« Ici Laurent B…th, est-ce que tu aurais une lame de scie à métaux et 20 mètres de corde à me dépanner ? amitié éternelle, Nicolas »
Bernie l’Elégant se demandait qui cela pouvait bien être étant donné que le gamin qui lui avait mis le papier dans la main avait pris le large au pas de course. La barre verticale au milieu de son front faisait s’incliner de façon disgracieuse le feutre à bords roulés qu’il avait payé à prix d’or avec la carte bleue signée Mohed A., aussi décida-t-il de se débarrasser du papier.
D’ailleurs il avait autre chose à foutre, étant donné qu’une montée à Paris était l’occasion de garnir son agenda – et son compte épargne – de rendez-vous d’affaires.
Arrivé à son bureau il déposa au fond du tiroir le colt cobra qui lui servait à menacer quotidiennement les deuxièmes lignes qui foiraient leur prise en touche et les policiers municipaux qui mettaient des prunes à sa Maserati.
C’était dit, à Paris, il profiterait de la vicinité du Bois de Boulogne et du Stade Shampoing pour aller voir les filles. Pas pour user un préservatif, mais plutôt pour relever les compteurs. Restait la question du costume. Son Prince de Galles à grands carreaux avait pris un ballon gras durant un entraînement – le maladroit était prêté à Bourgoin en représailles – Bernie chercha donc dans sa penderie, en remerciant in petto François Fillon pour ce cadeau inespéré = cinq costumes jamais portés et un drôle de bracelet qui se mettait à siffler très fort quand on passait une frontière.
Puis Bernie jeta un œil froid mais vite empli de larmes au portrait de Max, qu’il gardait dans son tiroir entre ses armes de poings et son certificat de moralité obtenu à Betharam pour avoir restitué l’oreille d’un scout après rançon et plainte des parents.
« Je t’ai aimé, Max, mais tu m’as trahi. » Puis il retourna le cadre et se rasséréna à la vue du sourire de Mohed, son nouvel amour. 
