Un peu après onze heures, au moment où le chronomètre du Hameau égrenait les dernières secondes de repos avant l'atelier suivant, Hugo Auradou a enfilé une chasuble. La chasuble des titulaires. Celle que le public et les observateurs guettent le vendredi pour connaître le quinze de départ de la Section Paloise. La mise en place de vendredi était pourtant différente.
Les médias étaient venus plus nombreux que d'habitude garnir les gradins et constater l'information éventée jeudi soir par L'Équipe : Hugo Auradou, accusé de « viol avec violence en réunion » en date du 7 juillet à Mendoza, en Argentine, était bien dans le groupe qui se préparait à partir à Perpignan affronter l'USAP samedi après-midi. Le deuxième-ligne de 21 ans, un strap au-dessus de chaque genou, était le personnage central de cet ultime entraînement. Et après un exercice de touche, il a donc enfilé la fameuse chasuble. Fin du suspense.
Une demi-heure plus tard, Sébastien Piqueronies, le manager de la Section Paloise, n'a pas fait de mystère sur le retour de son international. « Le moment est venu de le mettre sur un terrain de rugby, et ce sera demain (samedi). C'est le fruit d'une logique d'accompagnement cohérente et sereine depuis le début, a déminé l'entraîneur béarnais. C'est une étape de plus. Cela fait plusieurs semaines qu'Hugo est avec nous, qu'il s'entraîne collectivement. Il est apte physiquement. Il démarrera la rencontre. »
« C'est une opportunité qu'on lui donne d'être heureux »
Sébastien Piqueronies, manager de la Section Paloise
Signe que le moment était particulier, voire délicat, Piqueronies, qui ne vient d'ordinaire jamais s'exprimer devant la presse les veilles de match, a pris la parole en premier avant midi. Le manager, tout comme deux de ses joueurs, le centre Nathan Decron et le capitaine Beka Gorgadze, ont pris d'infinies précautions dans leurs réponses, preuve aussi que le club reste un peu gêné aux entournures. Mais tous ont salué le retour d'Auradou.
« Je ne pense pas que ce sera plus particulier. C'est déjà un stade assez enflammé, a expliqué le Géorgien à propos du déplacement à Aimé-Giral. Par rapport à Hugo, on est préparés pour ça. Ça fait plusieurs semaines qu'il est de retour. On est très contents de le retrouver. » « Il a eu une reprise progressive. C'était la suite attendue, a avoué Decron. On est très heureux de pouvoir jouer avec lui demain (samedi). Il a hâte de refouler les pelouses, il nous l'a dit. »
Depuis son retour en France, le 3 septembre, Hugo Auradou a suivi une préparation physique intense, d'abord individuelle, dès le lundi 9, avec beaucoup de travail en salle et une batterie de tests physiques pour jauger son état. Il a ensuite repris l'entraînement collectif le 18 et attendait le moment où il pourrait participer à un match.
L'officialisation d'un non-lieu prononcé depuis l'Argentine a, un temps, été le marqueur préalable à son retour. Le Section l'a pourtant devancé. « Rien ne lui interdit de jouer au rugby. Il est présumé innocent, a rappelé Piqueronies. Il convient à ceux qui le défendent et à la direction du club d'assumer la cohérence qu'il y a. Depuis qu'on l'a retrouvé, il a envie d'apprendre, il a envie d'avancer et il a tout simplement envie de jouer au rugby. C'est une opportunité qu'on lui donne d'être heureux. »
Au moins quatre supporters, croisés jeudi soir dans le centre-ville et vendredi matin à l'entraînement, ont certifié qu'ils ne voyaient pas pourquoi Auradou devrait continuer à ne pas être un joueur de rugby. Circulez, rien à voir. Invitée à s'exprimer sur le retour de ce garçon formé au club, la responsable d'un groupe présent au Hameau et lors des déplacements a indiqué à L'Équipe par message : « Le but d'une association de supporters n'est en aucun cas de porter un jugement sur cette affaire. Nous sommes uniquement là au soutien du club. Aucun intervenant ne s'exprimera sur le sujet. » « Sujet clos », a-t-elle simplement écrit lors d'une tentative de relance.
Le 28 août, alors qu'Auradou était toujours en Argentine, pas encore autorisé à rentrer en France même si le dossier contre lui et son coéquipier Oscar Jegou (qui a repris l'entraînement plus tard avec La Rochelle mais n'a pas encore rejoué) avait perdu de l'épaisseur, son nom avait été longuement ovationné lors d'une soirée mêlant partenaires, supporters et membres du club. « Nous étions très très peu à trouver ça étonnant, voire déplacé... », indique un homme présent ce soir-là, un peu désabusé.
L'accueil réservé à Auradou à Perpignan devrait, lui, être hostile. Sans que l'on sache si cela sera par volonté de le perturber sportivement ou par sens moral.
Cette semaine, les discussions ont été nombreuses en coulisses, entre les dirigeants de la Section et leurs partenaires, institutionnels ou économiques, pour valider ou non, question d'image, le retour à la compétition d'Auradou. « On a la chance d'avoir un écosystème qui nous fait une vraie confiance, avec qui les échanges ont été francs », indique-t-on au club. Ne restait plus qu'à trouver le moment idoine. La Section a estimé que c'était ce week-end. L'officialisation de sa titularisation vendredi à 18 heures sur les réseaux sociaux, pour laquelle les commentaires ont été suspendus, a ajouté de nouveau la condition de joueur de rugby à celle de toujours justiciable.