Pour les Midol-réfractaires :
"Vous avez réalisé un excellent championnat des provinces (12 matchs, 12 titularisations, 6 essais) mais vous n'avez toujours pas disputé le moindre match avec les Crusaders en Super 15. Pourquoi ?
Il vaudrait mieux poser la question au staff des Crusaders ! Je traverse une période particulièrement frustrante... Je suis en pleine forme mais je ne joue pas. Alors je m'entraîne dur dans mon coin. Les Crusaders sont partis en tournée en Afrique du Sud, mais je suis resté au pays pour m'entraîner chez moi, à Hawkes Bay. J'ai fait des gros efforts pour revenir à mon meilleur niveau et cela a payé lors du championnat des provinces (Hawkes Bay a atteint la finale du championnat de deuxième division de la ITM Cup et a manqué la montée d'un point à cause d'une défaite contre Tasman 26-25). En réalité, je pense qu'ils n'ont pas vraiment apprécié le fait que je quitte le pays et que je m'engage avec Clermont. Mais il faudra leur poser la question...
Comment vivez-vous cette situation ?
En me concentrant sur un seul et unique objectif : rester au meilleur niveau possible. Pour cela, je m'entraîne dur et joue tous les week-ends. En ce moment comme mes partenaires sont partis en Afrique du Sud, je joue avec le club de la ville d'où je suis originaire, Napier. Je veux arriver à Clermont avec 100% de mes capacités.
Avez-vous eu une discussion avec l'entraîneur en chef des Crusaders Todd Blackadder ?
Oui, il m'a assuré que j'aurai ma chance dès leur retour d'Afrique du Sud et qu'il me suffisait d'être un peu patient. L'équipe passe en premier et j'ai mis mon ego de côté, alors je bosse. Et je peux vous assurer que je saurai saisir ma chance quand celle-ci se présentera. Que ce soit dans deux semaines avec les Crusaders ou plus tard avec Clermont.
On sent que vous avez des fourmis dans les jambes...
C'est vrai, je ne suis pas quelqu'un de patient. Je n'ai qu'une envie, c'est de m'éclater sur un terrain. Je ne peux pas le faire avec les Crusaders alors je le fais avec mon club tous les week-ends et je m'entraîne bien toute la semaine. De toute façon je n'ai aucune patience et je ne supporterais pas de rester inactif toute la journée... Donc je m'occupe !
Hormis le rugby, avez-vous ajouté d'autres occupations à votre emploi du temps ?
Oui, avec la "development team" des Crusaders (l'équivalent des espoirs). Pour participer au développement des jeunes joueurs, notre manager nous encourage à suivre différents cours. Pour ma part, j'ai sélectionné des cours de cuisine et de français ! Mon français n'est pas encore très bon mais j'espère rapidement progresser.
Quel objectif vous êtes-vous fixé avec les Crusaders ?
Je veux partir sur une bonne note. Je veux jouer le maximum de matchs et participer aux phases finales. Les choses ne vont pas très bien en ce moment (les Crusaders ont perdu à domicile contre les Chiefs lors du premier match de la saison et ne comptent que deux victoires en cinq matchs) et j'ai très envie d'aider mes coéquipiers à sortir de cette situation. La saison est encore longue et je veux me préparer au mieux pour me mesurer au Top 14 et à la Coupe d'Europe dans quelques mois.
Comment expliquez-vous ce mauvais début de saison des Crusaders ?
Déjà, nous avons toujours eu la fâcheuse tendance à mal commencer nos saisons. Nous sommes un peu lents à la détente... Et d'après ce que je vois, il me semble que nous avons du mal à jouer comme une équipe et à respecter un plan de jeu auquel tout le monde devrait se tenir. Nous avons tendance à l'oublier en match et chacun y va de son choix personnel.
C'est pourtant étrange car l'effectif est resté stable tout comme le staff...
C'est vrai, nous nous posons tous cette même question. J'imagine que l'absence de nos leaders laisse aussi un grand vide dans l'équipe : on ne remplace pas comme cela des mecs comme RIchie McCaw (absent depuis la deuxième journée) ou Dan Carter (en congé sabbatique).
Venons-en à la France; Est-ce que le fait de vous projeter dans votre future aventure clermontoise vous aide à traverser cette période ?
Tout à fait : tout ce que je fais en ce moment, c'est pour rejouer avec les Crusaders, mais aussi pour Clermont. Je veux arriver en France au top de ma forme.
Que savez-vous de Clermont ?
