Bastien Chalureau a certainement poussé un gros ouf de soulagement en découvrant, mardi en début d'après-midi, le SMS que lui a envoyé son avocat David Mendel. Un message dans lequel figurait le délibéré de la cour d'appel de Toulouse, qui a décidé à nouveau de condamner l'actuel deuxième-ligne de Montpellier pour violence mais de ne pas retenir le caractère raciste de l'agression de Yannick Larguet et Nassim Arif, dans la nuit du 30 au 31 janvier 2020.
Condamné en première instance (en novembre 2020) à six mois de prison avec sursis simple, et à cinq ans d'interdiction de détention d'une arme, pour des « faits de violence avec la circonstance que ces derniers ont été commis en raison de la race ou de l'ethnie de la victime », celui qui évoluait alors au Stade Toulousain avait décidé de faire appel, et durant l'audience qui s'était déroulée en novembre dernier, avait répété à plusieurs reprises qu'il n'avait jamais insulté les deux victimes, jamais utilisé le mot « bougnoule », et n'avait jamais été raciste.
« J'ai passé beaucoup de temps dans des internats où il y a beaucoup de cultures différentes et de mixité, et je n'ai jamais eu aucun problème, avait-il déclaré. Je suis dans un club avec un groupe où il y a beaucoup de mixité, notre capitaine est malien (Yacouba Camara est français, ses parents sont nés au Mali), et je partage ma chambre avec lui. Je n'ai jamais eu aucun antécédent. Encore une fois, je n'ai pas tenu de propos racistes ce soir-là. Je ne sais pas pourquoi ils ont dit ça. »
Cette affaire était remontée à la surface, début septembre, quelques jours avant le début de la Coupe du monde, quand le staff de l'équipe de France avait choisi d'appeler Chalureau (31 ans, 7 sélections) pour remplacer Paul Willemse, blessé. Sa condamnation avait alors refait l'actualité via les réseaux sociaux, comme le fait que le joueur avait liké sur Instagram une publication d'un rappeur d'extrême droite. Plusieurs hommes politiques s'étaient emparés du dossier et avaient demandé son renvoi du groupe France - ce que le sélectionneur Fabien Galthié avait refusé de faire -, provoquant une sérieuse tempête médiatique. Bastien Chalureau s'était aussi présenté devant les médias pour se défendre et crier haut et fort qu'il n'avait jamais été raciste et qu'il n'avait jamais proféré de telles insultes. Un message répété donc devant la cour d'appel et entendu par celle-ci.
« Cela ne signifie pas que Monsieur Chalureau n'a pas prononcé ces mots, mais simplement que, dans notre système judiciaire, le doute profite à la personne mise en cause »
Laurent Sabounji, avocat de Yannick Larguet
« C'est une bonne nouvelle, assure David Mendel, l'avocat du deuxième-ligne du MHR, puisque la circonstance infamante et aggravante n'a pas été retenue. Les pendules ont été remises à l'heure, et l'honneur de mon client est lavé. Il y a désormais une parfaite adéquation entre le droit et la réalité, car il n'y avait rien dans ce dossier pour établir un mobile à caractère raciste. En revanche, il a toujours reconnu l'agression physique. » Chalureau reste donc condamné à six mois de prison avec sursis, mais son interdiction de détention d'une arme durant cinq ans a été levée. La cour a en revanche ajouté une circonstance aggravante, en l'occurrence l'alcool. Ce soir de janvier 2020, accompagné de deux autres joueurs, Victor Moreaux et Tudor Stroe, il avait énormément bu.
