Dans un mois pile, le 14 août, l'AS Béziers-Hérault accueillera Toulouse en match amical. Mais sur le banc de touche biterrois, on ne verra pas Michaël Cheika ou Vincent Etcheto à la manoeuvre. Sur le terrain, il n'y aura ni Ma'a Nonu, l'ex-All Black aux 103 sélections, ni Marika Koroibete (ailier, Melbourne). Pas plus que Semesa Rokoduguni (ailier, Bath), Jordan Taufua (3e ligne, Leicester) ou Benjamin Fall (arrière) et Jean-Charles Orioli (talonneur), quelques-unes des recrues espérées dans le casting XXL imaginé par Christophe Dominici, ambassadeur du dossier de reprise de Béziers.
Lundi en début d'après-midi, la DNACG a sifflé la fin de la récré d'un feuilleton sans fin qui n'a jamais vraiment amusé grand monde. Une semaine après les signatures du protocole de vente par Cédric Bistué et Pierre-Olivier Valaize, les deux coprésidents actuels, respectivement en poste depuis 12 et 9 ans, la Direction nationale d'aide au contrôle de gestion (DNACG) n'a pas validé les pièces présentées par le camp du repreneur originaire des Émirats arabes unis, Samir Ben Romdhane (58 ans). Garanties trop tardives ? Insuffisantes ? Fonds étrangers insuffisamment traçables ?
En tout cas, ce nouvel avis défavorable émis par le gendarme financier de la LNR a provoqué un mélange de vexation, de colère et d'amertume dans le « clan Dominici ». Et en milieu d'après-midi, via un communiqué imagé actant la fin de l'histoire, le ton parfois sarcastique en disait long sur la déception du camp des recalés, malgré tout pas rancuniers envers le gendarme financier de la LNR. « Nous tenons à souligner l'excellente collaboration de la DNACG et du Conseil supérieur qui ont, notamment, tenu les délais de leur délibéré pour que nous puissions obtenir l'accord de cession avant le 15 juillet afin de nous permettre les recrutements annoncés ».
« Nous partons tristes et nous savons que le coeur des Biterrois saigne et pleure »
Le repreneur qui renonce
Le reste était clair quant aux sentiments nourris envers le duo Bistué-Valaize, suspecté de n'avoir jamais voulu vraiment vendre et d'avoir tardé à signer le protocole de vente. « Alors que nous avions apporté, dans des délais restreints et contraints, tous les éléments demandés, et que nous pensions légitimement que tous les signaux étaient au vert, nous avons reçu une flèche obligeant la DNACG à ne pas pouvoir donner son accord immédiat et ayant comme première conséquence de ne pas faire le recrutement nécessaire dans les temps pour redonner à Béziers sa véritable place dans le rugby français ».
La flèche en question serait les doutes émis par le duo Valaize-Bistué sur la provenance étrangère d'un premier chèque de garantie d'un montant de 6M€ signé par M. Ben Romdhane à l'ordre de la SASP de l'ASBH. Chèque établi par la Commerzbank de Francfort (Allemagne). Dans un communiqué, lundi soir, le duo affirme d'ailleurs que la DNACG n'a reçu que deux documents de solvabilité : la photo du fameux chèque et « une attestation de la China Bank à Pékin précisant que l'actionnaire de Sotaco Managment (l'acheteur) bénéficiait sur son compte tenu à Pékin de 20 000 000 de dollars, document en attente d'authentification ». « La cession du club n'a donc pas échoué par un refus des actionnaires actuels ou, comme évoqué, par une exigence de dernière minute, mais du seul fait des règles prudentielles de la DNACG », conclut-il.
En tout cas, cette sensation de devoir prouver chaque fois un peu plus a eu raison de l'enthousiasme du repreneur. « Nous partons tristes et nous savons que le coeur des Biterrois saigne et pleure... Le nôtre aussi car la magie d'un projet s'est éteinte aujourd'hui (lundi). Nous achetions une voiture accidentée relativement très chère et le vendeur nous demande de prouver que nous pouvons la rendre plus belle qu'elle n'était... Nous verrons s'ils arrivent juste à la faire rouler.... »
Véritable monument du rugby français, Béziers, onze fois sacré champion de France entre 1961 et 1984, s'apprête donc à repartir en Pro D2 avec un budget en diminution, et évidemment bien plus modeste que celui imaginé par le clan Ben Romdhane. Il sera proche des 7 M€ pour 2020-2021 contre 7,6 M€ pour 2019-2020. Les deux coprésidents, qui restent donc en place, passeront à leur tour devant la DNACG jeudi. Mais depuis le début de l'affaire, ils n'ont pas caché leur volonté de passer la main à court, voire à très court terme. « L'ASBH va repartir avec une belle équipe, celle prévue à un ou deux joueurs près », souligne un proche de la direction. Mais les problèmes financiers demeurent. Les uns parlent d'un déficit de 750 000 euros, les autres de 3 M€. Et les joueurs n'ont perçu leurs salaires de juin que le 10 juillet. « Ce n'est pas un problème de trésorerie mais une question de décalage administratif, de dysfonctionnement dû au climat actuel », poursuit ce même dirigeant. Le flou de bout en bout.