Je n'ai pas encore eu le temps de m'intéresser à la ville, mais j'ai regardé plusieurs matchs de l'ASMCA en Top 14 par l'intermédiaire de la chaîne Sky. Cela m'a donné une bonne idée de sa façon de jouer et cela a aussi renforcé mon envie.
Pourquoi Clermont et pas un autre club français ?
Clermont joue les premiers rôles en Top 14 et en Coupe d'Europe. Et d'après ce que l'on m'a expliqué c'est un club qui dispose de fondations très solides. En ce sens il ressemble aux Crusaders. Enfin, le fait que je connaisse quelques Kiwis de l'ASMCA a aussi pesé dans la balance...
Qui par exemple ?
J'ai beaucoup échangé avec Mike Delany. Il m'a dit que l'ASM était un excellent club, soutenu par un public fantastique. Il m'a aussi dit qu'il ramait en français même après plusieurs mois de pratique ! J'ai aussi passé un coup de fil à Régis Lespinas avec qui j'ai joué à Hawkes Bay et il m'en a aussi dit beaucoup de bien et n'a émis qu'une seule réserve...
Laquelle ?
Il m'a dit qu'il faisait beaucoup plus froid qu'à Napier ! C'est normal... Mais ce n'est pas cela qui va m'arrêter !
Vous constaterez que la nature auvergnate est aussi verte qu'en Nouvelle-Zélande...
Oui, je suis au courant. C'est pourquoi il me tarde de venir. J'ai vraiment hâte de vivre quelque chose de nouveau. De découvrir un pays, une région, une culture.
Pourquoi avez-vous décidé de partir ?
J'ai senti que le temps était venu de changer. Malgré mon jeune âge, cela fait six ans que je fais la même chose avec les Crusaders. Il me fallait relever un nouveau défi, me mesurer à de nouvelles compétitions... Et me frotter à d'autres joueurs de haut niveau que ceux de l'hémisphère Sud.
Quand avez-vous eu le déclic ?
Je l'ai eu il y a un an, un an et demi. Sportivement, j'avais besoin de changement. Et j'ai aussi réalisé que j'avais l'opportunité d'assurer mon avenir en gagnant un peu plus d'argent qu'en Nouvelle-Zélande. Maintenant je me dis que je pourrais très bien finir ma carrière en France.
Mais vous n'êtes pas encore arrivé !
Je sais ! Mais il me reste facilement six saisons à jouer... Alors je me dis : "Pourquoi pas ?". Si les choses se passent bien et que je n'éprouve pas trop le mal du pays... Je connais plusieurs joueurs néo-zélandais qui ne veulent plus quitter la France après s'y être installés alors pourquoi pas moi ?
Vous avez vécu une saison délicate l'année dernière, notamment en raison de plusieurs écarts de conduite dus à l'alcool. Ces faits ont été largement relayés par les médias néo-zélandais qui ne vous ont pas épargné. Avez-vous ressenti le besoin de redevenir anonyme ?
Absolument. Vous savez, la Nouvelle-Zélande est un tout petit pays : à la moindre erreur, tout le monde le sait, et la presse néo-zélandaise est particulièrement rude. Elle n'a pas de considération pour la vie privée : les journalistes néo-zélandais ne sont pas aussi sympas que leurs homologues français ! Je suis sérieux, j'ai pu le constater durant la Coupe du Monde 2011. Et puis en France je ne serai pas aussi connu qu'ici. J'ai éprouvé le besoin d'aller jouer là où je pourrais me concentrer sur le rugby et être moins exposé.
Vous avez commis des erreurs. Avez-vous appris de celles-ci et décidé d'être plus rigoureux dans votre vie privée ?
Tout à fait. J'ai traversé des moments difficiles mais j'ai beaucoup appris. Cela a pris du temps, j'ai parfois fauté, mais j'ai appris à mettre de l'ordre dans ma vie : non seulement pour moi, mais aussi pour l'équipe avec laquelle je joue, afin de développer le meilleur rugby possible.
Vous allez succéder à un autre All Black, Sitiveni Sivivatu, qui s'est engagé avec Castres pour les trois prochaines saisons. Est-ce que cela vous ajoute un peu de pression ?
Mon dieu... Je ne veux même pas être comparé à Siti ! Ce mec est une vraie légende du rugby vous savez... Je peux juste vous assurer que je ferai tout mon possible pour servir l'équipe et marquer le maximum d'essais ! J'ai vraiment hâte."