Quand il est arrivé au stade Mikheil-Meskhi, Giorgi Beria affichait un très large sourire. Une joie toute légitime qui ne date pas d’hier. Lorsque le tirage au sort a mis le Black Lion sur la route de l’ASM, le jeune pilier gauche fut traversé par l’excitation et l’émotion de venir disputer un match de rugby pour la première fois dans son pays natal. « Cela représente quelque chose de très spécial pour moi. Il était pour moi hors de question de manquer ce match-là. J’ai encore de la famille ici en Géorgie. Il fallait vraiment que je sois présent. »
Giorgi Beria a vu le jour il y a un peu plus de 24 ans à Tbilissi. De son enfance en Géorgie, il ne se souvient quasiment de rien. Dans un pays en proie au conflit avec l’ennemi russe, la situation devient trop instable et surtout trop dangereuse. L’histoire de la famille Beria, c’est un peu celle de centaines d’autres dans le Caucase. Fuir le pays pour essayer de trouver de meilleures conditions de vie ailleurs.
« Nous avions énormément de soucis en Géorgie. Cela devenait insupportable à vivre et notamment pour mon mari. Imaginez qu’un jour, vous vous réveillez et qu’il n’y a plus rien autour de vous. Plus de lumière, plus de gaz, plus de chauffage, plus d’eau chaude. Tout est noir, tout est gris. Et que vous ne pouvez même pas acheter du pain… Nous avons donc pensé que pour Giorgi, il était mieux d’aller voir ailleurs »
NINA (Mère de Giorgi Beria)
Les premiers pas en France, à Aurillac plus précisément, n’ont pourtant pas été des plus simples. « Les trois ou quatre premières années, c’était très dur pour nous. Quand on est arrivé, nous n’avions pas le droit de travailler. Tout s’est débloqué en 2006 quand nous avons eu les papiers par la Préfecture. Nous avons ensuite été naturalisés français deux ans plus tard. »
Une culture géorgienne maintenue à la maison.
Pour autant, hors de question de renier ses racines. La famille Beria habitait auparavant du côté de Bodjormi, une ville de 40.000 habitants située à 150 kilomètres à l’ouest de Tbilissi. Malgré l’exode vers la France, les parents de Giorgi Beria tiennent à lui faire garder la culture du pays. À la maison, on continue d’ailleurs de parler le géorgien. On se rend également régulièrement dans le petit monastère orthodoxe de Marcenat, un petit village situé dans le massif du Cézallier.
« J’ai toujours baigné dans cette culture-là. Mes parents y tenaient énormément. Je me souviens de quand j’étais petit, on revenait quasiment tous les étés à Bodjormi. Et c’était à chaque fois comme une fête. J’étais vraiment content d’y aller et de revoir la famille. Je me souviens aussi des saveurs. Quand on mange quelque chose en Géorgie, cela n’a vraiment pas le même goût qu’en France. L’ambiance est différente. Dans les pays occidentaux, les gens ont souvent tendance à être égocentrés. Alors qu’ici, tout le monde est tellement accueillant… »
Ce retour aux sources, cette fois dans le cadre du rugby, constitue donc un sacré événement pour toute la famille. « C’est très émouvant pour nous tous, sourit la maman Nina. J’ai eu ma sœur et mon beau-frère au téléphone, ils seront au stade avec les drapeaux de l’ASM. Ils tiennent à écrire “allez Giorgi Beria” en français. »
Que l’on soit sur la pelouse, dans les tribunes ou derrière le poste de télévision à Aurillac, ce Black Lion - ASM restera quoiqu’il arrive dans la mémoire de tous les Beria.
A Tbilissi, Arnaud Clergue (LM - 20/01/24)