Dans le genre concurrentiel, la troisième ligne de Clermont est un univers où il n'est pas toujours facile de s'immiscer. Entre les pros confirmés et les espoirs identifiés, de nombreux potentiels du centre de formation de l'ASM ont dû user de chemins détournés pour percer, comme Kevin Gourdon, vite exilé à La Rochelle avant de voir la lumière bleue. À bientôt 22 ans (le 19 janvier), Alexandre Fischer a réussi, lui, sans crier gare, à s'intercaler parmi les internationaux des Jaune et Bleu, comme Arthur Iturria, Alex Lapandry Judicaël Cancoriet ou Peceli Yato, et les pointures du Top 14, comme Fritz Lee. Le flanker sera remplaçant cet après-midi contre l'Ulster, quelques jours après avoir appris qu'il faisait partie de la première liste de joueurs convoqués par Fabien Galthié, les 42 élus qui débuteront la préparation du Tournoi des Six Nations.
Ce statut de potentiel Bleu, Fischer l'a appris mercredi matin, d'un coup de téléphone personnel de Galthié, avant l'annonce officielle de la liste. «J'ai été assez surpris, parce que je n'ai pas beaucoup joué cette saison, commente-t-il de sa voix grave et posée, en faisant allusion à la grave blessure subie en avril, à Toulouse, une désinsertion du tendon des muscles ischio-jambiers qui l'a écarté des terrains jusqu'à début novembre. Je n'avais discuté avec personne du staff de l'équipe de France avant, notamment quand Laurent Labit était venu à l'ASM.»
Sa surprise a dû être d'autant plus grande que, contrairement à un Cameron Woki - le troisième-ligne de l'UBB, né la même année que lui, et champion du monde des moins de 20 ans -, Fischer est toujours passé à travers les mailles du filet «sélection nationale». «Je n'ai fait qu'un stage, et c'était en tant que talonneur en 2018», se remémore-t-il.
Oui, talonneur. C'est la reconversion que lui avait proposée le centre de formation de l'ASM, cette année-là. Parce qu'on y pensait que le gabarit (1,88 m) et le goût du combat de ce joueur, venu au rugby vers 12-13 ans à Issoire, auraient plus de chances d'être efficaces au coeur de la mêlée. «J'associe souvent Alexandre à Julien Bardy, explique Fred Sciauvaud, l'un de ses formateurs à Clermont. Ce sont deux garçons qui n'avaient pas un talent particulier, qui n'étaient pas des pépites, comme pouvait l'être un Iturria.C'est aussi pour ça qu'on pensait qu'il pourrait jouer talonneur. Comme c'est un taiseux et un acharné de travail, il y a mis de la volonté...»
«La défense, c'est mon point fort, j'aime ça, mais je dois beaucoup travailler sur tout ce qui est aérien»
Alexandre Fischer, troisième-ligne de l'ASM
Mais l'intéressé reconnaît lui-même que, dans ce nouveau poste, il a peiné à trouver ses repères au lancer. Et s'il y a joué un match en pro, en Challenge Européen, contre Timisoara, il a été soulagé de vite faire son retour en troisième ligne, où il avait toujours cru en lui. «Quand on lui avait parlé de ce changement, se rappelle Sciauvaud, il nous avait cité Michael Hooper, qui avait réussi en flanker avec les mêmes caractéristiques !» Le Wallaby aux 99 sélections (1,82 m) est une référence mondiale qui inspire Fischer.
Et le staff de Clermont a fini par se convaincre que ses qualités étaient exploitables en troisième ligne. «On n'avait pas de profil de ce type-là, explique Bernard Goutta, coach des avants jaunards : plaqueur, gratteur, qui colle au ballon et au jeu. Il est aussi robuste (103 kg), donc fait souvent subir des plaquages offensifs et peut aussi porter les ballons et casser les plaquages adverses. J'ai été surpris qu'il soit convoqué aussi rapidement, mais on savait qu'il avait le profil pour intéresser les Bleus, comme un Sam Underhill avec l'Angleterre. C'est très précieux.»