L’idée de réduire le Top 14 à 12 équipes a longtemps été un des débats les plus clivants lors des réunions des présidents de club. S’il a désormais été définitivement enterré par la LNR, sous le mandat de René Bouscatel, les plus fidèles partisans de cette révolution semblent aujourd’hui être en partie exaucés. L’affirmation est évidemment volontairement provocatrice. Mais après seulement six journées dans ce championnat, Montauban (13e) et Perpignan (14e) se baladent déjà dans les tréfonds du classement avec l’étiquette dédiée aux condamnés d’avance. Les jeux sont-ils déjà faits pour les 13e et 14e places respectivement synonymes de barrage et de relégation directe ?
« La saison est encore très longue, il peut se passer beaucoup de choses », observe prudemment l’ancien ouvreur Jonathan Wisniewski, désormais consultant pour Canal+. « En revanche, ça montre que s’il y avait un petit round d’observation il y a quelques années, durant lequel on pouvait démarrer difficilement avant d’amorcer une dynamique, c’est désormais de plus en plus dur, avec des scores de plus en plus lourds : le championnat est impitoyable. On a limite l’impression que deux équipes se battent pour le maintien et les 12 autres pour le titre. »
Le jugement peut sembler aussi sévère que prématuré. Au cours des six dernières saisons, une seule des deux équipes occupant les deux dernières places après six journées a été reléguée. Mais ce constat illustre toutefois une réalité aussi froide que factuelle. Avant de respectivement recevoir l’Union Bordeaux-Bègles et de se déplacer sur le terrain du Stade Rochelais, les Perpignanais et les Montalbanais n’ont toujours pas remporté la moindre rencontre cette saison.
Inédit
Il est déjà arrivé par le passé qu’une équipe n’ait pas décroché la moindre victoire à ce stade de la compétition : Agen lors de la saison 2020-2021, Perpignan en 2018-2019, Brive en 2017-2018, Mont-de-Marsan en 2012-2013, Albi en 2009-2010. Mais jamais deux équipes ne se sont retrouvées dans une telle situation. Le nul accroché par Montauban face à Montpellier (22-22, 4e journée) n’a que peu d’influence sur cette photographie.
« On a limite l’impression que deux équipes se battent pour le maintien et les 12 autres pour le titre »
L’impasse dans laquelle se trouvent les Catalans et les Montalbanais trouve également une traduction en termes de point-average. Il est arrivé au cours des dernières années que des équipes affichent des différences de points nettement défavorables après seulement six journées : l’Usap (déjà) en 2023-2024 (- 115), le Stade Français en 2019-2020 (-123), Brive en 2017-2018 (-146). Mais jamais elles n’avaient dépassé simultanément la barre symbolique des 100 points pour les relégables.
L’Usap n’a pas encore remporté le moindre point.
XAVIER LEOTY / SO
La situation de Montauban (-134) et Perpignan (-103) est évidemment la conséquence de scores fleuves. Une conclusion tout particulièrement pertinente dans le cas de Montalbanais dont le début de saison a été pollué par l’affaire Fred Quercy : 47 points encaissés au Stade Français, 71 à Bordeaux, 84 à Clermont. Lourd. Très lourd…
« Si on attend, il ne se passera rien jusqu’à la fin », a grincé le manager Sébastien Tillous-Borde ce week-end suite à la défaite face à Castres (28-32). Ce sentiment d’inéluctabilité, faisant écho au spectre de la saison 2020-2021 lors de laquelle Agen n’avait pas gagné le moindre match, va toutefois être difficile à démentir. « Entre le Top 14 et la Pro D2, il y a un monde », observe Jonathan Wisniewski. « Ce groupe n’était pas calibré pour monter. Cette dure réalité les a rattrapés. À force, on a le sentiment qu’ils ont perdu le fil alors qu’il reste des matchs. Il y a certaines défaites qui sont très lourdes et marquantes. On sent qu’il n’y a pas de marge de manœuvre. »
L’espoir de l’Usap
La position de Perpignan n’est pas beaucoup plus enviable. D’autant qu’elle a été agrémentée d’un accès de fièvre en interne : au soir de la cinquième défaite de rang de l’Usap, David Marty (attaque) et Gérald Bastide (défense) ont quitté le staff le Franck Azéma. Mais les Catalans ont pour eux l’expérience pour avoir disputé - et remporté - trois des cinq « access-match » organisés depuis leur instauration.
David Marty a démissionné au soir de la 5e journée.
XAVIER LEOTY / SO
« Perpignan a l’habitude d’aller chercher cette 13e place et qui sait jouer mieux que personne l’access match », prolonge Jonathan Wisniewski. « Les Catalans peuvent se rattacher à cet objectif, à court terme, de rester 13e. Si un concurrent se casse la gueule entre-temps, pourquoi pas ne pas enclencher une dynamique. Mais pour cela, il faut accrocher une première victoire. »
Pour des Montalbanais et des Perpignanais qui ont encore tout le temps de faire mentir les plus sombres pronostics, tout l’enjeu est là. Sans même parler du plaisir qu’ils éprouveraient à réussir à faire mentir ceux qui affirment que ce Top 14 se joue à 12…