https://www.lefigaro...ousain-20250213
INFO LE FIGARO La LNR dispose d'éléments attestant que le Club champion de France avait mis au point un stratagème pour ne pas inclure le paiement de la clause libératoire de Melvyn Jaminet dans son budget.
«Cest une grosse affaire, un dossier explosif» Une source au fait des arcanes de la Ligue Nationale de Rugby (LNR) ne cache pas sa sidération en revenant, pour le Figaro, sur les tenants et les aboutissants de ce quil convient dappeler laffaire Jaminet. Révélées il y a deux semaines par LÉquipe , les ramifications de ce montage financier et ses répercussions sont encore incertaines. Mais ce qui commence à se dessiner va placer le Stade Toulousain dans une situation délicate. «Ils vont avoir des difficultés pour sen sortir. Cest soit payer le prix fort, soit lopprobre et le soupçon», résume notre informateur.
Un rappel des faits simpose. Nos confrères de LÉquipe ont révélé que larrière international (20 sélections), actuellement à Toulon, sest lourdement endetté en contractant deux emprunts pour payer à Perpignan sa clause libératoire, à hauteur de 450.000 euros, afin de pouvoir quitter le club catalan et rejoindre le Stade toulousain en 2022. Le club champion de France sétait engagé à rembourser Melvyn Jaminet. Ce quil na pas fait directement mais très certainement via ce montage financier dont il avait confié la mise en uvre à Arnaud Dubois, avocat spécialisé bien connu dans le petit monde du rugby pro et, aujourdhui, président du Biarritz Olympique (Pro D2).
Le stade Toulousain reconnaît des échanges formalisés avec la LNR
Le quotidien sportif avait retracé le parcours de largent, via des sociétés basées à Limoges, probablement des sociétés-écrans. Car lobjectif du Stade Toulousain était de ne pas faire apparaître cette somme dans son budget sous peine de dépasser, et denfreindre, le salary-cap (plafond de la masse salariale imposé à tous les clubs, il est de 10,7 M en Top 14, NDLR). Mais ces 500.000 euros (comprenant la commission dArnaud Dubois) ont disparu dans la nature. Plaçant Melvyn Jaminet dans une situation financière plus que précaire puisque le remboursement na toujours pas été effectué.
Une semaine après la révélation de ces faits, le Stade Toulousain avait fini par réagir en reconnaissant que ce transfert faisait «lobjet déchanges formalisés» avec la Ligue Nationale de Rugby. «Le club entend réserver ses réponses et prêter tout son concours, comme lexige la réglementation, sans pour autant considérer que sa responsabilité puisse être engagée», écrivait le club haut-garonnais dans un communiqué. Se dédouanant de toute tentative de fraude et malversations. Le président du Rugby Club Toulonnais, Bernard Lemaitre, avait sèchement répondu à cette tentative. «Moralement, ils (Toulouse, NDLR) nont quune chose à faire, cest rendre largent à Melvyn. Leur montage nest pas secret, cest fini ça», avait-il déclaré dans la foulée à LÉquipe, alimentant un peu plus le soupçon.
Il faut dire que, toujours selon nos informations, le «salary cap manager» - un expert indépendant appointé par la LNR pour contrôler le respect du plafond salarial - a en sa possession de nombreux documents. «Le directeur financier du Stade Toulousain était abasourdi devant toutes ces preuves. Ce nest pas parole contre parole, cest difficile à justifier» Avec des détails troublants. Ainsi le contrat entre la supposée société-écran (Pacific Heart, inscrite au registre du commerce de Papeete) et le Stade Toulousain. Celui-ci prévoyait que, moyennant... 500.000 euros, cette société organise, pour le rayonnement international du Stade Toulousain, une tournée, avec un stage et une rencontre amicale, dans le Pacifique.
Une position intenable
Or, curieusement, le club rouge-et-noir sest dédit de son engagement dans la période contractuellement prévue. Ce qui nentraînait pas de pénalité financière. «Le club ne devait donc rien, or il sest quand même acquitté des 500.000 euros», relève une autre source au fait de la procédure. Une somme qui a ensuite disparu, le Stade Toulousain ayant été escroqué par lun des intermédiaires. Lequel ? Impossible den savoir plus. Le club haut-garonnais nayant, pour linstant, pas engagé de procédure judiciaire afin déviter que les méandres de cette affaire ne fuitent, Arnaud Dubois na pas eu à livrer sa version des faits.
Un Stade Toulousain dans une position intenable. Si ses dirigeants ont, selon nos informations, reconnu certains éléments devant le «salary-cap manager» de la Ligue, ils cherchent avant tout que ce que notre source qualifie de «montage grossier» ne soit pas étalé au grand jour. Redoutant dêtre placé au cur de la suspicion et dy récolter une réputation sulfureuse. Dautant plus, que sur fond délections à venir pour la présidence de la LNR, certains présidents du Top 14 attendent Didier Lacroix au tournant , sachant que René Bouscatel, en campagne pour sa réélection, ne pourra pas lui être dun grand secours.
De plus, du côté toulonnais, on ne relâche pas la pression. Que ce soient les conseils de Melvyn Jaminet, qui poussent à un remboursement rapide, ou le président Lemaitre, qui refuse de lâcher «un gamin effondré, qui est endetté, qui na plus rien et pour lequel cest une question de survie». Pour que cette affaire ne sétale pas sur la place publique, le Stade Toulousain na guère dautre choix que de payer. En effet, dans le cadre dune médiation, les éléments demeurent secrets. À linverse de la voie du contentieux. «Mais ça va leur coûter une fortune, prévient notre source proche de la LNR. La médiation se dirige vers une amende de trois fois la somme, soit 1.350.000 euros.» Si lon ajoute les 450.000 que le club va certainement devoir rembourser à Melvyn Jaminet, on atteint le total de 1,8 million deuros !
Épée de Damoclès
Le Stade disposait de 45 jours pour négocier sa contribution financière pour infraction au salary cap. En labsence daccord à lissue de ce délai, il comparaîtra devant la commission de discipline et des règlements de la LNR. Une procédure qui se tiendrait, elle, au grand jour... Avec une épée de Damoclès supplémentaire pour le club champion dEurope et de France. Dans laffaire du transfert, lui aussi dans des conditions troubles, du Sud-Africain Cheslin Kolbe vers Toulon en 2021, Toulouse avait été condamné par la Ligue à 50.000 euros avec sursis. Un sursis qui pourrait, au passage, sauter. Et le montant de cette amende possiblement doubler
Contacté par Le Figaro, le Stade Toulousain a réaffirmé «conformément à la réglementation, réserver à la LNR ses observations sur ce transfert. Ces mesures de confidentialité nous sont impératives au-delà de toutes intentions.»