La disparition du caractère raciste ne satisfait évidemment pas Laurent Sabounji, l'avocat de Yannick Larguet, l'une des victimes : « La cour d'appel a confirmé la condamnation pour les faits de violence commis par Bastien Chalureau à l'encontre de Yannick Larguet et Nassim Arif. Elle a rajouté la circonstance de l'ivresse manifeste et n'a pas retenu, au bénéfice du doute, le caractère raciste de l'agression alors même que le tribunal avait considéré qu'il y avait assez d'éléments au dossier pour retenir cette circonstance aggravante. Cela ne signifie pas que Monsieur Chalureau n'a pas prononcé ces mots, mais simplement que, dans notre système judiciaire, le doute profite à la personne mise en cause. »
Sollicité, Yannick Larguet, qui avait accordé à L'Équipe une longue interview le 22 novembre dernier, après le procès en appel, n'a pas souhaité commenter la décision de justice. Toujours sous contrat avec Montpellier, Bastien Chalureau n'a plus joué en Championnat depuis le 2 décembre et semble avoir du mal à retrouver le niveau qui était le sien lors des deux dernières saisons. Il n'entre pas dans les plans du nouveau staff technique héraultais, qui l'a toutefois titularisé, le week-end dernier, en Challenge européen contre l'équipe sud-africaine des Lions (13-3).
Meafou, Depoortère, Gibert... Des nouveautés dans la liste des Bleus pour le Tournoi des Six Nations Le sélectionneur Fabien Galthié et son staff vont dévoiler mercredi une liste de 34 joueurs pour préparer le début du Tournoi face à l'Irlande le 2 février. Rien de révolutionnaire, mais on peut s'attendre à quelques nouveaux visages.
Nous y sommes ! Près de trois mois jour pour jour après l'élimination de l'équipe de France en quarts de finale de la Coupe du monde par l'Afrique du Sud (28-29, le 15 octobre), le sélectionneur Fabien Galthié va dévoiler la première liste de son second mandat à la tête des Bleus. 34 noms et non plus 42, comme les quatre années précédentes, seront convoqués pour le rassemblement à Marcoussis, dès dimanche, afin de préparer le premier match du Tournoi face à l'Irlande le 2 février à Marseille (21 heures).
Une liste sans Antoine Dupont. Le capitaine tricolore a été réquisitionné par France 7 en vue des Jeux Olympiques de Paris cet été. Une grosse ossature du dernier Mondial devrait être appelée. Des néophytes sont également pressentis, à l'image du deuxième-ligne Emmanuel Meafou, du centre Nicolas Depoortère ou encore de l'ouvreur Antoine Gibert. Si le hashtag #unispourunreve a disparu des réseaux sociaux fédéraux, il guidera sans doute encore les Bleus jusqu'à la prochaine Coupe du monde en Australie à l'automne 2027. Cette première liste de l'ère « Galthié2 » en est le point de départ.
« Nous souhaitons amener ce groupe (celui du Mondial 2023) en 2027. 80 ou 90 % de l'effectif y ira », disait Fabien Galthié. Outre Antoine Dupont (France 7), plusieurs blessés manquent déjà à l'appel et sont forfaits pour l'intégralité du Tournoi 2024 comme l'ouvreur Romain Ntamack (genou), les piliers Sipili Falatea (genou) et Jean-Baptiste Gros (cervicales) et le talonneur Pierre Bourgarit (épaule). Le deuxième ou troisième-ligne Thibaud Flament (pied) devrait manquer simplement le premier match contre l'Irlande.
En revanche, exit Paul Willemse et son remplaçant en cours de Mondial Bastien Chalureau, qui vient d'être condamné par la justice. Un peu plus d'une vingtaine des trente-trois mondialistes devraient être convoqués pour préparer le début du Tournoi. Soit environ 75 % ! « Je considère que le développement idéal pour un joueur international est de huit ans, associés à une expérience collective solide », précisait également Galthié avec en ligne de mire la Coupe du monde 2027.
Comme prévu, Antoine Dupont ne jouera pas le Tournoi cette année. À partir de fin janvier, le demi de mêlée va intégrer l'équipe de France à 7 pour disputer deux tournois du circuit mondial HSBC Sevens : Vancouver au Canada (23-25 février) et Los Angeles aux États-Unis (2-3 mars). Pour compenser son absence, Maxime Lucu (UBB) devrait logiquement être promu numéro 1 dans la hiérarchie des 9. En grande forme depuis le début de saison, il forme une charnière solide avec son compère bordelais Matthieu Jalibert.
