L'avocat Peyramaure qui s'exprime pour la 1ère fois depuis sa démission dans l'Equipe du jour
Extraits :
Avocat spécialisé dans le droit des affaires, jouissant d'une excellente réputation dans son milieu professionnel, Peyramaure, officier de la Légion d'honneur, a éprouvé pendant trois mois la solitude du lanceur d'alerte.
"Ce n'est pas moi qui ai provoqué le scandale. Je n'en suis pas auteur, mais témoin. Ce n'est pas du tout pareil...
Je ne connais du contenu de leur conversation que ce que m'en a rapporté Jean-Daniel Simonet , qui semblait scandalisé par cet appel. Ensuite, j'ai lu dans la presse que je n'avais pas été d'accord et que la majorité (Malterre et Simonet) a décidé contre mon avis. Je n'ai évidemment pas démenti...
Quant à une prétendue manipulation, je l'ai effectivement lu, sans que la moindre preuve ne soit apportée, ce qui aurait d'ailleurs été impossible. C'est sans doute pourquoi ont été évoqués, outre la LNR, les Anglais qui ne voulaient pas que la France ait l'attribution de la Coupe du monde 2023, ou encore le groupe Vivendi-Canal + (qui craignait que la polémique vienne parasiter l'attribution des droits télé de la prochaine Coupe du monde).Tout cela n'est pas sérieux. Ce sont des manoeuvres de diversion.
Cela n'a jamais été secret (actionnariat 25 000 euros portés au capital du club de Brive entre 2009 et 2011 . Il s'agit de moins de 1 % d'une holding financière. Il est évident que si Brive avait comparu devant l'une des commissions auxquelles j'appartenais, je n'aurais pas siégé. Si vous voulez que ces commissions soient composées de gens qui connaissent le rugby, il faut bien qu'ils soient issus de la famille du rugby. Mais moi je n'ai jamais été dirigeant (contrairement à Simonet qui figure toujours comme vice-président du Paris Université Club de rugby).
Je ne crains rien sur le fond des dossiers. Mais je sors d'une période difficile à vivre. Certains, très peu nombreux, parmi vos confrères, m'ont fait passer pour un menteur ou ont tenté, en vain, de monter contre moi un dossier calomnieux et totalement artificiel. J'ai une vie sociale, et surtout, une vie professionnelle qui en ont pâti. Je suis avocat : vous confieriez vos affaires à un avocat que certains ont publiquement présenté comme un affabulateur et un personnage sans éthique ? Je vous laisse imaginer les dégâts. D'autant que je rappelle que j'étais bénévole et que je n'ai, moi, aucun intérêt matériel dans cette affaire.
Mes relations avec la FFR sont aujourd’hui inexistantes. Aucun responsable élu n'a tenté de me joindre pour avoir d'explication sur ma démission, ce qui m'a beaucoup étonné.
J'aime ce sport et je ne peux être satisfait de voir le rugby concerné par des affaires de cette nature, qui le touchent au plus haut niveau. C'est affligeant, quelles que soient les suites qui y seront portées. En ce qui me concerne, je déduis de cette décision que le témoignage de ce que j'ai constaté, au regard des révélations faites par d'autres, justifie amplement mon choix de démissionner.
Dès lors que ma démission a été rendue publique, et pas par moi, il était évident que le président de la FFR ferait feu de tout bois. Dès lors, je me suis retrouvé seul face à un président de fédération : le rapport de forces était trop disproportionné. Ma seule arme, c'est la vérité, et mon seul moyen, le silence, ce qui n'est paradoxal qu'en apparence. Je ne répondrai donc pas à vos questions sur le déroulement de la séance du 29 juin.
L'article dans le JDD m’a fait changer d’avis. J'ai considéré que ce monde-là n'était plus le mien.
J'étais désigné pour siéger dans une instance indépendante. Je considère la commission d'appel comme très importante. Hors les tribunaux, c'est la dernière instance interne à une fédération pour y garantir l'application des règles et l'équité sportive qui est quand même l'essentiel. Remettre en cause cette indépendance, c'est ouvrir la porte à tous les arbitraires. Je suppose que c'est ce qui a guidé les décisions d'autres démissionnaires de la commission d'appel, dont le comportement et l'éthique ont toujours été exemplaires.
M. Laporte a reconnu avoir téléphoné à Simonet après que l'audience a été levée. En lui-même, ce coup de téléphone pose problème. Au niveau des principes, avec le professionnalisme, les enjeux économiques et financiers qui lui sont liés, accepter des interventions serait mettre en place un système d'une terrible perversité : celui où le plus riche est le plus influent. Ce serait “qui paye commande”. On en viendrait à une insécurité sportive insurmontable car chacun trouvera toujours quelqu'un de plus riche que lui... Si l'on allait dans cette voie-là, ce serait désastreux car beaucoup d'investisseurs honnêtes se retireraient.
C'est un vrai sujet puisque personne, dans les instances de la Fédération, ne s'est désolidarisé du président. Le ver est dans le fruit ou, si vous préférez, c'est un poison qui a été instillé et qui va endommager le fonctionnement de l'institution. Au gré des événements et des intérêts, chacun pourra y trouver une source de remise en cause de la légitimité des décisions : telle décision disciplinaire sera suspectée de favoritisme, telle erreur d'arbitrage sera mise au compte d'un trafic d'influence, etc.
Quel que soit l'avenir judiciaire, le mal est fait. Il faut effacer cet épisode, rétablir la confiance et la sérénité. Pour cela, il faut d'urgence des décisions fortes et courageuses dépassant les intérêts personnels et ne reléguant pas les fameuses valeurs du rugby au dernier plan. Mais je ne suis pas élu et je n'ai aucune légitimité pour porter les solutions.
Le ministère a parfaitement conscience des enjeux et de l'urgence. Je me réjouis de son approche pragmatique. Est-ce que cela suffira ? J'espère simplement que tous les amoureux de ce sport ne soient pas fatalistes et redoublent d'exigence envers certains dirigeants ; la grande majorité des autres mérite et a besoin de leur soutien."