Je n'ai acces qu'a la partie gratuite de l'article de L'Express, mais c'est deja un ramassis de mensonges et de conneries assez hallucinant, j'ose a peine imaginer l'article entier...
Début 2020, quelques mois seulement après le début de la pandémie de SARS-CoV-2, les images tournent en boucle dans le monde entier. Un marché rempli d'animaux exotiques en cage, une ville en quarantaine... Dans les esprits, le scénario de l'émergence du Covid-19 est gravé : une chauve-souris a infecté un pangolin qui passait par là, s'ensuit une recombinaison de deux virus, et une épidémie qui déborde grâce à un marché humide très fréquenté où humains et animaux se côtoient. Voici le début d'un film catastrophe. Du moins le croyait-on. Car un an et demi après le début de la plus grave crise sanitaire mondiale depuis près d'un siècle, responsable de plus de 3 millions de morts à ce jour, la doctrine d'une "origine naturelle" du virus bien ficelé apparaît de plus en plus fragile, voire caduque.
À mesure que le mystère s'épaissit autour d'une possible zoonose, la thèse d'une contamination venue du laboratoire de virologie de Wuhan prend de l'épaisseur. Si certains chercheurs ont alerté sur la nécessité d'explorer cette piste dès janvier 2020, à contre-courant de la quasi-totalité de leurs collègues, leurs voix sont peu entendues. La sortie de Donald Trump, en mars 2020, n'arrange rien. Le président américain parle volontiers de "virus chinois" et d'un "lab leak" (fuite de laboratoire), mais sans jamais amener la moindre preuve. Rapidement, cette thèse, vue comme une théorie du complot, semble déconsidérée. Un an plus tard, la donne a changé. L'origine zoonotique de l'épidémie reste la piste privilégiée, mais il n'est plus tabou de parler d'une possible accident de laboratoire. Tels des détectives, certains scientifiques se sont ainsi pris au jeu, traquant le moindre indice, la plus infime trace laissée par les autorités chinoises sur ce mystérieux bâtiment de Wuhan classé P4. Sur Twitter, une équipe hétéroclite appelée Drastic s'est formée pour déterrer certains éléments sur l'institut de virologie. En France, le "groupe de Paris" s'est constitué à l'automne 2020 autour du virologue Etienne Decroly, directeur de recherche au CNRS et à l"université d'Aix-Marseille. Il rassemble quelques chercheurs qui refusent que cette piste soit totalement écartée. 4
Le moins que l'on puisse dire est que leurs découvertes sont déroutantes. Si une origine animale de l'épidémie jugée "probable à très probable" par le rapport d'enquête de l'OMS, tout n'est pas réglé. L'animal intermédiaire tant recherché n'a toujours pas été identifié. Un temps présenté comme le pangolin, ce dernier semble désormais être mis hors de cause. Si on a retrouvé des traces du virus chez certains spécimens en Chine, tout indique aujourd'hui qu'ils ont été contaminés par l'Homme, et non l'inverse. Lors de l'épidémie de SARS-CoV-1, en 2002, l'hôte intermédiaire - la civette palmiste - avait été identifié en quelques mois à peine. Gilles Demaneuf, data-analyste membre de la Drastic, estime auprès de L'Express que "les chances d'un accident lié à une collecte de virus ou à une sortie accidentelle du laboratoire P4 de Wuhan sont d'environ 70%". Pourquoi une telle théorie attire-t-elle autant de chercheurs dans une quête qui a tout d'un bon polar ?
L'histoire secrète du fameux "RaTG13"
Pour mener l'enquête, un retour en arrière s'impose. En 2012, six hommes sont hospitalisés à l'hôpital de Kunming, la grande ville de la province du Yunnan, à quelques 1500 km de Wuhan. Tous partagent plus ou moins les mêmes symptômes de pneumonie sévère. Ils ont pour point commun d'avoir travaillé dans une mine désaffectée à Tongguan, dans le canton de Mojiang. Cette mine est peuplée de colonies de chauves-souris "fer à cheval", ou rhinolophes. Les six hommes ont passé jusqu'à deux semaines à extraire le guano des mammifères volants sur le sol des galeries. Cette histoire, oubliée depuis longtemps, est troublante puisque les symptômes de ces six hommes ressemblent à ceux du Covid-19. Autre élément intéressant : le SARS-CoV-2 proviendrait de cette espèce de chauve-souris, selon l'écrasante majorité des chercheurs. Mais comment ce virus a-t-il pu se retrouver à Wuhan, mégalopole développée qui ne compte pas de colonies de ces mammifères ?
Dès le 23 janvier 2020, les chercheurs du Wuhan Institute of Virology (WIV) postent sur un site de prépublication un article mentionnant la découverte du virus génétiquement le plus proche du SARS-CoV-2. Ils le baptisent "RaTG13". Le génome du nouveau venu est identique à 96,2% au virus responsable du Covid-19. Où RaTG13 a-t-il précisément été prélevé ? Pour l'heure, nul ne le sait. Deux mois plus tard, le mystère s'épaissit lorsque la biologiste autrichienne Rossana Segreto s'intéresse aux correspondances génétiques du nouveau venu avec des virus déjà connus. Elle s'aperçoit non sans surprise que RaTG13 a un jumeau connu de longue date, et présent dans GenBank, la principale base de données publiques de séquences génétiques. Ce jumeau, baptisé "RaBtCoV/4991" avait été publié par les chercheurs du WIV dans la revue Virologica Sinica en 2016. La publication indique un autre élément : il avait été prélevé lors d'une campagne d'échantillonnage menée en 2013 dans une mine désaffectée du canton de Mojiang. Troublante coïncidence. En juillet 2020, dans un entretien à la revue Science, Shi Zengli, patronne du laboratoire P4 de virologie de Wuhan, confirme que RaTG13 n'est autre que RaBTCoV/4991. Le virus a bien été prélevé sur une chauve-souris fer à cheval dans la mine désaffectée du Yunnan, celle-là même où sont tombés malades les six hommes. Shi Zengli indiquera toutefois dans un autre entretien à Scientific American que la pneumonie des mineurs était due à une infection fongique.