Concernant le capitanat, pas de surprise. En l'absence de Dupont, c'est Charles Ollivon qui va récupérer le brassard. Le premier capitaine de l'ère Galthié sera comme d'habitude épaulé par Greg Alldritt, Julien Marchand ou Gaël Fickou, les autres leaders du groupe.
En 2020, au moment d'annoncer la première liste de son premier mandat à la tête des Bleus, Fabien Galthié avait éjecté les trentenaires. Un seul rescapé Bernard Le Roux, qui ne sera finalement sélectionné que jusqu'au Tournoi 2021. Quatre ans plus tard, le sélectionneur va prendre un virage à 180 degrés. Il a par exemple convaincu le pilier Uini Atonio (34 ans en mars) et le deuxième-ligne Romain Taofifenua (33 ans) de sortir de leur retraite internationale, que les deux joueurs avaient annoncé dès la fin de la Coupe du monde.
Pour combien de temps, mystère, mais le pilier et le deuxième-ligne auront 37 ans chacun lors du Mondial 2027. Cinq autres trentenaires devraient faire partie des 34 : Dorian Aldegheri (30 ans), Cyril Baille (30 ans), Charles Ollivon (30 ans), Maxime Lucu (31 ans), Jonathan Danty (31 ans). Auxquels on peut ajouter François Cros et Gaël Fickou qui fêteront leurs 30 ans en mars. Avec le retour du deuxième-ligne Paul Gabrillagues (30 ans) et l'éventuelle convocation du pilier gauche Sébastien Taofifenua (31 ans), ça ferait une dizaine de trentenaires !

La première d'Emmanuel Meafou, enfin. Si le deuxième-ligne d'origine australienne (Toulouse, 25 ans) avait été convoqué à Marcoussis en mars dernier, il n'était pas encore éligible. Désormais, plus rien ne l'empêche de s'installer en bleu. D'autres joueurs néophytes font partie des plans du staff tricolore.
Le centre Nicolas Depoortère (UBB, 21 ans) va être convoqué pour la première fois. Le numéro 9 Nolann Le Garrec (Racing 92), déjà appelé à plusieurs reprises mais jamais capé, sera bien là lui aussi. Il devrait retrouver Antoine Gibert, avec qui il forme la charnière du Racing 92. L'ouvreur de 26 ans, convaincant en club et encore jamais testé par le staff des Bleus, serait donc en passe de dépasser le Rochelais Antoine Hastoy.
Le troisième-ligne Esteban Abadie (Toulon, 26 ans) est aussi apprécié. Sera-t-il retenu dans le groupe des 34 ou parmi les 6 joueurs complémentaires ? À la suite de la blessure de Pierre Bourgarit, le talonneur Maxime Lamothe a la cote (UBB, 25 ans) mais c'est bien Gaëtan Barlot (Castres, 26 ans, 7 sélections) qui sera le troisième talon. Pour Paul Gabrillagues, la situation est différente. Le deuxième-ligne du Stade Français compte 16 sélections mais aucune depuis le Mondial 2019. Il va profiter de l'absence de Thibaud Flament.
Régulièrement appelés durant le premier mandat de Galthié, plusieurs éléments sont aujourd'hui sur la sellette. Peu à son avantage le week-end dernier contre le Munster en Coupe des champions, le néo-Toulonnais Melvyn Jaminet (24 ans, 19 sélections) devrait normalement être appelé.
À l'inverse de son coéquipier Gabin Villière. Auteur d'un début de saison mitigé, l'ailier (28 ans, 16 sélections) ne sera pas sélectionné. Matthis Lebel, en pleine forme avec Toulouse (7 essais en douze matches) prendra sa place. Romain Buros (UBB, 26 ans) peut-il lui aussi s'engouffrer dans la brèche ? Au centre, Arthur Vincent (24 ans, 18 sélections) n'a pas beaucoup brillé avec Montpellier, dernier du Top 14. Au regard de la concurrence féroce à son poste avec l'éclosion d'Émilien Gailleton (20 ans) et Nicolas Depoortère, il devrait passer son tour à l'aube de ce nouveau Tournoi.
