Vendredi, au petit matin, dans l'un de ces points presse à distance qui rythment les lendemains de matches des équipes de cette Coupe du monde, Rassie Erasmus l'a avoué d'un sourire, le staff Springbok a occupé quelques-unes des heures qui ont suivi la victoire de dimanche sur les Tonga (49-18) à essayer de comprendre quels cas de figure qualifieraient les champions du monde pour les quarts de finale, et quel concours de circonstances les en éliminerait. La question a pas mal agité les supporters comme les journalistes, entre un règlement aussi retors que le rebond d'un ballon ovale, et une succession de « si » à vous donner encore plus mal à la tête qu'un tampon tonguien.
Le directeur du rugby sud-af' en est finalement arrivé à la même conclusion que tout le monde, la chance que les Springboks ne soient pas en phase finale existe « mathématiquement, mais elle est petite ». Il faudrait pour cela que, samedi soir, l'Écosse batte l'Irlande de plus de 20 points, avec un bonus offensif pour chaque équipe. La matinée nous a offert un luxe qu'Erasmus n'avait pas encore eu pour vérifier un point : depuis 2008, en 20 matches, l'Écosse n'a battu l'Irlande que 4 fois, et à chacune de ces défaites, le XV du Trèfle était resté dans le bonus défensif...
L'Afrique du Sud ne devrait donc pas en faire de cauchemars dans la semaine d'attente qu'elle vient de lancer dans son camp de base de la Seyne-Sur-Mer. Les Boks n'en sont pas à s'enfermer dans leur chambre en sueurs, on les a plutôt croisés sur le quai de la navette 18M qui les mène au centre de Toulon, et d'autres, avec la météo quasi estivale dont profite encore la région, n'auront pas manqué d'arpenter la plage des Sablettes qui borde leur hôtel. « Entre l'Irlande, l'Écosse et nous, comparait ainsi Erasmus, on est dans la position la plus confortable, on n'a plus qu'à se reposer, et on a deux semaines pour analyser les trois possibles adversaires qu'on peut avoir en quarts... » Avant de glisser une pique gentillette à ses deux rivaux celtes : « J'ai toujours pensé que cet Irlande - Écosse serait tendu ».
Le stress, c'est donc pour les autres, pas même pour ces Springboks qui ont perdu l'un des leurs dans l'intense combat physique contre les Tonga, au Vélodrome. Makazole Mapimpi y a laissé une pommette, sur un choc tête contre tête avec le demi de mêlée adverse. « C'est triste, c'était un accident, ça arrive, a commenté Erasmus. Il en a pour quatre à six semaines. » Le verdict est tombé vite, les Sudafs se sont évités un moment « Antoine-Dupont », et, Mapimpi, forfait pour le reste de la compétition, a déjà été remplacé par le centre Lukhanyo Am. Capital pour le titre 2019, l'ailier avait rétrogradé dans la hiérarchie du poste, passant derrière Kurt-Lee Arendse. Quant à Am, tout aussi décisif il y a quatre ans, il sort d'une saison hachée par les blessures et un genou fragile.
Son éventuelle réintégration se fera sans précipitation, comme celle d'Handré Pollard. Disponible pour le match contre l'Irlande du 23 septembre, juste après son rappel pour remplacer Malcolm Marx (genou), l'ouvreur avait patienté jusqu'à dimanche pour faire ses débuts dans cette Coupe du monde. Contre les Tonga, il a tenu 50 minutes, propres dans le jeu et parfaites face aux perches (4 sur 4). Et en sortie de banc, Manie Libbok, l'autre 10, a fini par régler la mire (3 sur 3). « Avec eux, on va devoir prendre des décisions difficiles pour notre composition d'équipe, se projetait Erasmus. Si on opte pour un banc 5 avants-3 arrières, il y a la place pour les deux. À 6-2, ça serait aussi une possibilité. Mais si on fait un 7-1, ça sera différent ! » Le staff a dû se le dire, une quinzaine de jours ne sera pas de trop pour résoudre cette autre équation.