Je mets ça là...
"C’est la vraie convivialité, l’une de nos plus grandes valeurs" : la tradition du pesage est-elle en danger en Top 14 ?
Les récents incidents à Aimé-Giral ont conduit l’USAP à réduire de manière significative sa jauge dans les pesages. Cette tradition propre au rugby est-elle en danger ?
C’est une image qui a toujours marqué Christophe Urios : celle du sprint des supporters clermontois essayant d’obtenir la meilleure place autour des barrières. « Un truc me marque à chaque fois que je viens au Michelin, ce sont les gens qui courent en pesage pour se mettre en place. C’est ça, l’histoire de Clermont pour moi. Et ce sont souvent des jeunes, et même des jeunes filles. J’aime ça dans ce club », avait lâché le manager clermontois lors de son arrivée en 2023.
Au stade Michelin, comme dans d’autres enceintes du Top 14 (*), le pesage demeure une tradition immuable. Une spécificité qui n’existe dans aucun autre sport collectif pratiqué en plein air. Pour les supporters, il s’agit même d’un rituel sacré, faisant partie intégrante des raisons pour lesquelles ils viennent au stade.
(*) Montpellier, La Rochelle, Castres, Perpignan, Montauban, Pau.
« C’est vraiment le côté positif que l’on a gardé du monde amateur, s’exclame Alexis Rabier, président de l’interclubs des supporters de l’ASM. Dans d’autres sports, les fans sont parqués et séparés bien distinctement. Là, ce n’est pas le cas : nous sommes tous ensemble. On est proches du terrain et des joueurs, c’est la vraie convivialité. C’est l’une de nos plus grandes valeurs, qu’il va falloir défendre dans les années à venir. »
Le pesage dans les stades de rugby serait-il en danger ? Ces derniers temps, il est en tout cas sous surveillance. Le 20 septembre dernier, lors du match Perpignan – Racing, un supporter placé en pesage s’est introduit sur la pelouse d’Aimé-Giral lors d’une échauffourée entre les acteurs. D’autres spectateurs en ont profité pour lancer de la bière sur les joueurs. En mars, toujours à Perpignan, des supporters catalans ont proféré des insultes envers l’ouvreur bordelais Matthieu Jalibert. Des actes intolérables et répétés qui n’ont pas manqué de faire réagir dans le microcosme du rugby.
Face à ces troubles, l’USAP a été sommée de réagir. Le club catalan a publié, en début de semaine, un plan de prévention et de lutte contre les incivilités. Une charte ayant des conséquences directes sur la tenue du match Perpignan – Stade Français ce samedi. Les gobelets et autres objets pouvant servir de projectiles seront interdits au bord du terrain. Et surtout, la capacité du pesage sera limitée à 500 supporters seulement, au lieu de 1.500 habituellement.
"L’ADN du rugby"
Cette première décision peut-elle être suivie d’actes encore plus forts ? La Ligue nationale de rugby assure refuser d’envisager la fermeture des pesages.
« Les pesages sont très ancrés dans la culture de notre sport, affirme Emmanuel Eschalier, directeur général de la LNR. Cette proximité, cette convivialité et cette accessibilité donnent un côté immersif. Notre approche n’est pas d’éliminer les pesages. Bien évidemment que nous condamnons sans réserve les incidents de Perpignan. Mais il ne faut surtout pas faire d’assimilation ni de généralisation. Le sujet d’une éventuelle disparition des pesages n’est absolument pas à l’ordre du jour de la Ligue, car ils représentent l’ADN du rugby. »
Après son passage devant la commission de discipline, l’USAP a été condamnée à une amende totale de 50.000 euros (dont 2.000 avec sursis) et à une interdiction de deux matchs à domicile (dont un avec sursis).
Pour éviter d’en arriver à des décisions encore plus sévères, chaque club devra faire preuve d’une vigilance accrue concernant ses supporters. « Des consignes très claires ont été données aux présidents de club. En cas d’incidents, il faut envisager un dépôt de plainte et une exclusion commerciale des personnes fautives », explique Emmanuel Eschalier.
Les supporters ont également un rôle à jouer pour cibler les fauteurs de troubles. « Il faut se parler entre nous. Dès que l’on voit quelqu’un insulter l’arbitre, il faut lui signifier que cela n’a pas sa place dans le stade. Il faut aussi faire de la prévention. Et au Michelin, cela fonctionne. En tant que président d’association de supporters, je n’ai jamais vu d’incidents dans les pesages », confie Alexis Rabier.
Les 3.369 spectateurs des pesages du Michelin devraient donc encore avoir le loisir de courir.