voici l'intégralité:
Quelques jours après la défaite de votre club à domicile
devant Montpellier, quel sentiment vous inspire
votre saison ?
Aucun, parce que celle-ci n’est pas terminée. En revanche,
pour ce qui est de ce début de saison, il faut bien dire que
nous avons perdu beaucoup de points bêtement. Ce qui nous
place aujourd’hui dans une situation difficile, mais qui n’est pas
définitive. Pour faire très simple, il nous reste dix matchs de championnat
: cinq à domicile, cinq à l’extérieur. Autrement dit, il faut
tout remporter à domicile, si possible en obtenant quelques
points de bonus, et gagner trois fois à l’extérieur. Ce qui ne
me paraît pas totalement impossible. Si vous me demandez quel
est notre pourcentage de chances de nous qualifier, je vous
dirais qu’il est d’environ 30 %…
Vous êtes optimiste…
Je ne crois pas.
La malchance qui frappe Clermont cette saison est
terrible. Le week-end dernier, l’ASM a perdu
Abendanon avant le match, Toeava pendant et
Rougerie après… Comment vivez-vous cet enchaînement
de déveines ?
Vous la vivez comme vous pouvez, en faisant le dos rond.
Qu’est-ce que vous voulez faire ? Vous ne vous mettez pas
face à la guigne, vous vous dites juste que la roue va tourner.
À moins que quelque part au fin fond de l’Afrique ou
d’Haïti, un gourou ou sorcier vaudou nous jette un sort en
nous plantant des aiguilles, il n’y a pas de raison d’être supersititieux.
Pas de place pour la lassitude ?
Je n’en ressens pas, en tout cas. Je sens simplement un staff
et une équipe qui se disent que les choses vont tourner dans
le bon sens et qui travaillent dur pour cela.
Vous vous montrez résolument optimiste, au contraire
de discours de joueurs plus catastrophistes dimanche
dernier…
Le fait d’avoir concédé la défaite de dimanche
dernier pour le retour de Vern Cotter y a-t-il
contribué ?
Je n’ai pas entendu de discours catastrophistes. Les joueurs
vous ont juste dit la même chose que moi. Il est évident qu’il
sera plus dur de nous qualifier avec 25 % de chances qu’avec
75 %, mais ce n’est pas impossible. Nous nous déplacerons
à Agen juste avant de recevoir Toulouse lors de la dernière
journée. Si tout se passe au mieux pour nous, peut-être que ce
match sera décisif pour l’attribution de la sixième place…
La possibilité d’une non-qualification pour la Coupe
d’Europe l’an prochain a-t-elle été budgétée dans voter
prévisionnel ?
Par règle, tous les budgets qui sont transmis à la Ligue et à la
DNACG sont faits sans prendre en compte une qualification pour
les phases finales ou la Coupe d’Europe. C’est simplement
lorsque l’on est qualifié que les budgets augmentent. Tout ce
que je peux vous dire, c’est que même si nous ne nous qualifions
pas pour les phases finales et pour la Coupe d’Europe
l’an prochain, nous serons à l’équilibre. En revanche, la vraie
déception serait d’ordre psychologique. Elle pourrait entraîner
certaines désaffections, au niveau des partenaires, des
supporters, des fans. Cela n’est pas mesurable. Mais il me
semble que vis-à-vis d’eux, nos dernières saisons nous ont offert
un joker car je ne perçois pas beaucoup de critiques très
virulentes, que ce soit dans la presse ou sur les réseaux sociaux.
Au vu des aléas subis par Clermont cette saison, difficile
de ne pas se montrer compréhensif…
Nos amis supporters sont capables de comprendre un certain
nombre de choses, et en cela ils montrent des qualités. En revanche,
si cela devait se reproduire deux saisons de suite, ce
serait moins acceptable. Mais pour revenir à votre hypothèse
de non-qualification, je préfère préciser : un, nous ne sommes
pas éliminés en Top 14. Deux, il y a la voie de la Coupe d’Europe.
Nous ne sommes pas encore sortis de la course. Si certains sourient
en se disant que nous ne serons pas européens la saison
prochaine, ils feraient bien de ne pas se réjouir trop vite…
Clermont a souvent payé en Coupe d’Europe le fait
d’évoluer sur deux tableaux. Compte tenu des difficultés
à viser une place en phases finales du Top 14,
n’y aurait-il pas intérêt à exceptionnellement se focaliser
sur la Champions Cup ?
Mais non ! (il s’anime) Je m’excuse, mais c’est une question
qui n’a pas de sens. Si nous étions mathématiquement éliminés,
ce serait autre chose, mais ce n’est pas le cas. En plus, vous
me la posez au moment où nous allons retrouver des forces vives,
avec des joueurs frais qui n’ont pas joué depuis quatre
ou cinq mois. Certes, il va falloir les remettre au niveau, mais
nous serons beaucoup plus forts aux mois d’avril et mai qu’aujourd’hui.
