Pour moi , un très grand président, incroyablement écarté de la présidence de la LNR
Vincent Merling, président du Stade Rochelais : « On ne veut pas être un grand club éphémère » Président du Stade Rochelais depuis 1991, Vincent Merling raconte la manière dont il a vécu la finale de Coupe des champions remportée par son équipe contre le Leinster (26-27) samedi à Dublin, entre hostilité irlandaise et scénario renversant. Le dirigeant se projette aussi sur le futur de son club.
Au lendemain de l'exploit du Stade Rochelais contre le Leinster en finale de la Coupe des champions (26-27), et avant de participer à la parade sur le port de la ville, ce dimanche après-midi, Vincent Merling, président du club depuis 1991, a témoigné sa joie de voir son équipe décrocher une deuxième étoile en deux ans dans la compétition.
« Après ce 17-0 en douze minutes, je me suis dit "est-ce qu'on va être à la hauteur de l'événement ?" »
« Vingt-quatre heures après la victoire en finale de Coupe des champions contre le Leinster, réalisez-vous la portée de l'exploit accompli par votre équipe ?
Sur le moment, on est heureux, dans l'ivresse, mais on ne réalise pas. Mais plus les heures passent, plus je réalise l'exploit que cette équipe et ce staff ont réalisé. Aller battre le Leinster à Dublin, c'est énorme, extraordinaire.
En plus avec ce scénario renversant...
Oui. Quelque part, après ces trois essais à zéro en douze minutes, je me suis dit « est-ce qu'on va être à la hauteur de l'événement ? Je commençais un peu à douter. Mais j'ai parlé avec Pierre (Venayre, le directeur général du club), on s'est dit qu'il fallait marquer vite. Notre mêlée a commencé à prendre le dessus, Jonathan Danty a marqué un essai, ça m'a rassuré. Après, je n'ai plus douté un seul instant.
Les joueurs ont dit ne pas avoir douté après cette entame ratée. Ça vous étonne ?
Ils sont vraiment incroyables, ils ont atteint une maturité extraordinaire. Avant le match, Greg (Alldritt), le capitaine, avait dit : « quoi qu'il arrive, on ne change pas la stratégie qu'on a décidé de mettre en place pour ce match ». Le quoi qu'il arrive, ça a été prendre 17 points en douze minutes, et ils sont restés dans le protocole stratégique de jeu. Nos joueurs avaient envie de défier le Leinster chez eux. On savait que gagner ici pouvait être un exploit sportif incroyable dans le monde du rugby, incomparable. Toute la préparation a été tellement sereine. On savait qu'on était capable de réaliser ce qui était impensable.
À quel moment avez-vous senti le Leinster trembler, un peu comme lors de la finale de l'an dernier ?
Quand on est revenus à 9 points. Ce n'est rien en matière de rugby. L'important était de leur mettre le doute, qu'ils sentent qu'on était derrière eux et qu'on pouvait passer. Et c'est ce qui a eu lieu, ils ont trouvé une touche directement, l'embellie du premier quart d'heure s'est estompée et nos joueurs ont pris le dessus. La deuxième mi-temps a été extraordinaire. Ça a presque été le remake de la finale de Marseille, en marquant cet essai dans les dernières minutes. On a eu peur jusqu'à la fin quand même.
Les Rochelais à l'échauffement avant la finale. (N. Luttiau/L'Équipe)
Avez-vous senti le doute dans le public irlandais aussi ?
Oui, finalement la pression était sur eux. De notre côté, on savait que les battre chez eux, c'était comme battre l'équipe d'Irlande. C'était ambitieux d'y penser, prétentieux aussi peut-être. Mais on savait qu'on pouvait le faire. Et le public a eu le même ressenti quand ils ont vu notre mêlée prendre le dessus, quand ils nous ont vus dans leurs 40 mètres continuellement. Puis le public s'est éteint, on n'entendait plus les "Leinster, Leinster", c'était fantastique.
Comment avez-vous vécu ces dix dernières minutes ?
Après le plaquage de Jonathan (Danty, pour lequel il reçoit un carton jaune), je me suis dit qu'on ne pouvait pas perdre ce match sur un fait de jeu comme celui-là. Avec cette pénaltouche irlandaise, ces coups de boutoir sur la ligne, je me suis demandé si on allait résister. Je craignais la pénalité, le bras tendu de l'arbitre. Puis j'ai vu Georges-Henri (Colombe) allongé, je me suis dit qu'il ne dormait pas sur le terrain tout seul, il y avait eu quelque chose. Mais que le ralenti a mis du temps à arriver sur les écrans...
Sur les épisodes de tension
« Une personne s'en est prise à Ronan »
Grégory Alldritt a dit après la finale qu'il avait senti un manque de respect du Leinster, est-ce que c'est quelque chose que vous avez également perçu ?