Enfin, le troisième-ligne polyvalent du Stade Français Sekou Macalou (28 ans, 20 sélections), qui peut dépanner à l'aile, va manquer à l'appel.
Ces joueurs étrangers qui intéressent le XV de France Plusieurs éléments étrangers du Top 14, essentiellement des avants, sont suivis de près par l'équipe de France, où le passeport français n'est désormais plus indispensable pour être éligible.
Ils ont grandi sur une île de l'océan Pacifique, dans une petite ville de Catalogne ou en Australie. Et jamais, durant leurs plus jeunes années, ils n'ont imaginé, encore moins rêvé, qu'ils pourraient, un jour peut-être, porter le maillot des Bleus. Tevita Tatafu (Bayonne, 21 ans, 1,83 m, 133 kg), Joël Merkler (Toulouse, 22 ans, 1,93 m, 135 kg) et Moses Alo-Emile (Stade Français, 24 ans jeudi, 1,87 m, 125 kg) se voyaient davantage représenter respectivement les Tonga, l'Espagne et les Samoa. À des années-lumière de Marcoussis.
Ces trois jeunes piliers (deux droitiers et un gaucher), qui présentent l'avantage d'être JIFF, sont pourtant, à des degrés différents, dans les radars bleus à des postes où le réservoir français est moins riche qu'ailleurs. À condition de respecter deux règles claires édictées par World Rugby : résider 60 mois consécutifs sur le territoire et ne pas avoir joué récemment pour une autre sélection.
Sans passer forcément par la case naturalisation réclamée auparavant par l'ancien président Bernard Laporte. « Il n'est plus obligatoire d'avoir un passeport français pour être sélectionnable en équipe de France, nous précisait en fin de semaine dernière Jean-Marc Lhermet, vice-président de la FFR en charge du haut niveau, après l'imbroglio sur le cas du deuxième-ligne perpignanais Posolo Tuilagi. Rien n'empêche Fabien (Galthié) de le retenir mais ça peut aussi concerner d'autres joueurs. » Avant même cette nouvelle législation, plusieurs éléments sans passeport français apparaissaient déjà dans le « ranking » régulièrement établi par Fabien Galthié et ses adjoints. Dont essentiellement des avants.

Depuis vendredi dernier, leur avenir a peut-être changé. Il s'est en tout cas accéléré. Arrivé en France en 2017, Moses Alo-Emile est de facto éligible. Le frère de Paul, son partenaire au Stade Français et capitaine des Samoa, ne laisserait pas indifférent le staff, dont le nouveau coresponsable de la conquête Laurent Sempéré qui l'a entraîné à Paris.
De son côté, Tevita Tatafu est lui une pièce essentielle de l'Aviron, avec qui il a régulièrement brillé lors de ses 15 matches depuis cet été. Dès novembre prochain, le numéro 3 remplira les conditions nécessaires pour être éventuellement appelé.
Joël Merkler, pour sa part, a posé ses valises au centre de formation de Toulouse alors qu'il était encore adolescent. Le concernant, la donne est différente puisque son vécu avec la sélection espagnole depuis 2020 l'empêche de postuler à l'équipe de France durant les 36 mois qui suivent son dernier match joué contre la Namibie le 12 novembre 2022. Son profil plairait à l'encadrement mais le joueur devrait patienter et ne plus jouer avec sa sélection.
Comme Emmanuel Meafou aujourd'hui, Paul Willemse et Alivereti Raka en 2019 mais aussi beaucoup d'autres avant eux, ils peuvent, à plus ou moins court terme, rêver d'un destin en bleu. Être né quelque part, c'est toujours un hasard. Jouer pour l'équipe de France, en revanche, ne l'est pas. Et peu importe que l'on ait appris à marcher sur les trottoirs de Nuku'alofa, Gelida ou Brisbane.