Notre cap, c’était qu’en gagnant contre Montpellier,
nous nous serions retrouvés en situation favorable avec le retour
de nos blessés. D’accord avec la défaite, la situation est
maintenant moins favorable. Mais l’équipe qui est la nôtre en
ce moment n’est pas celle dont nous disposerons dans quelques
semaines. Alors, faites tout de même très attention au
Clermont du printemps…
Il semble toutefois plus difficile que jamais de se
montrer performant sur deux tableaux…
(il coupe) Jusqu’à preuve du contraire, nous sommes en lice sur
les deux tableaux, puisque nous ne sommes encore éliminés
d’aucune compétition. On ne gagne certes pas sur les deux, mais je vous rappelle
qu’en 2015 et 2017,nous sommes allés en finale du Top 14
et de la Coupe d’Europe. On n’est donc pas si loin que
ça d’être performant sur les deux tableaux.
Justement, le fait de vouloir jouer les deux
tableaux ne se paie-t-il pas d’une saison à
l’autre ?
Là, je vous donne raison. En fait, le vrai prix à payer concerne
moins la saison que la présaison suivante, qui est trop courte pour remettre
les joueurs à niveau. On n’a pas assez de temps. Je ne parle pas seulement
de la coupure physique, mais de la coupure psychologique. Ce qui
charge les joueurs pendant les phases finales, c’est l’intensité
du combat, mais surtout de la préparation au combat
nécessaire pour être compétitif à 110 %. Ce facteur psychologique est
très fort, et je pense assez épuisant.
Faut-il y voir l’explication de l’inconstance de votre
équipe, notamment à l’extérieur en début de saison ?
Je pense que c’est un facteur important, oui. Après, est-ce
que c’est seulement à cela qu’il faut l’attribuer ? Je sais que
tout le monde aime bien que les réponses soient blanches ou
noires, mais la réalité est probablement plus complexe que
ça, qui est difficile à quantifier. Quoiqu’on voit bien, dans le monde
du rugby, que la valeur de l’engagement est fondamentale. Je
parle cette volonté de combattre en équipe, cette capacité
d’échanger, de partager avec ses collègues. Tout cela est éminemment
psychologique.
Voyez-vous quelque chose à rajouter pour compléter
votre propos ?
Si je devais rajouter une problématique, j’en évoquerais une :
pourquoi les rucks ne sont-ils pas arbitrés de la même façon
en Top 14 ou en Coupe d’Europe, alors que ce sont les mêmes
règles et les mêmes arbitres ? Je ne la vois jamais posée, et
je ne comprends pas pourquoi. Or, tous ces sujets sont liés.
Si on favorise les brutes, alors on facilite les commotions cérébrales.
Il y a une manière d’arbitrer en Top 14 qui favorise la
brutalité et augmente les risques pour les joueurs, que ces
mêmes arbitres se gardent bien de pratiquer sur le plan international.
Et ça, je ne comprends pas pourquoi. C’est trop facile
de séparer ces thématiques, alors que ce sont les arbitres qui
favorisent la brutalité. Quant on a affaire à MM. Poite,
Garcès, etc., on a affaire à des arbitres internationaux, de très
haut niveau. Et on les couvre, en disant que ce sont des arbitres
internationaux. Mais quand je vois la première mi-temps
du match contre Montpellier dirigé par M. Garcès, je n’ai pas
l’impression de voir un arbitrage des rucks digne du niveau international.
Il y a là un truc qui m’échappe… À ce sujet, j’ai
d’ailleurs été réconforté par les articles de MM. Méné et Dumé
(publiés dans l’Équipe au sujet du nouveau mode de désignation
des arbitres, N.D.L.R.), où ces gens disent que tout est
clair au niveau de l’arbitrage. Or, des deux messieurs se passent
une peignée par presse interposée, ce qui révèle bien
qu’il se passe certaines choses.
Seriez-vous favorable, comme Mourad Boudjellal qui
prépare en ce moment un projet de financement, à
une professionnalisation totale de l’arbitrage ?
Je ne sais pas ce que prépare Mourad, mais en ce qui nous concerne,
cela fait cinq ans que l’on dit qu’il faut des arbitres professionnels.
C’est une évidence, tout comme la nécessité de
la création d’un Top 12.
Vous parlez là d’un serpent de mer…
On ne résoudra aucun problème du rugby français sans passer
par là. Si on veut un rugby français à la fois performant et
équitable, le seul moyen est de réduire le nombre de clubs.
Vous avez bien vu les résultats de Lyon-Agen et de Paris-Pau
ce week-end… Pour l’image du rugby et du point de vue de l’équité
du championnat, c’est une catastrophe. Quand le Stade
français prend 40 points à domicile, c’est bien qu’il a lâché,
et je ne sais pas jusqu’où il peut lâcher. Mais si les Parisiens
se réveillent contre nous pour diverses raisons et parviennent
à nous contrer dans deux mois, on pourra considérer que ce championnat
est truqué. C’est bien qu’il y a quelque chose qui ne va
pas. ■