En novembre 2024, George Ford était à la cave, largué, dépassé, malheureux... On se souvient de son visage, quelques secondes après la défaite concédée par l'Angleterre à Twickenham, contre la Nouvelle-Zélande (24-22) et des sifflets qui avaient accompagné sa sortie du terrain. Il était entré en jeu à la 63e, à la place de Marcus Smith. L'Angleterre menait 22-14. George Ford avait quasiment tout raté. Fautif sur l'essai de Mark Telea, il avait ensuite manqué une pénalité (79e), puis un drop (81e), deux opportunités pour renverser les All Blacks et vaincre.
Samedi, Steve Borthwick lui a redonné les clés du jeu... Il ne les a pas perdues, malgré une entame poussive et hésitante, et quelques coups de pied imprécis comme ce renvoi directement en touche après un essai des All Blacks (14e) qui menaient 12-0. Il a rectifié le tir, et guidé le quinze de la Rose pour lui offrir une dixième victoire consécutive (33-19), et la première face aux Néo-Zélandais depuis la Coupe du monde 2019 et cette victoire exceptionnelle en demi-finales (19-7).
Ford a été grand samedi, avec 13 points inscrits, dont deux drops magistraux en fin de première période, un 50-22 décisif à la 54e et une pénalité capitale à cinq minutes du coup de sifflet final. Les drops, sa marque de fabrique, sa signature. C'est l'un des derniers ouvreurs de niveau international à utiliser cette arme, fatale pour les All Blacks. On se souvient de son triplé, lors du premier match du quinze de la Rose, lors de la dernière Coupe du Monde (2023) contre l'Argentine (27-10).
Samedi, il s'est comporté comme un patron, de la première à la dernière minute, assurant le tempo, le contrôlant, avec une qualité de chandelles remarquable, faisant jouer les autres, ou plutôt bien jouer les autres. Il a même marqué un essai (50e) mais ce dernier fut refusé, pour un hors-jeu de Fraser Dingwall...
« J'ai adoré. C'était un vrai test pour nous. Les gars ont été brillants »
George Ford après la victoire contre les All Blacks
« J'ai adoré. C'était un vrai test pour nous. Quand on a été mené 12-0, on est bien revenu dans le match, on a fait ça avec calme, on a bien travaillé, les gars ont été brillants, on a conservé notre pan, on n'a jamais paniqué, essayer de rester concentrés sur ce qu'on faisait. Sur les deux drops, je bénéficie de l'excellent boulot du pack qui me permet de me retrouver en bonne position pour les tenter », explique Ford.
L'ouvreur de Sale revient vraiment de loin. On pensait qu'il ne serait plus invité à la table de ces grands rendez-vous. Il était donc passé à côté de la tournée de novembre dernier, n'avait quasiment pas joué le dernier tournoi des Six Nations, loin du niveau affiché par Fin Smith, le cerveau de Northampton, qui semblait avoir gagné de manière définitive la bataille des ouvreurs anglais.
« C'est un grand privilège de travailler avec lui »
Steve Borthwick, sélectionneur de l'Angleterre
Mais Ford bougeait encore... Et quand au mois de juillet, Borthwick a eu besoin d'un numéro 10 pour la tournée en Argentine, il a tendu la main au vieux copain d'Owen Farrell. Fin et Marcus Smith étaient eux, en Australie, avec les Lions. Ford a été admirable, un leader fantastique pour une formation remaniée qui a gagné ses deux matches contre les Pumas.
En Argentine, il a fêté sa 100e sélection, et retourné l'opinion du staff. Il est redevenu indispensable. À 32 ans, avec les jeunes qui brillent et poussent, ça mérite le respect, et les éloges de Borthwick, dithyrambique, admiratif et visionnaire, persuadé que Ford sera un jour sélectionneur du quinze de la Rose. « George est un joueur exceptionnel, un leader remarquable et une très belle personne. C'est un grand privilège de travailler avec lui. Je sais que vous aimez reparler de ce qui s'est passé il y a un an, de cette pénalité repoussée par le poteau, mais à chaque fois qu'il met le maillot, il est performant. Je suis vraiment très heureux pour lui. »
