Derrière chacun des deux buts du Pré Bijou, les immenses perches du colocataire attendent leur heure, à l'horizontale. À toi, à moi : à Riom-ès-Montagnes (à prononcer « rion » si vous ne voulez pas trop passer pour un touriste), au pied de la tribune, les touches de jaune du Stade côtoient le orange de l'ORC, l'Olympique Rugby Club. Un terrain principal que les deux disciplines se partagent, « dans la bonne entente et en bonne intelligence », promet Cécile Duchaussoy, la trésorière adjointe du club de foot, installée dans la petite buvette du stade, 840 mètres au-dessus du niveau de la mer, au coeur du cadre verdoyant et vallonné du Parc naturel des volcans d'Auvergne.
Quelques mètres plus haut, après la main courante, le Pré Chappe, où les U18 se sont inclinés, samedi, en ouverture du Championnat, et où les U15 terminent un match amical au moment de notre arrivée. Ici, dans le pays de Gentiane, sur les bords de la Véronne, le Stade est une institution. Il n'a plus son lustre d'antan, certes, et le dernier titre de champion d'Auvergne remonte au milieu des années 1960, la dernière pige en CFA aussi. Depuis, des années en Régional, quelques descentes et, au printemps dernier, une nouvelle relégation. Retour en D1 (la 9e Division), deux ans après l'avoir quittée.

« Notre plus belle paie, ça serait les maillots »
Théo Charbonnel, joueur de l'équipe
Pour oublier une « saison galère », dixit le coach Pierre Jolivet, le 3e tour de Coupe de France face à l'Entente Nord Lozère (R2) arrive à point nommé, une semaine après une entame de Championnat départemental manquée à Pleaux (1-3), où l'un des titulaires manquait à l'appel après une panne de réveil à 17 heures. Samedi, tout le monde arrive à l'heure, sauf ceux qui bossent, parmi lesquels l'attaquant Nicolas Romain, dont la débauche est programmée à l'heure du coup d'envoi. Les premiers arrivés se lancent dans une pétanque ensoleillée sur l'autre rive de la Véronne, à l'ombre du dojo/boulodrome. Les autres arrivent à l'heure du coup d'envoi de Marseille-Nice, à l'écran dans la buvette puisque diffusé sur beIN Sports, contrairement aux matches de DAZN. « Trop cher », nous dit-on.
L'argent n'est pourtant pas un tabou. Le club compte 170-180 licenciés, en général, et s'appuie sur un budget qui tutoie les 90 000€ annuels, grâce essentiellement aux subventions des collectivités et à des partenaires fidèles. Ici, personne n'est payé à l'exception du responsable technique et de celui de l'école de foot, et surtout pas les joueurs, assure le président Arnaud Boissière, 35 ans, ambulancier au civil et d'astreinte samedi, avant de filer en courant, appelé pour une petite intervention. « Notre plus belle paie, ça serait les maillots », assure le jeune Théo Charbonnel, casquette rose sur la tête et survêtement du club sur le dos.

« C'est vrai que c'est l'objectif, confirme le capitaine Loïc Chassagne, 30 ans et parmi les doyens du groupe, qui a conservé celui qu'il avait gagné il y a six, sept ans. Le reste, en Coupe, c'est du bonus. » « La récompense, on l'aura si on gagne, reprend Charbonnel, le TikTokeur officiel de l'équipe. Si on crée l'exploit, on pourrait bien voir le soleil se lever », promet-il dans un sourire, lancé dans une brésilienne avec quelques coéquipiers après la collation. Des sourires, du chambrage, et quelques ballons dans la rivière, pendant que d'autres ont les yeux rivés sur la victoire de l'OM, et que d'autres encore grillent une dernière cigarette avant de filer au vestiaire.
Le fameux maillot, celui que la Fédération remet à toutes les équipes qualifiées pour le 4e tour, c'est un peu le Graal pour les amateurs. Et le tour qui précède, toujours, une sorte de petite finale. Pour l'occasion, trois arbitres, un délégué et, chose extrêmement rare pour l'entente Riom-Condat, une billetterie. Histoire de marquer le coup et parce qu'autour, « tout le monde le fait à ce tour-là ». Trois euros, quelques dizaines d'entrées payantes, 250 euros de recettes billetterie, à la louche.
Pas de quoi couvrir, a priori, les frais engendrés par la rencontre (arbitrage, collation, casse-croûte d'après-match). Surtout dans une Ligue si vaste où les arbitres peuvent venir de loin, très loin. « Parfois, de Lyon », à plus de 200 kilomètres, confirme Jolivet, l'entraîneur titulaire du BMF et qui a coaché la plupart de ses seniors (pas plus de 23 ans de moyenne d'âge) chez les jeunes, au cours de la douzaine d'années qu'il a déjà passée au club.

Pour les bénéfices, il faut se tourner vers le stand de saucisses-frites - au succès relatif ce week-end - et, surtout, vers la buvette. Quelques boissons chaudes alors que la température baisse sous les 5 degrés une fois la nuit tombée, pas mal de bières pour réchauffer les coeurs pendant que, sur le terrain, l'équipe locale se fait punir par l'Entente Nord Lozère. Un but du défenseur Aurélien Malartre sur corner, un autre de Pierre Serain à la suite d'un ballon trop vite rendu par la défense des Jaunes, et après vingt minutes, l'affaire semble déjà très mal embarquée. Gael Serviere manque l'occasion de revenir à 1-2 au retour des vestiaires, Bastien Ruat ajoute un troisième but sur une nouvelle erreur riomoise à l'heure de jeu (3-0). Deux Divisions et trois buts d'écart : l'affaire est entendue.
« C'est frustrant, regrette un peu Jolivet au coup de sifflet final, parce qu'on donne trois buts. Mais dans le jeu, on a montré des choses intéressantes. »« C'est de bon augure pour le Championnat », confirme le président Boissière. « C'est vrai que de notre côté, on n'a pas vraiment fait un bon match, mais on passe », reconnaît l'entraîneur lozérien Lilian Condon en descendant de la tribune depuis laquelle il a assisté, suspendu, à la victoire de son équipe. Son Entente Nord Lozère qui, dans quinze jours, portera la tenue si spéciale de la Coupe de France.

Une habitude, dans le département voisin. Souhaitons toutefois aux Occitans de ne pas être trop superstitieux : depuis le début de cette cuvée 2024-2025 en Coupe de France, toutes les équipes suivies par L'Équipe ont perdu au moment de notre venue. Une mauvaise série qui, tôt ou tard, devrait bien finir par s'arrêter.