Mercredi, sur le stade Pierre-Camou du CNR, c'était la première fois qu'on revoyait les Bleus à 15 contre 15 depuis le raté d'Edimbourg, début mars (défaite 28-17 face à l'Écosse). Une certaine curiosité existait car, ces derniers mois, le staff tricolore avait annoncé des évolutions dans le jeu offensif. En mai dernier, dans les colonnes de L'Équipe, Fabien Galthié avait évoqué l'idée de mieux utiliser les espaces dans le dos des défenses adverses, de « pouvoir déposer le ballon dans chaque tiers de terrain quelle que soit la zone où l'on se trouve », ou d'avoir « plus de meneurs et de liseurs de jeu. »
Malgré le manque de temps pour préparer ce premier match, face au pays de Galles ce samedi (21 heures), le staff a suivi sa ligne. « Dès samedi, nous allons apporter des modifications dans notre jeu offensif, disait l'entraîneur de l'attaque Laurent Labit, mercredi. Avec plusieurs meneurs de jeu identifiés. C'est pour cela que nous avons beaucoup échangé avec les joueurs (hors stage), pour gagner du temps lors des rassemblements, et surtout pour qu'on soit en phase dès qu'on rejoint le terrain. »
Difficile, à partir d'une grosse heure d'entraînement où le but était surtout de soumettre les Bleus à une intensité élevée, de distinguer clairement les petits changements voulus par le staff. Au détour de quelques actions, on a aperçu une combinaison autour des rucks dans laquelle un avant fait office de relayeur et sert Antoine Dupont à environ 5 mètres sur un côté. Ou un mouvement large-large en deux temps de jeu, avec un renversement par du jeu au pied décroisé de l'ouvreur.
On a noté également quelques lancements de jeu avec des redoublées du numéro 9 autour de ses trois-quarts, combinaisons que le manque de repères et de travail a fait avorter.
Pour le reste, mercredi, les Bleus sont apparus tels que Fabien Galthié et son staff les avaient sculptés l'hiver dernier : rush defense, utilisation des ballons de turnover, et recours massif au jeu au pied.
C'est ce dernier point qui a été le plus marquant lors de cet entraînement : même dans un contexte hors compétition, on a vu le Toulousain Romain Ntamack, pas vraiment habitué à ce style en club, taper dans les coins depuis sa ligne des 50 mètres, ou monter une chandelle. Un rappel du choix stratégique très clair de ce staff, et de son « installation » dans l'esprit des joueurs quand ils enfilent la tunique tricolore.
Il faut dire que jusque-là, la méthode, largement répandue au niveau international, a porté ses fruits. À la Coupe du monde, l'instauration de ce kicking-game avait amené des solutions par séquences. Lors du Tournoi, elle a été un socle des succès face à l'Angleterre ou au pays de Galles.
Par ce kicking-game abondant et ciblé, qui reste quasiment systématiquement dans les limites du terrain (seulement 8 coups de pied volontairement tapés en touche lors du Tournoi), les Bleus cherchent à piéger l'adversaire. En le coinçant dans des zones du terrain dont il est difficile de sortir (70 jeux au pied dans le couloir des 15 mètres), et en lui imposant des duels en l'air ou à la retombée afin de le mettre sous pression ou de récupérer le ballon. Les six chandelles décroisées de Ntamack et Jalibert à Cardiff, dont l'une a débouché sur le premier essai, signé Anthony Bouthier, en sont une parfaite illustration.
Au vu de cette réussite, et de l'entraînement de mercredi, il y a fort à parier qu'on verra encore beaucoup les Bleus se reposer sur leurs pieds ce samedi soir.