C’est quelque chose que j’ai préparé parce que le rugby à un moment, ça va se terminer. Il y a aussi un mandat qui va s’achever. Le facteur déclenchant a été le Covid où j’ai un peu remis le nez dans le médical. J’avais arrêté de pratiquer en 2010 et je me suis dit que c’était idiot de passer à côté de ça. C’est quand même un métier qui offre la possibilité d’aider les gens. J’ai eu envie de renouer avec cette formation, avec cet exercice. J’ai une opportunité professionnelle formidable dans le médical, du côté de la biotechnologie mais qui est incompatible avec un plein-temps fédéral. Je vais garder une partie de mes fonctions et avoir un boulot. Comme les dirigeants bénévoles du comité directeur.
Prendre de la distance alors que le rendez-vous Coupe du monde approche, cela peut sembler paradoxal.
Non. J’ai le sentiment que la mission est accomplie. Que cela soit sportivement comme du point de vue du nombre de licenciés. Je vais vivre de manière pleine et entière cet événement qui, si les planètes continuent à s’aligner gentiment, devrait être assez génial avec une équipe de France qui va entrer dans une Coupe du monde en France comme une des équipes favorites.
Cette décision est-elle liée à votre renvoi en correctionnelle dans l’affaire Laporte-Altrad ?
Non. Mais il est évident que ces péripéties juridiques et judiciaires, comme d’autres choses, influencent mes décisions. Ce n’est pas le cœur de la décision mais cela ne fait que conforter l’idée qu’il y a une vie en dehors du rugby.
Pas d’indemnités mais des prérogatives Arrivé avec Bernard Laporte à la tête de la fédération en 2016, Serge Simon bénéficiait d’un statut particulier dans son rôle de vice-président puisqu’il touchait une rémunération brute d’un peu plus de 120 000 euros par an. En choisissant de donner une nouvelle orientation professionnelle à sa carrière, il a renoncé à cette indemnité. Il ne supervisera plus le marketing, la communication mais gardera une partie de ses prérogatives : la haute performance, les relations avec la LNR et avec France 2023.
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« Il est évident que ces péripéties juridiques et judiciaires influencent mes décisions »
Au départ, Bernard Laporte ne devait faire que deux mandats. Avez-vous envisagé de briguer sa succession ?
Non mais beaucoup de gens l’ont envisagé pour moi. Le deal de départ, et c’est toujours celui en cours, c’est l’aventure avec Bernard. Une aventure qui aujourd’hui est récompensée. Le rugby français marchait sur la tête. Il y avait un vrai challenge que Bernard m’a mis dans les mains. Le faire avec lui, c’était la cerise sur le gâteau. Il y a eu un premier mandat secouant et secoué. Un deuxième mandat ponctué par une Coupe du monde. Le challenge se suffit à lui-même.
Vous avez été l’artisan de la réorganisation du haut niveau, des accords passés avec la ligue sur la mise à disposition des joueurs. À quel point ces accords ont-ils contribué au succès de l’équipe de France ?
Les performances sportives elles appartiendront toujours et d’abord aux sportifs. Si tu as une brêle, tu pourras mettre tout ce que tu veux autour, cela restera une brêle. Ce Grand Chelem est d’abord une performance de l’équipe. C’est aussi une performance du staff. Ensuite, ce qu’on a fait, c’est de créer l’écosystème pour que les talents s’expriment ou qu’au moins les talents ne soient pas victimes de l’environnement.
Vous partiez de loin…
Quand on est arrivé en responsabilité, le mal du rugby français c’était la cogestion des internationaux. Chaque pays du gotha rugbystique avait trouvé son modèle, sauf la France. La Ligue s’était créée en opposition avec la Fédération depuis 1998. J’ai été l’un des acteurs de cette guerre. Je ne peux pas m’en exonérer mais cette guerre a foutu le rugby français au fond du sac en dix ans. À partir de 2010, le rugby français a décroché. L’écosystème était devenu toxique. Il a donc fallu réorganiser cette interface au milieu de laquelle se trouvent les internationaux. En six ans, on a réussi cela. On a commencé par les jeunes en pétant le pôle France. Il y avait deux filières de formation : la fédérale et celle des clubs. Elles se vomissaient. Les joueurs pleuraient quand ils rentraient en club le vendredi et ils pleuraient quand ils étaient à Marcoussis car ils étaient seuls avec les canards. C’était hallucinant. On a fait le pari de laisser les joueurs avec les clubs. On est parvenu à mettre en place le PID, le plan individuel de développement. On a écrit ce PID avec la DTN et les clubs. On a été deux fois champions du monde avec les moins de 20 ans. L’idée a été de suite incarnée. On a ouvert une petite faille et la lumière est passée.
Mais la relation avec les clubs a été construite autant par le conflit que par le dialogue.
Cela s’est fait à coup de tartes dans la gueule. Il a fallu passer par un rapport de force. Mais on a permis au gouffre qui existait entre la fédération et les clubs d’être comblé. On est arrivé à une situation qui est collaborative, intelligente, fructueuse. On n’est pas d’accord sur tout mais on trouve toujours des solutions. Aujourd’hui, la fédération est redevenue un centre de ressources pour les clubs. C’est une révolution qui peut être associée aux résultats de l’équipe de France.
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