A L’ATTENTION DE MOURAD BOUDJELLAL
Cher Mourad,
Vous êtes intervenu sur Europe 1 avec les « bons mots » qu’on vous connaît et qui ont fait votre réputation de bon client pour les media et contribué à faire parler de votre club.
Comme vous le mentionnez, nous ne nous connaissons pas, mais vous avez déclaré « vous être renseigné » pour arriver à la conclusion que je n’étais « qu’un critique de film » quand votre ami Bernard Laporte était lui « un cinéaste ».
Ayant décidé pendant cette campagne de ne pas laisser dire tout et n’importe quoi, permettez-moi, avec le sourire qui sied au rugby, de filer votre métaphore.
1 - Vous avez raison, Bernard Laporte est bien « un cinéaste », mais un cinéaste de « films de fiction », loin, très loin, de la réalité quotidienne des clubs.
Car c’est une « fiction » quand Bernard Laporte annonce, avec ses mots bien à lui, que l’argent va « dégouliner » sur les clubs grâce au fonds d’investissement à qui il vend le Tournoi des 6 Nations, déjà transformé en Tournoi des 8 Nations avec le Japon et l’Afrique du Sud. Chacun sait qu’un fonds d’investissement n’est pas un mécène ou un philanthrope !
C’est aussi un « fondu enchainé », technique chère au cinéma qui fait disparaître une image au profit d’une autre, quand Bernard Laporte masque son bilan de 3 ans à la tête de la FFR en lui superposant les espoirs de gains de la Coupe du Monde 2023. Comme il y a 3 ans, Bernard Laporte nous refait le coup des promesses en faisant rêver d’un avenir radieux. C’est pourtant sur son bilan à la FFR et non sur de nouvelles promesses qu’il conviendra de le juger. La perte sans précédent de 45000 licenciés, les dérapages financiers et une gestion clanique et peu transparente sont ce bilan.
C’est enfin un exceptionnel usage des « effets spéciaux » quand Bernard Laporte s’approprie les victoires d’une formidable génération formée par ses prédécesseurs ou qu’il veut faire croire qu’il va « réaliser 3 films à la fois » en assumant conjointement la Présidence de la FFR, la Vice-présidence des 6 nations et la Vice- présidence de World Rugby. L’état des petits clubs en France, qui doivent se regrouper à 3, 4, 5 ou 6 pour constituer une seule équipe de juniors, devrait mobiliser toute son attention, mais on a bien compris que son « plateau de tournage » était déjà ailleurs que chez nous.
2 – Et puisque vous me suspectez de n’être qu’un « critique de cinéma », je m’autorise une « mise au point » comme le cinéma les aime.
J’ai créé ma société il y a 26 ans. Elle compte aujourd’hui 150 permanents. L’entrepreneur que vous avez été et que je respecte, doit savoir qu’on n’entreprend pas sans créer.
Quant au rugby, en 20 ans de bénévolat au service du rugby et sans jamais m’en servir, je pense avoir, avec mes équipes, quelques réalisations concrètes à mon actif. Je me contente de 3 exemples mais j’en tiens de nombreux autres à votre disposition :
· Le développement du rugby à 5 : quand j’ai commencé à y travailler, 20 clubs sur 1900 comptaient une section de Rugby à 5 et on l’appelait le « rugby à toucher ». Nous l’avons renommé Rugby à 5 pour créer une gamme de rugby avec le 5, le 7, le X et le XV et c’est maintenant 450 clubs sur 1900 qui ont une section de R5 et qui disposent d’un formidable outil de dynamisation du club, notamment dans le scolaire.
· Le Toucher + 2 secondes. C’est en Ile de France que la pratique a été inventée il y a 6 ans après avoir constaté que, sur les plateaux des écoles de rugby, 80% des actions étaient des rucks et des mauls et qu’il était grand temps de redonner le sourire aux gamines et aux gamins avec un rugby de mouvement. Il faut croire que l’idée n’était pas si mauvaise puisque la FFR l’a repris à son compte, se gardant bien néanmoins de citer ses sources.
· L’étude de géolocalisation des licenciés qui montre qu’à 10 km près on divise par 3 le nombre de licenciés faisant de la distance le premier critère de la pratique. Elle était réalisée gracieusement pour tous les clubs, mais Bernard Laporte a décidé d’y mettre fin alors que c’était un vrai outil au service des clubs dans les relations avec les collectivités.
3- Pour ce qui est des solutions pour demain, je ne sais pas à quel point vous vous êtes vraiment renseigné, mais je vous engage à lire le détail de notre programme sur le site internet ovaleensemble.fr
Vous y trouverez pas moins de 300 idées nouvelles pour notre rugby et pour les petits clubs du quotidien, dont j’extraits quelques-unes :
· La relance d’une présence du rugby dans le primaire en identifiant 1000 Ambassadeurs scolaires qui sont des professeurs des écoles
· Le soutien à toutes les sections sportives et aux associations dans le secondaire
· La création d’une passerelle avec le monde universitaire abandonné par la gouvernance actuelle sous prétexte que ce ne serait pas le haut niveau alors qu’on y trouve des dirigeants et des partenaires du rugby pour demain
· Le lien retrouvé avec les UFR STAPS en récréant des équivalences avec les brevets fédéraux pour attirer les futurs professeurs d’EPS dans nos clubs
· La création d’un corps de CRAQ bénévoles (Conseillers Régionaux pour l’Accompagnement du Quotidien) qui seront les jokers administratifs des clubs en cas d’absence ponctuelle d’un Président, secrétaire général ou trésorier
· La mise à disposition d’outils clés en mains pour AIDER les clubs : logiciel de gestion, vademecum du dirigeant, kit clé en mains pour agir dans le scolaire…
· La création à Marcoussis d’un Musée expérientiel du Rugby en en faisant un projet collectif et positif pour tout le rugby français
· L’invitation chaque année de 4000 bénévoles de clubs pour un WE à Marcoussis (2 bénévoles par an par club) où ils pourront notamment profiter du Musée et se retrouver pour partager
· La réorientation des CTC (Cadres Techniques de Clubs) sur la formation des éducateurs avec pour objectif de passer de 30 à 80% d’éducateurs formés
· La sanctuarisation des championnats de France pour garantir des aventures humaines collectives quel que soit le niveau des clubs
· Le lancement national d’I-arbitres une application mobile permettant aux clubs d’évaluer anonymement les arbitres pour mieux cibler ceux qu’ils convient de coacher et aux arbitres d’évaluer les tribunes et bancs de touche pour intervenir de manière ciblée là où c’est nécessaire.
· Le maillage en clubs proposant la pratique féminine car certaines filles ne pratiquent pas, non car elles ne le souhaitent pas, mais par absence de solution de proximité
· Un projet de jeu centré sur le Rugby de mouvement des écoles de Rugby jusqu’aux équipes de France qui donne le sourire aux pratiquants comme aux supporters
· Etc…
Il me semble voir dans cette liste plus de propositions que de critiques et, si vous vous renseignez bien, j’ai même le sentiment qu’elles intéressent beaucoup les clubs que nous rencontrons lors de nos 200 jours de campagne puisque « nous remplissons les salles » !
Merci en tous cas de m’avoir fait l’honneur d’un de vos bons mots, et laissez-moi préférer la réalité du quotidien des clubs d’aujourd’hui aux « fictions » qu’on nous « projette » pour demain.