer. Il avait le dégoût très sûr, gardait du rugby une idée bien ancrée : celle d'un sport collectif où la discipline s'impose comme une évidence à ceux qui veulent le pratiquer au plus haut niveau et tutoyer les sommets.
Né un 1er avril 1932 à Louvie-Juzon, François Moncla n'avait pas le caractère facétieux, tout au contraire. Ceux qui l'ont approché restent marqués par son charisme naturel mais surtout ses convictions. Son honnêteté intellectuelle et sa forte personnalité n'étaient pas toujours appréciées à leur juste valeur. Et quand il avait trop à dire sur les errements du pouvoir fédéral en place, ses silences parlaient pour lui. Tant pis s'il était seul à partir en croisade : les affrontements même les plus disproportionnés ne lui firent jamais peur, lui qui fut le capitaine de la première tournée française en Nouvelle-Zélande, voyage initiatique conclu en 1961 par trois défaites en autant de test-matches.

Troisième-ligne aile de grand rayon d'action, rapide comme un ailier, dur au mal, François Moncla s'était construit une carapace pour mieux masquer sa sensibilité, sa profonde humanité et aussi de fermes engagements politiques qui le faisaient pousser à gauche. « François, les bas bleus » fut trente-et-une fois international entre 1956 et 1961, dont dix-huit fois comme capitaine du quinze de France aux côtés de grandes figures comme Michel Crauste, Pierre Albaladejo ou les frères Boniface. Rapide, adroit, il a inscrit sept essais sous le maillot tricolore, ce qui était significatif de son inlassable activité dans les soutiens offensifs.
Pourquoi « les bas bleus » ? Parce que ce Béarnais pure souche était cultivé, référence aux salons parisiens où s'échangeaient au XVIIIe siècle les idées les plus progressistes. Son verbe précis et ses opinions étayées lui valurent l'admiration de ses proches et une aura jamais démentie. « Bas bleus » aussi parce que ses grands débuts, il les fit au Racing-Club de France, lui le natif d'un village des Basses-Pyrénées. « Je ne connaissais que le stade de la Croix-du-Prince, à Pau, pour y avoir joué en juniors, racontait-il. Alors découvrir Colombes, stade olympique, imaginez un peu... »
Élève de Gurcy-le-Châtel (École nationale des métiers de l'électricité, basée en Seine-et-Marne), il a dix-huit ans quand il est « recruté » par Roger Lerou, président de la section rugby du Racing-Club de France et de la commission de sélection de l'équipe de France. Lancé ailier en 1950, ce pur athlète, qui s'entraînait tous les jours sur les pistes en cendrée, montera rapidement au poste de troisième-ligne aile. Il insistera aussi auprès de ses amis pyrénéens, l'indestructible flanker Michel Crauste et le puissant trois-quarts centre Arnaud Marquesuzaa, pour qu'ils suivent le même chemin que lui et signent une licence au Racing Club de France.
Vainqueur du bouclier de Brennus en 1959 avec le club parisien qui attendra ensuite trente-et-un ans pour retrouver pareille embellie, il rejoindra ensuite son Béarn natal pour devenir très vite la figure tutélaire de la Section Paloise avec laquelle il sera sacré en 1964 champion de France au terme d'une saison rocambolesque, défiant au passage tous les pronostiqueurs de mauvais augure ; club auquel il restera fidèle jusqu'au bout et surtout dans les moments difficiles, figure tutélaire, garant moral, illustre parmi ses pairs.
Avec le quinze de France, François Moncla aura été en 1958 de la série victorieuse de tests en Afrique du sud sous le capitanat de l'inénarrable Lucien Mias. La chronique retiendra aussi pour la postérité le coup de pied au « culte » qu'il asséna au dénommé Gordon Bendon dans le Temple de Twickenham, audacieuse punition infligée à ce pilier anglais coupable à ses yeux de se placer délibérément et trop souvent hors-jeu...
Puis il fut, dans le jeu de mouvement, l'artisan des trois premières places consécutives dans le Tournoi des Cinq Nations en 1959, 1960 et 1961. Cette année-là, il reçut avec une fierté non dissimulée à son tour le capitanat du XV de France et en fit bon usage lors de la tournée historique en Nouvelle-Zélande, dont il garda toute sa vie durant un goût amer, regrettant l'impréparation de ses coéquipiers, leur peu d'implication sur le terrain et de sérieux en dehors. Rectitude, engagement et humanisme demeurent associés à sa mémoire.