Je n'ai pas vécu ce qu'a vécu Greg, je ne peux pas commenter ça. Mais on a senti dans ce stade, dans la ville, que le Leinster voulait se venger de l'année dernière. Ils n'ont jamais parlé de revanche, mais pour moi, ils étaient déterminés à la prendre, ils avaient considéré pour ainsi dire comme une injustice d'être battu par le petit club de La Rochelle à Marseille. J'ai ressenti ça de manière très forte tous les jours où nous avons été à Dublin.
L'EPCR a ouvert une enquête sur un incident qui a eu lieu dans le tunnel à la mi-temps du match, savez-vous ce qu'il s'est passé ?
Oui, Ronan (O'Gara) parlait avec un arbitre, je ne sais pas lequel. Et effectivement, une personne de l'encadrement du Leinster, jeune, un ancien pilier vraisemblablement parce que très costaud, s'en est pris à Ronan. Je n'en sais pas plus. Ce que j'ai vu, c'est que l'on s'est porté aux côtés de Ronan qui était invectivé par cette personne. Mais je n'ai pas entendu les mots prononcés.
« Même à Marseille, les joueurs n'avaient pas fait ça »
Vous avez échangé sur la pelouse avec Ronan O'Gara après la victoire. Que lui avez-vous dit ?
J'ai beaucoup de respect pour lui, c'est un très grand entraîneur, un grand manager, qui connaît le rugby mais qui connaît aussi les hommes. J'ai beaucoup d'admiration pour lui et j'ai voulu lui exprimer mon bonheur. Je crois lui avoir demandé s'il était heureux, parce que pour moi, c'était important qu'il le soit. Il est tellement exigeant qu'il passe parfois à côté d'un bonheur simple. Mais là, il était heureux et fier de faire gagner La Rochelle contre le Leinster.
La joie des Rochelais, ici Thomas Lavault, Paul Boudehent et Rémi Picquette. (N. Luttiau/L'Équipe)
Comment s'est déroulé le retour à La Rochelle ?
J'ai rarement vu les joueurs chanter autant, être aussi heureux, c'était une explosion de joie dans le vestiaire, ils ont chanté, encore et encore. Même à Marseille ils n'avaient pas fait ça. Malheureusement, l'avion a mis du temps avant de décoller, on est rentrés très tard à La Rochelle, mais à 4 heures du matin, il y avait des centaines de supporters qui nous attendaient à l'aéroport pour nous dire merci. C'est un bonheur partagé, c'est finalement ça le rugby. Ces scènes-là sont toujours plus fortes. Il y a la fête sur le port, avec peut-être 40 000 Rochelais, on l'avait fait l'an dernier devant 35 000. Ce partage est important. C'est un moteur qui n'a jamais besoin de carburant.
Vous avez devant vous quelques jours de fête ?
Ronan laisse faire les choses, peut-être jusqu'à demain, mais mercredi, tout le monde va être rappelé. Ce n'est pas parce qu'on est qualifié pour les demi-finales qu'il ne faut pas respecter le Top 14. C'est un autre objectif d'être en finale et pourquoi pas d'être champion de France.
Sur la portée historique de ce doublé
« Avec les anciens du club, on se dit que c'est incroyable de voir ce qu'est le Stade Rochelais aujourd'hui »
Jusqu'où peut aller ce groupe selon vous ?
Quand on parle de ce groupe, on pense à l'avenir, on a une formation très performante. Mais un groupe n'est que de passage dans un club, comme le président, il faut prévoir demain, on travaille beaucoup sur le futur du Stade Rochelais, c'est une priorité. On pense aux années 2030. On ne veut pas être un grand club éphémère, on veut être un grand club durable.
Qu'est-ce que cela change d'avoir deux titres de Coupe des champions au palmarès désormais ?
Rien. L'ambition du Stade Rochelais est de devenir un grand club durablement, de manière pérenne, ça a toujours été mon moteur. Je suis toujours très heureux du moment, mais ce qui est formidable, c'est de sentir que le Stade Rochelais devient un grand club d'Europe. Quelque part, c'est l'aboutissement de ma présidence du Stade Rochelais.
C'est vertigineux pour vous de constater ça ?
Oui, c'est le mot. Avec les anciens du club, on a vécu des moments forts, des moments difficiles aussi, souvent - des montées en Top 14, des descentes qui font pleurer, des années sans promotion dans l'élite qui sont difficiles à assumer. Aujourd'hui, ce n'est pas un rêve parce qu'on ne parlait pas de ça (gagner la Coupe des champions). Quand on parle ensemble, on se dit que c'est incroyable de voir ce qu'est le Stade Rochelais aujourd'hui. Ça mobilise tout une région. C'est une fierté, on se sent porteur d'une façon de vivre ce sport qui est particulière. »