L'équipe du jour :
RUGBY
TOURNOI DES SIX NATIONS ÉQUIPE DE FRANCE
«Tout petit, j'étais déjà grand»
Il nous a donné rendez-vous pour prendre un café, en face de la cathédrale de Clermont en pierre (noire) de Volvic. Il désigne l'édifice : «Elle est magnifique. J'y vais à la messe les mercredis et vendredis. » Paul Jedrasiak (23 ans), originaire de Châteauroux, a la foi, «mais je ne m'étale pas sur ça ». Le nouveau colosse (2mètres, 120kg) «je mesurais 1,90 m à treize ans, 2 mètres à quatorze » des Bleus, à son avantage pour sa première sélection face à l'Italie (23-21), s'était raconté en fin d'année dernière.
"Mon grand-père est descendu à la mine à quatorze ans"
« Mes grands-parents paternels, nés en Pologne, sont arrivés en France avant la Seconde Guerre mondiale. Ils se sont installés vers Commentry (Allier), où il y avait une mine. Mon père m'en a beaucoup parlé par rapport à notre identité. Mon grand-père est descendu à la mine à quatorze ans, à la suite de son père décédé, pour nourrir sa famille. Quand je me dis que moi je faisais beaucoup de rugby à quinze ans.... Je suis très fier des valeurs qu'on m'a inculquées. J'ai eu la chance de jouer en Pologne avec une équipe de France de jeunes. Pour en avoir discuté avec des Polonais, j'ai ressenti leur fierté par rapport à tous ceux qui ont réussi en France.»
"Ma mère tient les entrées au stade"
« J'aime bien Châteauroux, une ville avec du charme, sur l'Indre. Il y a déjà eu un international castelroussin : Frédéric Costes (1). Ce n'est pas forcément une terre de rugby, donc on a à coeur de bien la représenter. Le maire, Gil Averous (LR), m'envoie des messages de temps en temps. Des gens du RACC (Rugby Club Athlétique Castelroussin) me suivent sur Facebook. Ma mère, "Lily", tient les entrées au stade où joue le club et s'occupe des joueurs étrangers, de leurs papiers, des cartes Vitale... Ils viennent souvent manger à la maison.»
"À huit ans, on m'a demandé si j'avais bien moins de quinze ans..."
«Mon papa, Jean-Pierre, dit souvent que tout petit, j'étais déjà grand. Il est lui-même très large d'épaules. On a des physiques impressionnants, côté polonais, c'est monstrueux quand on se retrouve à table. J'ai également un grand-père très costaud du côté italien (maternel). Mes parents m'ont laissé à l'école de rugby la première fois lorsque j'avais huit ans. Comme j'étais grand, l'entraîneur des moins de 15 ans m'a demandé si j'avais bien moins de quinze ans... J'ai répondu oui, forcément, j'en avais huit (il rit). Quand ma mère est revenue, elle me cherchait avec les enfants de mon âge, elle ne me retrouvait pas et s'est inquiétée. J'étais sur le terrain d'en face avec les moins de 15 ans... On a bien vu qu'il y avait un problème au niveau de la compréhension par rapport aux autres gamins de cette équipe, mais ça a duré toute une séance.»
"Ces kilos, je les ai pris naturellement"
«Les propos de cette personne (il ne prononce pas le nom de Laurent Bénézech [2]) ça ne me dérange pas d'en parler. Mais j'ai pris ça en pleine gueule. Je ne l'ai jamais eu et j'ai appris ça par un journaliste, alors que j'étais à un repas chez des amis. Ça m'a fait du mal moralement. Mes parents m'ont appelé. Imaginez-vous mon père et ma mère : c'était quelque chose d'affreux. Ces kilos, je les ai pris naturellement.
L'année où je me serais "dopé", j'étais à Marcoussis, donc à la FFR... J'ai toujours eu un suivi (longitudinal) net en club et à la Fédé. Je n'ai aucun respect pour cette personne. Je la remercie, parce que j'ai eu trois contrôles en un mois, mais je n'ai aucun respect pour elle.»
"Je suis attendu, cest vrai"
« Depuis les jeunes, je suis attendu, c'est vrai. La différence, c'est que le monde des "grands", de l'équipe de France, on le juge sur toute une carrière. Philippe Saint-André avait cité mon nom une fois, en disant que je jouais peu. Il avait raison, mais il fallait du temps pour jouer à mon âge. On peut vite casser la baraque... Mon père, c'est un peu mon meilleur ami, à l'américaine. J'ai tenu à ce qu'il soit là avec ma mère quand j'ai signé mon premier contrat pro (novembre 2013), puis ma prolongation (novembre 2015) à Clermont. Il n'a jamais voulu que je grille les étapes et que je sois surclassé, sauf si ça se faisait naturellement. Je ne me suis jamais dit que j'étais plus fort que tout le monde mais que j'avais une chance énorme d'être avec des gars qui avaient un an de plus. »
(1) Ancien ailier comptant 6 sélections, resté célèbre pour son sauvetage à la dernière seconde de NouvelleZélande - France (19-24) le 14 juillet 1979 à l'Eden Park.
(2) En juin 2014, l'ancien pilier international, évoquant le dopage dans le rugby, avait nommément cité Paul Jedrasiak, soulignant qu'il avait pris 20kg en quelques mois en 2013. L'ASM Clermont avait répondu qu'il avait pris en fait 5kg.
2: Après Gaël Fickou, Jedrasiak est le 2e joueur issu de la promotion RenéDeleplace (2012) du Pôle France de Marcoussis à être sélectionné en équipe de France.