Pressés de répondre aux interrogations de la communauté scientifique, les chercheurs du WIV ont publié dans Nature le 17 novembre 2020 - près d'un an après le début de la pandémie - des précisions sur les conditions de collecte de RaTG13. "Entre 2012 et 2015, notre groupe a échantillonné des chauves-souris une à deux fois par an dans cette grotte et collecté un total de 1322 échantillons", écrivent-ils. "Dans ces échantillons, nous avons trouvé 293 coronavirus très divers, (...) dont 9 ont été classés comme betacoronavirus (...), ces derniers étant tous apparentés à des coronavirus de type SARS". C'est l'un de ces neuf virus, ajoutent-ils, qui a été rebaptisé RaTG13. Ce dernier, concluent-ils, a été séquencé en 2018. Après cette publication, certains scientifiques se sont émus de découvrir, en novembre 2020 donc, que le WIV disposait de neuf coronavirus non publiés dans ses frigos. "Sauf erreur de ma part, personne ne le savait à ce moment-là !", affirmait à l'époque dans L'Express Etienne Decroly. Tant de mystère intrigue au sein de la communauté scientifique. Au point de se demander si un accident impliquant un de ces coronavirus n'aurait pas pu se produire.
Manipulations de coronavirus dès 2013
Si certains jugent ces théories "fantaisistes", d'autres, comme Etienne Decroly ou Gilles Demaneuf, data-analayst membre de la Drastic, demandent une "expertise plus poussée en la matière". Hervé Fleury, professeur émérite de virologie au CNRS et à l'université de Bordeaux, est du même avis. "On ne peut pas fermer cette hypothèse, et certains éléments sont troublants", indique-t-il à L'Express. Le chercheur s'est intéressé à la littérature des années précédentes, et y a déniché quelques éléments intéressants. Dès 2013, un an après la maladie des mineurs du Yunnan, Shi Zengli fait état dans une publication dans Nature de coronavirus de chauve-souris "ayant un potentiel de passage à l'Homme car possédant la faculté de se fixer sur le récepteur des cellules humaines ACE2". Parmi ces virus baptisés W1V1, 3367 et SHCO14, W1V1 est cultivé en cellules et a le potentiel pour "passer directement à l'Homme sans hôte intermédiaire", est-il écrit. "Nous sommes en 2013 !", s'exclame Hervé Fleury. En 2015, une autre publication dans Nature Medecine (fruit d'une collaboration entre la même équipe chinoise de Wuhan et une équipe américaine de Caroline du Nord) met en avant la création de "chimères", notamment à partir d'un virus de type SARS adapté à la souris, et dans lequel ils ont introduit le gène Spike (ou spicule) du SHC014. Enfin, en 2016, l' équipe américaine lance l'alerte sur des virus de chauve-souris comme W1V1 qui pourraient passer à l'Homme directement.
"Dès 2016, des équipes américaines et chinoises savaient que des virus avaient le potentiel pour infecter les cellules humaines. W1V1 était donc, il y a quatre ans, considéré comme un danger immédiat pour l'Homme", s'alarme le chercheur. Certaines des expériences menées au laboratoire de Wuhan ont même bénéficié du financement des National Institutes of Health (NIH) américains. Car, grâce à la protéine Spike, le SARS-CoV-2 s'insère parfaitement dans les cellules humaines, et ce malgré un cran de sécurité sur ces dernières. Le Covid-19 est donc idéalement adapté à nos mécanismes. Ce virus agit donc comme un cambrioleur qui aurait les clés d'une maison. De quoi pousser certains scientifiques à s'interroger : ces caractéristiques étranges ne seraient-elles pas le résultat d'expériences dites de "gain de fonction" ? Ces expériences ont pour but de forcer l'évolution d'un virus en répétant des infections sur des animaux de laboratoire ou des cultures cellulaires. L'idée est ainsi de mieux comprendre la nature des modifications moléculaires qui augmentent la transmissibilité ou la pathogénicité des virus. "C'est très dangereux de manipuler de tels virus, et des accidents de ce genre sont déjà arrivés", rappelle Hervé Fleury. Dans les années qui ont suivi l'épidémie de SARS de 2003, au moins quatre fuites d'un laboratoire ont été détectées. La grippe A(H1N1) de 1977 a aussi été causée par une erreur de manipulation humaine d'un virus qui aurait circulé dans les années 1950 et qui aurait été conservé en laboratoire.
Pour le virologue bordelais, l'hypothèse d'un tel accident "n'est pas nulle". "D'autre part, poursuit-il, la présence d'un hôte intermédiaire n'est pas nécessaire, si l'on prend l'exemple de W1V1, et sa quête pourrait être une voie sans issue indiquée opportunément par le régime chinois. Les experts regarderaient ainsi ailleurs, loin du laboratoire P4 de Wuhan". Selon le Washington Post, l'ambassade des Etats-Unis à Pékin, après des visites à l'institut, avait alerté en 2018 les autorités américaines sur des mesures de sécurité qu'ils jugeaient insuffisantes. Des allégations réfutées par Pékin, qui dément que ces laboratoires soient la source du coronavirus. Quoiqu'il en soit, les chercheurs, transformés en Sherlock Holmes de la pandémie, ont encore du pain sur la planche.